Que montre Grigori Miassoïedov sur son tableau L’examen de la Fiancée?

Grigori Miassoïedov/Musée russe
Grigori Miassoïedov/Musée russe
Pourquoi le peintre choisit-il de donner une dimension dramatique à l’examen de la fiancée? Comment ce rituel observé dans les familles paysannes jusqu’au XIXe siècle se déroulait-il en réalité?

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Grigori Miassoïedov (1834-1911) fut l’un des fondateurs de l’association des Itinérants (ou Ambulants), des peintres qui voulaient que leurs œuvres reflètent le plus fidèlement possible les réalités sociales qu’ils ne s’interdisaient pas de critiquer. L’un des thèmes récurrents des Itinérants fut le mode de vie et les traditions de la paysannerie. Ces peintres se faisaient un devoir de jeter une lumière crue sur les aspects les moins reluisants de la vie des paysans.

Ilia Répine/Galerie Tretiakov
Ilia Répine/Galerie Tretiakov

Le tableau L’Examen de la Fiancée que Grigori Miassoïedov peignit en 1860 s’inscrivit pleinement dans le projet des Itinérants. Il y représenta le moment où les parentes du fiancé jugent les qualités physiques de la fiancée. Celle-ci devait être dure à la tâche, capable de mettre au monde des enfants viables et de les faire grandir en bonne santé. C’était pourquoi on attachait autant d’importance à la constitution des jeunes filles.

Grigori Miassoïedov/Musée russe
Grigori Miassoïedov/Musée russe

Grigori Miassoïedov peignit une izba spacieuse aux plafonds hauts. Au centre de sa toile, il plaça la jeune fille dévêtue que la lumière qui entre par la fenêtre met en valeur. Elle est debout devant les parentes du fiancé et la marieuse assises sur un banc. Les vêtements qu’elles portent les uns sur les autres contrastent avec la nudité de la jeune fille qu’elles scrutent attentivement.

Grigori Miassoïedov/Musée russe
Grigori Miassoïedov/Musée russe

D’une part, le peintre souligne, voire poétise, la beauté de la vie paysanne : une pièce vaste éclairée par une grande fenêtre, des costumes richement brodés. De l’autre, il dénonce un rituel dégradant : les futures parentes de la jeune fille l’examinent et la jugent comme si elle était un animal ou une marchandise.

Grigori Miassoïedov/Musée russe
Grigori Miassoïedov/Musée russe

Grigori Miassoïedov voulait montrer la vérité crue des us et coutumes paysans, conformément au credo des Itinérants. Un seul détail, et de taille, toutefois : chez les paysans, on ne déshabillait pas les jeunes filles pour les examiner avant de décider des mariages.

Grigori Miassoïedov/Musée russe
Grigori Miassoïedov/Musée russe

L’examen de la fiancée était une étape essentielle de la conclusion de l’accord matrimonial entre deux familles. Il servait à établir ce que savait faire la jeune fille (filer, tisser, coudre) ; si elle était en bonne santé et apte au travail (en s’assurant qu’elle n’avait pas de maladies et qu’elle ne boitait pas) ; si elle savait se tenir (si elle était humble, respectait les aînés, était saine d’esprit et parlait correctement) ; quelle était la situation matérielle de sa famille (maison, terre, animaux, dot), détaille le folkloriste Andreï Moroz.

Dans certaines régions, l’examen se faisait aux bains (баня), ce qui permettait de voir la jeune fille dénudée. Les parentes de la fiancée se dévêtaient alors également pour prendre avec elle un bain de vapeur.

Chez les paysans, l’examen de la fiancée se déroulait selon des règles bien précises. La déshabiller complètement aurait contrevenu à la morale paysanne. Mais, pour mieux dénoncer cette injustice faite aux femmes, Grigori Miassoïedov choisit de noircir le trait.

Cette toile appartient aujourd’hui aux collections du Musée Russe de Saint-Pétersbourg.

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