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« Il y avait ici des pochevni, harnachés de fougueuses troïkas, décorées de rubans et de cloches au tintement cramoisi, de simples traîneaux de ville, des traîneaux laids et ridiculement lourds, et des traîneaux de chasse, tirés par des trotteurs forts et à peine retenus. Les lionnes en visite, épouses des aristocrates locaux, brillaient dans les pochevni ; les jeunes lions en visite exhibaient leurs traîneaux de chasse et leurs trotteurs. Parfois, une troïka quittait la rangée et se précipitait au milieu de la rue, soulevant des nuages de poussière de neige ; à sa suite, quelques traîneaux de chasse s’envolaient, se dépassant les uns les autres, riant et piaillant, les visages des jeunes femmes rougis par le gel se retournant fébrilement, tout en talonnant impatiemment le cocher ». C’est ainsi que l’écrivain Mikhaïl Saltykov-Chtchedrine décrivait les promenades en traîneau dans la province russe.
Le traîneau n’est pas une invention russe. Ce chariot sur deux patins a été utilisé dans de nombreuses sociétés et cultures différentes, y compris dans celles où il n’y avait pas de neige, par exemple dans l’Égypte et la Mésopotamie antiques.
En Russie, les traîneaux étaient le moyen de transport le plus populaire, y compris en été, car il n’y avait pas encore de services routiers, et il était parfois plus facile d’aller à traîneau même par temps sec. Comme le souligne Mikhaïl Vassiliev, chercheur en histoire des traîneaux, plusieurs centaines de pièces de traîneaux – et seulement quelques pièces de charrettes – ont été trouvées lors de fouilles à Novgorod.
Depuis des temps anciens, les traîneaux ont été considérés comme un moyen de transport « honorable » et de prestige – après tout, il était beaucoup plus sûr de monter dans un traîneau que dans une charrette à roues, qui tremblait et était ballottée d’un côté à l’autre sur les routes russes. Au XVIe siècle, le voyageur anglais Anthony Jenkinson écrivait : « Si un Russe a des moyens, il ne quitte jamais sa maison à pied, mais en hiver il sort en traîneau et en été à cheval ». Comme on le voit, même au XVIe siècle, les voitures à roues n’étaient pas si répandues au sein de la noblesse.
Dans les régions septentrionales de la Russie, l’on utilisait les traîneaux presque toute l’année, car il y avait beaucoup de marécages et de routes peu fréquentées. Dans la zone médiane et les régions méridionales, les charrettes étaient tout de même utilisées en été. Cependant, partout, les malades et les infirmes étaient transportés en traîneaux. Le prince Sviatoslav III s’est lui-même rendu de cette manière à Kiev avec une jambe malade en 1194, bien que le voyage se soit déroulé en été.
Les traîneaux étaient en outre le moyen de transport traditionnel des évêques. Même au XIXe siècle, selon l’historien Mikhaïl Piliaïev, ils se rendaient au service en traîneaux – les charrettes et les kolymagas (voitures sans mécanisme de rotation et suspensions) n’étaient utilisés par les évêques que pour se rendre à la cour. Par exemple, le métropolite Pitirim, qui a vécu au XVIIe siècle, se déplaçait en hiver et en été dans un traîneau tiré par un seul cheval.
Types de traîneaux
Au début, les traîneaux de marchandises et de passagers étaient conçus à peu près de la même manière, mais aux XVe et XVIe siècles, avec la croissance de l’État russe, la poste montée s’est beaucoup développée et de plus en plus de personnes ont commencé à parcourir de longues distances en traîneau et à transporter des charges diverses. De nouveaux détails et de nouveaux types de traîneaux sont alors apparus.
Traîneau de sortie
Dans les traîneaux spécialement conçus pour transporter des passagers, il y avait un bouclier – une haute paroi avant, qui protégeait les passagers de la boue qui volait sous les sabots du cheval. Il était souvent tapissé ou peint, tout comme la paroi extérieure arrière. La richesse du rembourrage, de la peinture et de la sculpture soulignait le statut du traîneau et de son propriétaire. Dans les traîneaux pour passagers, le conducteur disposait d’une banquette avant. Il était ainsi séparé des passagers.
Ces derniers bénéficiaient d’un grand confort : pour se réchauffer, ils avaient à leur disposition une couverture chaude posée sur les genoux et les jambes. Les riches en possédaient une en peau d’ours. Si le traîneau partait pour un long voyage, les passagers étaient recouverts, pour les protéger du vent, d’une épaisse couverture en cuir, qui était attachée au corps du traîneau et solidement fixée. Les traîneaux les plus chers étaient appelés « traîneaux de ville » ou « de sortie ». Ils étaient utilisés par les nobles, les boyards et les tsars. Cependant, même dans les villages, les riches traîneaux de sortie étaient un élément indispensable de la cérémonie de mariage en hiver.
Traîneau à bois
Le nom même de ce traîneau indique qu’il était principalement utilisé pour le transport du bois de chauffage et d’autres chargements. Ces traîneaux n’avaient ni de bouclier, ni de « carrosserie » – il s’agissait seulement d’une plateforme à patins, sur laquelle la charge était placée.
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Traîneau-chariot
Le corps de ces traîneaux était recouvert d’écorce de tilleul, qui était fixée sur des arcs latéraux. La principale différence des traîneaux-chariots est qu’ils étaient fermés. Les chariots servaient à transporter des objets de valeur et étaient utilisés par les nobles et les tsars. Ainsi, les « traîneaux à oiseaux » étaient nécessaires pour transporter les faucons du tsar, oiseaux de chasse coûteux, et représentaient un traîneau avec une cage, fermée de tous les côtés par du feutre. Les « traîneaux de réserve » transportaient quant à eux la robe du tsar, les « traîneaux de literie » – le linge de lit, et les « traîneaux de croix » – les icônes personnelles du tsar et les ustensiles d’église.
Les « vozki » étaient enfin des traîneaux complètement fermés, avec un toit et des portes, à l’intérieur desquels il faisait chaud et, aux XVIIIe et XIXe siècles, l’on y installait même des poêles ou des réchauds à charbon. Ces traîneaux ressemblaient à des carrosses sur patins.
Pochevni
Le nom de ces traîneaux vient du fait qu’ils étaient recouverts d’écorce de tilleul (« pochev » désignait un panier en écorce). Il s’agissait des traîneaux domestiques les plus simples pour les trajets quotidiens vers le marché, la ville, etc. Cependant, il existait également des pochevni plus coûteux, comme ceux utilisés par les « lionnes mondaines » de Saltykov-Chtchedrine.
Rozvalni
C’était le nom d’un traîneau doté de perches divergeant vers l’arrière, c’est-à-dire que le corps du traîneau dépassait la taille de la plateforme constituant son sol, ce qui rendait le traîneau plus large à l’arrière. L’inconvénient commençait lorsque deux rozvalni se rencontraient sur une route étroite – ils étaient étroits à l’avant et plus larges à l’arrière ; ils se heurtaient donc inévitablement et s’accrochaient l’un à l’autre avec leurs perches.
Ces traîneaux pouvaient transporter de nombreuses personnes ou une charge importante. L’archidiacre Paul d’Alep, qui a visité la Russie au milieu du XVIIe siècle, a écrit : « Nous avons vu par hasard que dans un traîneau étaient assises six personnes avec tous leurs biens... Les poids – pain de céréales, pierres – qui étaient chargés sur ce traîneau étaient étonnants, incroyables ; nous sommes restés stupéfaits, car un seul cheval transportait ce que dans nos contrées l’on ne peut déplacer avec vingt chevaux ».
Traîneaux funéraires
Même après l’invention des charrettes, les Russes ont continué à emmener les morts au cimetière sur des traîneaux – vestige d’une ancienne tradition préchrétienne, selon laquelle le défunt avait besoin d’un moyen de transport pour « passer dans l’autre monde » – symbolisé par le traîneau.
Les traîneaux funéraires étaient souvent attelés de bœufs ou de chevaux non dressés. L’on pensait que ces animaux, qui connaissaient leur propriétaire et le chemin de la maison, pouvaient aider le défunt à revenir. Autrefois, lorsque la crémation était encore très répandue chez les Slaves, les traîneaux funéraires étaient brûlés en même temps que le défunt. Cependant, il s’agissait plutôt d’un attribut de funérailles nobles. Les paysans russes ne pouvaient évidemment pas se permettre de brûler un objet aussi précieux qu’un traîneau, qui avait une utilité pratique. C’est pourquoi, après les funérailles, le traîneau était chez eux ramené dans la cour, placé avec ses patins vers le haut et dirigé vers le cimetière – selon les croyances, si le défunt décidait finalement de revenir dans le monde des vivants, il voyait que son traîneau était « cassé » et changeait donc d’avis. Le traîneau restait ainsi pendant 40 jours, après quoi il était ramené à sa fonction ordinaire.
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