Pourquoi les miroirs étaient-ils toujours suspendus de biais en Russie?

Iouzef Mosenjnik, Vladimir Repik/TASS
Iouzef Mosenjnik, Vladimir Repik/TASS
Pour voir son reflet, il fallait tendre le cou, voire se dresser sur la pointe des pieds. Pourquoi les miroirs étaient-ils donc inclinés ainsi?

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Si vous visitez un vieux logement russe, vous remarquerez alors certainement le positionnement étrange des miroirs : accrochés à une hauteur inhabituelle, ils étaient étrangement inclinés. Aujourd’hui, cela peut nous sembler étrange et surtout peu pratique. Cependant, si on accrochait les miroirs ainsi à l’époque, c’était pour une raison précise.

Un objet pour les riches

Dmitri Korobeïnikov / Sputnik Cadre de miroir, début du XXe siècle. Musée régional des traditions locales de Kemerovo
Dmitri Korobeïnikov / Sputnik

Il y a encore une centaine d’années, un miroir était un bien extrêmement cher et seuls les foyers aisés pouvaient en avoir un. Dans la Russie prérévolutionnaire, l’on pouvait apercevoir de grands miroirs à cadre massif uniquement dans les propriétés ou dans les appartements de familles riches. On trouvait des miroirs sur pieds, posés au sol, d’autres intégrés aux trumeaux, ou encore accrochés aux murs.

MAMM/MDF Intérieur d'un salon des années 1910
MAMM/MDF

>>> Le poêle, élément central du foyer traditionnel russe

Les paysans aisés ramenaient chez eux de grands miroirs plus simples des marchés de la ville, tandis que les plus pauvres se contentaient de petits modèles. Dans tous les cas, ces objets coûteux étaient chéris, décorés de tissus brodés et accrochés le plus haut possible dans la maison, de sorte que personne ne les brise accidentellement. Mais du coup, comment regarder son reflet dans le miroir ?

A. Goriatchev / Sputnik Fragment de cuisine
A. Goriatchev / Sputnik

C’est pour cette raison que les miroirs ont commencé à être accrochés en hauteur et de biais. En outre, plusieurs superstitions étaient encore associées aux miroirs à l’époque : de nombreux peuples pensaient qu’ils représentaient des passages vers l’au-delà. Or, les Russes considéraient généralement que ne pas se voir en entier dans un miroir était un mauvais présage. Ils étaient par conséquent accrochés de manière à pouvoir se voir entièrement. Briser un miroir était également signe de malheurs à venir. Ils étaient donc plus en sécurité suspendus juste sous le plafond, hors d’atteinte.

Victor Akhlomov/MAMM/MDF Fête, 1961
Victor Akhlomov/MAMM/MDF

Pendant l’ère soviétique, les miroirs sont devenus beaucoup plus accessibles grâce au renforcement de l’industrialisation, mais de nombreux foyers continuaient de suspendre leurs miroirs en hauteur comme le faisaient leurs grands-parents. De nos jours, on peut observer de telles installations dans les musées et sur les photographies d’époque, mais également dans les vieilles maisons de campagne.

Vladimir Savostianov / TASS Région de Toula, URSS. Septembre 1960. Vue de la salle à manger du Musée-domaine de Iasnaïa Poliana ayant appartenu à Léon Tolstoï
Vladimir Savostianov / TASS

Les toiles et les photographies étaient également accrochées en hauteur

Karl Bulla/Archives centrales d'État de documentation cinématographique et photographique de Saint-Pétersbourg Années 1910
Karl Bulla/Archives centrales d'État de documentation cinématographique et photographique de Saint-Pétersbourg

En plus des miroirs, les Russes accrochaient aussi souvent des toiles et des photographies encadrées, juste sous le plafond. Ici aussi, la raison était le fait de mieux pouvoir les admirer : en hauteur, il y avait moins de reflets de lumières, et elles prenaient moins la poussière.

Alexandre Grinberg/MAMM/MDF Portrait d'une femme dans les années 1910
Alexandre Grinberg/MAMM/MDF

Plus les plafonds étaient élevés, plus l’angle d’inclinaison des peintures et des photographies était important. C’est d’ailleurs de cette manière que de nombreux musées, aujourd’hui encore, accrochent les toiles qu’ils exposent.

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