Ces classiques de la littérature russe qui écrivirent sur la Russie hors de ses frontières

Fenêtre sur la Russie
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Au XIXe siècle, les écrivains russes aimaient voyager à l’étranger. Certains d’entre eux y composèrent même leurs meilleures œuvres.

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Lors de leurs voyages en Europe et en Asie, les écrivains russes non seulement se faisaient une vision du monde plus large que celle qu’ils avaient en Russie, mais aussi prenaient la distance nécessaire pour interpréter ce qui se passait dans l’empire russe. À l’étranger, même s’ils avaient le mal du pays, ils réfléchissaient à son avenir et le décrivaient dans leurs œuvres

Vassili Joukovski (1783-1852)

Domaine public
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Poète romantique très apprécié en son temps, Vassili Joukovski traduisit avec talent Homère, Goethe, Schiller, Byron et Scott. Il fut également le professeur de russe de la future impératrice Alexandra Fiodorovna puis le précepteur du futur empereur Alexandre II. Il reste connu comme l’auteur des paroles de l’hymne russe : « Seigneur, protège le tsar ! » (« Боже, Царя храни ! ».), honneur qu’il devait à sa grande érudition. L’écrivain connaissait bien et goûtait la culture européenne. Il fit plusieurs longs séjours à l’étranger.

En 1841, Vassili Joukovski s’unit à Elisabeth von Reutern, la fille d’un de ses amis allemands, le peintre Gerhardt von Reutern. Le poète avait 58 ans, un âge déjà avancé pour l’époque ; sa jeune épouse, 38 de moins. Le couple s’établit en Allemagne. Les grossesses difficiles de sa femme puis sa propre santé déclinante l’empêchèrent de correspondre régulièrement avec les membres de la famille impériale russe et ses amis, comme il en avait l’habitude au début de son mariage. Il mourut sans avoir revu la Russie.

Vassili Joukovski acheva le travail de sa vie en Allemagne : la traduction de L’Odyssée, qui reste à ce jour inégalée.

Fiodor Tiouttchev (1803-1873)

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Fiodor Tiouttchev est l’un des poètes les plus « russes » du XIXe siècle. Il célébra en vers la beauté de la nature russe et ne fit jamais mystère de ses vues slavophiles. Diplômé de l’Université de Moscou à 18 ans, le jeune homme fut envoyé en mission diplomatique à Munich. En Bavière, il fréquenta le philosophe Friedrich von Schelling et le poète Henrich Heine. En 1826, il épousa secrètement la comtesse Eléonore Peterson. En 1837, il fut nommé premier secrétaire de la mission diplomatique russe à Turin. En 1839, un an après la mort de sa femme, Fiodor Tiouttchev se remaria avec la baronne Ernestine von Dörnberg et quitta le service diplomatique. Il resta à l’étranger jusqu’en 1844 et y publia des articles en français.

Pendant la vingtaine d’années qu’il passa hors de Russie, Fiodor Tiouttchev pratiqua l’allemand et le français. La poésie en langue russe était pour lui une sorte de loisir. La puissance et la richesse de sa langue maternelle est telle qu’elle fit de lui l’un des plus grands poètes russes.

Nicolas Gogol (1809-1852)

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L’auteur de la comédie Le Revizor et du poème en prose Les Âmes mortes passa en tout près de 10 ans de sa vie en Europe, principalement en Italie.

Nicolas Gogol quitta la Russie en 1836 après l’accueil mitigé que le public réserva au Revizor. Il voulut oublier sa déception à l’étranger. À Kronstadt, il s’embarqua pour Lübeck. Il visita ensuite Hambourg, Brême, Düsseldorf, Baden-Baden où il s’arrêta un mois. De là, il descendit en Suisse où il poursuivit son travail sur les Âmes mortes qu’il avait commencé en Russie. Il passa l’hiver en France et, au printemps, arriva en Italie. Il fut émerveillé par Rome, où il retourna à plusieurs reprises au cours des 10 années suivantes. Il y appréciait la nature, les ruines antiques et la douceur de vivre.

Loin de la Russie, Nicolas Gogol écrivit Le Manteau, l’une des nouvelles du cycle de Saint-Pétersbourg, et la plus grande partie des Âmes mortes. Il rentra en Russie en 1848 après être passé par Jérusalem.

Ivan Tourgueniev (1818-1883)

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Ce romancier russe passa tant de temps à l’étranger qu’il fut un véritable trait d’union entre les cultures russes et européennes. Dans sa jeunesse, il étudia à l’université de Berlin. Il fut témoin de la Révolution de 1848 en France et devint un opposant farouche à toute violence politique. Son amour pour la cantatrice Pauline Viardot le retint à de très nombreuses reprises en Europe occidentale. Il y établit des contacts avec les plus grands écrivains allemands, britanniques et français. Parmi eux, William Thackeray, Charles Dickens, Henry James, George Sand, Victor Hugo, Prosper Mérimée, Théophile Gautier, Anatole France, Guy de Maupassant, Edmond Goncourt, Emile Zola, Alphonse Daudet et Gustave Flaubert. Dans les années 1870, Ivan Tourgueniev retrouvait ces quatre derniers lors des « dîners des auteurs sifflés » au cours desquels ils discutaient de langues et de littérature. Ils ne se quittaient pas sans s’être raconté des histoires drôles.

Il donnait des conseils aux traducteurs des écrivains russes, rédigeaient préfaces et commentaires à leurs éditions, traduisait lui-même des écrivains européens en russe. Il était une figure reconnue en Europe occidentale. Le 18 juin 1879, il reçut le titre de docteur honoris causa de l’université d’Oxford.

Toute sa vie, où qu’il se soit trouvé, Ivan Tourgueniev ne cessa de penser à la Russie et d’écrire sur la Russie. Il rédigea presque tous Les Récits d’un Chasseur et son roman La Fumée en Allemagne. En France, il composa le roman Terres Vierges et ses Poèmes en Prose très lyriques.

Ivan Bounine (1870-1953)

Domaine public
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Contraint de quitter la Russie en 1920, Ivan Bounine souffrit jusqu’à sa mort en émigration de ne pouvoir y retourner. La nostalgie qu’il éprouva transparaît non seulement dans sa correspondance, mais aussi dans ses romans écrits après 1920. Dans le roman La Vie d’Arséniev, le prix Nobel de littérature 1933 prêta à son personnage principal ses souvenirs d’enfance et d’adolescence et donna à comprendre combien lui manquaient la Russie dans laquelle il avait vécu avant la Révolution d’Octobre, sa nature, sa culture, ses traditions.

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