Pourquoi chaque conte russe commence-t-il par un malheur?

Kira Lissitskaïa (Photo: Musée mémorial Vasnetsov, Moscou; Buyenlarge/Getty Images)
Kira Lissitskaïa (Photo: Musée mémorial Vasnetsov, Moscou; Buyenlarge/Getty Images)
En effet, l’intrigue de la plupart des contes populaires russes repose précisément sur un malheur. Le malheur, la malchance, la catastrophe servent de catalyseurs à l’action.

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Certains folkloristes, analysant les contes russes, s’expriment de manière plus précise. Au lieu du mot « malheur », ils parlent de rupture de l’harmonie ou de sentiment de manque. Par exemple, un père a décidé de marier ses fils (comme dans le conte La princesse-grenouille). Ce n’est pas un malheur, mais un manque : il est temps pour les jeunes gens de trouver des épouses, mais ils n’en ont pas, il faut les trouver quelque part. Ou bien un frère a décidé de marier ses sœurs (le conte Maria Morevna). Ou encore, l’oiseau de feu a pris l’habitude de voler les pommes d’or dans le jardin du tsar (Le conte d’Ivan Tsarevitch, de l’oiseau de feu et du loup gris) – on ne peut pas dire que ce soit directement un malheur, mais c’est désagréable, cela crée un déséquilibre et l’on se lamente de la perte de ces pommes. Les malheurs dans ces contes se produiront plus tard au cours de l’action.

Domaine public Illuistration d'Ivan Bilibine pour La princesse-grenouille
Domaine public

Cependant, les chercheurs qui utilisent le mot « malheur » ont également raison. Le folkloriste Vladimir Propp, dans son livre Les racines historiques du conte de fées, a intitulé tout un chapitre « Malheur et opposition ». Il évoque les nombreux cas où le malheur surgit de nulle part avec toute son inéluctabilité, précédé d’un suspense à la Hitchcock. Tout le monde autour sait que quelque chose va arriver, fait des cauchemars prémonitoires ou pressent simplement le malheur. Et en effet, peu après, un dragon enlève une jeune fille, ou la belle-mère chasse sa belle-fille de la maison, ou les méchantes sœurs imaginent une mauvaise blague et le fiancé blessé de la plus jeune sœur manque de mourir, puis disparaît complètement, et la jeune fille doit partir à sa recherche pour le sauver.

Galerie Tretiakov Ivan Tsarévitch chevauchant le loup gris, par Viktor Vasnetsov
Galerie Tretiakov

« N’importe quel malheur est la forme principale du nœud de l’intrigue. Le malheur et l’opposition créent l’intrigue. Les formes de ce malheur sont extrêmement variées », écrit Propp. Néanmoins, il y a aussi une bonne nouvelle : à la fin du conte, le malheur se transforme en bonheur, la princesse enlevée revient saine et sauve avec son fiancé, la belle-fille bannie revient avec de riches présents et se marie souvent peu après. Et ils vivent ensuite heureux et longtemps.

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