Depuis quand les Russes mangent-ils des salades Olivier et mimosa au Nouvel An?

Andrey Nikitin / Getty Images
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Salades Olivier et mimosa, harengs sous leur manteau de fourrure, mandarines et champagne soviétique... impossible d’imaginer une table de réveillon du Nouvel An en Russie sans eux!

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Salades Olivier, salade mimosa, harengs sous leur manteau de fourrure, mandarines, champagne sont toujours présents aujourd’hui sur les tables du réveillon du Nouvel An en Russie et dans presque tout l’espace post-soviétique. Cette tradition est si bien ancrée dans les familles qu’elle semble remonter à très loin. En réalité, elle a commencé à s’établir au milieu du XXe siècle. En période de déficit, il fallait faire preuve d’inventivité pour fêter dignement la fête laïque qu’était le passage à la nouvelle année.

Ancien Régime

Avant la Révolution d’Octobre, la fête du Nouvel An était secondaire. Surtout comparée à celle de Noël célébrée une semaine avant. Il n’y avait alors pas de plats imposés. À Saint-Pétersbourg et Moscou, on festoyait à l’occasion du passage à la nouvelle année uniquement dans les milieux les plus aisés. Ceux qui en avaient les moyens se régalaient d’entrées raffinées, d’huîtres, de fruits très chers et de la célèbre salade du chef Lucien Olivier préparée selon la recette originelle : gélinotte, queue d’écrevisse et sauce provençale.

Archives de Victoria Averkina
Archives de Victoria Averkina

Après la Révolution d’Octobre, les bolcheviks se mirent à lutter contre les vestiges de l’ordre ancien : célébrer la fête « bourgeoise » du Nouvel An et Noël fut interdit. Le 1er janvier, comme fête laïque et familiale au cœur de l’hiver, fut instaurée en URSS dans les années 1930 seulement. C’est de cette époque que datent les premières fêtes pour les enfants (ёлки / iolki) et les premières recommandations pour dresser les tables du réveillon. Le Livre de la Bonne et Saine Nourriture, le principal ouvrage de cuisine de l’époque, mettait à la sauce soviétique beaucoup de recettes de plats raffinés de l’Ancien Régime.

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M-Production / Getty Images
M-Production / Getty Images

Les plus grands changements culinaires se produisirent dans les années d’après-guerre. Ainsi, les harengs sous leur manteau de fourrure sont probablement inspirés d’une entrée qui était à la carte du restaurant moscovite Russie. Elle était composée de truite, de betteraves et de sauce provençale aux anchois. Ce plat avait été servi au festin qui avait suivi le couronnement d’Alexandre III. À l’époque soviétique, la truite fut remplacée par des harengs. On raconte qu’Anastase Bogomilov, tenancier d’un cabaret à Moscou, aurait réinventé ce plat en mélangeant des ingrédients « rouges » et « blancs » pour que ses clients ne discutent pas de politique.

Dans la recette bourgeoise de la salade Olivier, les chefs soviétiques remplacèrent la gélinotte par du saucisson cuit, les câpres par des petits pois en conserve et la sauce provençale par de la mayonnaise. Cette salade devint rapidement très populaire et l’est toujours autant.

Luxe accessible

À l’époque soviétique, le Nouvel An devint la fête que les Soviétiques célébraient en famille. Les maîtresses de maison se faisaient un devoir de préparer les plus belles tables.

Boris Kavachkine / Sputnik
Boris Kavachkine / Sputnik

Dans les années 1960, les clémentines apportèrent une nouvelle couleur à la fête. La première cargaison de cet agrume arriva du Maroc justement pour le Nouvel An 1963. Les clémentines avaient deux avantages qui assura leur succès durable : elles étaient des fruits frais en hiver et d’un prix abordable.

Boris Kavachkine / Sputnik
Boris Kavachkine / Sputnik

On ne connaît pas l’auteur de la recette de l’autre salade traditionnelle du Nouvel An : la mimosa. On sait seulement qu’elle fut publiée dans plusieurs journaux et magazines dans les années 1970. Sa simplicité explique qu’elle fut immédiatement adoptée : conserve de poisson, œufs, carotte et mayonnaise.

Eldar Riazanov/Mosfilm, 1956
Eldar Riazanov/Mosfilm, 1956

Que boire au son des куранты, les cloches de l’horloge de la Tour du Sauveur qui sonnent à minuit dans la nuit du Nouvel An ? Du Советское шампанское, bien sûr ! Ce mousseux était déjà produit au XIXe siècle. Au milieu des années 1930, des scientifiques soviétiques mirent au point un procédé de champagnisation accélérée, ce qui permit de rendre ce vin bon marché.

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Culture du cinéma

Eldar Riazanov/Mosfilm, 1976
Eldar Riazanov/Mosfilm, 1976

La télévision joue un grand rôle les soirs de réveillon du Nouvel An. Aujourd’hui encore, on regarde avec plaisir la comédie musicale sortie en 1956 La Nuit du Carnaval qui raconte comment les employés d’une maison de la culture préparent le spectacle du réveillon. De même que L’Ironie du Sort du même réalisateur, Eldar Riazanov. L’héroïne de cette comédie douce-amère a préparé tous les plats traditionnels du Nouvel An, y compris un poisson en gelée.

Vassili Egorov, V. Chtchegolev / TASS
Vassili Egorov, V. Chtchegolev / TASS

Depuis 1962, on réveillonne aussi en chansons grâce à l’émission La Petite Flamme Bleue (Голубой огонёк).

Rien n’empêche les hôtes qui reçoivent au Nouvel An de préparer aussi des recettes de leurs régions – de Perm, de Smolensk ou de Khaborovsk – ou d’autres lues dans les journaux ou sur les blogs culinaires. Il est cependant rare de trouver une bonne table de réveillon sans les plats qui s’y sont imposés depuis les années 1950.

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