Savez-vous pourquoi le mont des Moineaux à Moscou porte ce nom?
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Dans le chapitre IV du tome I de son Histoire de Russie, l’historien Vassili Tatichtchev (1686-1750) mentionne un certain Vorobeï fils de Stoïan, élevé auprès du grand-prince de Kiev Vladimir (vers 956-1015). Cet homme, dont Vorobeï (Воробей / moineau) était le surnom, est également présenté comme un passadnik (посадник / magistrat) de Novgorod-le-Grand, ville dont il aurait convaincu nombre d’habitants de se convertir au christianisme.
Si certains historiens pensent que la Chronique de Joachim, que Vassili Tatichtchev présente comme la source du chapitre IV de son Histoire de Russie, est un faux, des fouilles archéologiques conduites par Valentin Ianine (1929-2020), spécialiste unanimement reconnu de Novgorod à l’époque médiévale, vinrent confirmer le récit fait par Tatichtchev d’une conversion au christianisme des habitants de Novgorod faite dans la violence. Des études dendrologiques permirent à Valentin Ianine de la dater de 988, année du baptême du prince Vladimir, ou 989.
Vorobeï fils de Stoïan, absent des deux listes de passadniki de Novgorod qui nous sont à ce jour connues, était probablement un lointain ancêtre du boyard de Moscou Iouri Vorobiov (vers 1300 – après 1353). Vorobiov (воробьёв) est l’adjectif d’appartenance formé sur le substantif воробей (moineau). Il faut donc comprendre que Iouri Vorobiov signifie Iouri de la lignée de Vorobeï.
La Chronique de Siméonov, compilée à la fin du XVe siècle, nous apprend que le grand-prince de Moscou Siméon le Fier (1317-1353) chargea, en 1352, son boyard Iouri Vorobiov d’accompagner à Constantinople Alexis (vers 1290-1378), le candidat désigné par le métropolite Théodose (?-1353) à sa succession.
Iouri Vorobiov possédait, entre autres, sur le mont qui domine la Moskova au sud-ouest de Moscou un village qui portait le nom de sa lignée : Vorobiovo pour Воробьёво село. Des fouilles archéologiques montrèrent qu’il avait été construit à l’emplacement d’une zone de peuplement finno-ougrien datant du Ier millénaire avant Jésus-Christ (début de l’âge de fer).
La première mention découverte à ce jour du village de Vorobiovo se trouve dans le testament de la grande-princesse Sofia Vitovtovna (1371-1453), la femme du grand-prince de Moscou Vassili Ier (1371-1425). Parmi les terres qu’elle possédait autour de Moscou, elle léguait « le village de prêtre [il y avait une église au service de laquelle était attaché un prêtre – ndlr] Vorobiovo » qu’elle avait acheté à son petit-fils Iouri Vassilievitch, futur prince de Dmitrov (1441-1472).
Après que Sofia Vitovtovna en eut fait l’acquisition auprès de descendants de Iouri Vorobiov, une résidence princière fut construite à Vorobiovo. Le village resta ensuite attaché aux terres de la couronne.
Après l’incendie qui ravagea Moscou le 21 juin 1547, le tsar Ivan IV (1530-1584) se retira avec sa femme Anastasia et son frère cadet Iouri à Vorobiovo le temps que soit reconstruit son palais au Kremlin. Ce fut également sur le mont où se trouvait ce village que le tsar installa les 3 000 hommes de son premier régiment d’arquebusiers (стрельцы – strelsty).
En 1681, un imposant palais en bois y fut érigé sur des fondations en pierre. Catherine II (1729-1796) le fit entièrement reconstruire par l’architecte Matveï Kazakov (1738-1812), à qui l’on doit le Sénat dans le Kremlin de Moscou.
Époque contemporaine
En 1949 furent lancés les travaux de construction du nouveau bâtiment de l’Université d’État de Moscou. Il fut inauguré en 1953. Trois ans plus tard, le village de Vorobiovo fut entièrement rasé pour laisser place aux aménagements prévus autour du gratte-ciel de l’Université. À l’époque, la colline portait le nom de mont Lénine. Elle l’avait reçu en 1935 et le garda officiellement jusqu’en 1999.
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Depuis, l’église de la Trinité Vivifiante témoigne seule de l’existence passée du village. Construite entre 1811 et 1813, elle est consacrée à la Trinité, comme l’était celle dont on a une mention dans une source de 1644 qui précise qu’elle était ancienne.
Ainsi que cette très rapide excursion dans le passé nous l’a appris, Воробьёвы горы est le mont sur lequel des représentants de la lignée de Vorobeï, un homme surnommé « le moineau », avaient possédé des terres. Ce qui n’exclut pas qu’il y ait eu plus de moineaux sur cette colline qu’ailleurs dans Moscou ou ses alentours !
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