Сomment fêtait-on le Nouvel An sous les impératrices russes du XVIIIe siècle?
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À la cour des tsars et dans les familles de la noblesse, on ne faisait pas de sapins à l’occasion de Noël et du Nouvel An avant 1817. Alexandra Fiodorovna, épouse du futur empereur Nicolas Ier, lança cette mode à la cour de Russie, comme on le faisait dans sa Prusse natale. Elle réussit là où Pierre le Grand avait échoué : un siècle plus tôt, il avait voulu en vain imposer qu’on décore les maisons de branches de conifères. En revanche, une tradition était déjà profondément ancrée dans la culture russe avant que Pierre le Grand ne déplace le début de l’année du 1er septembre au 1er janvier : celle des святки / sviatki, période de fêtes qui commençait à Noël (après la fin du carême de l’Avent) et se terminait à l’Épiphanie. On rendait visite à ses parents et amis, on festoyait – dans les milieux les plus riches, on organisait des bals –, les jeunes filles se prêtaient à des rituels de divination. La fête laïque du passage à la nouvelle année n’avait donc pas l’importance symbolique qu’elle a aujourd’hui. En témoigne le journal Les Nouvelles de Saint-Pétersbourg (Санкт-Петербургские ведомости) : « Saint-Péterbourg passe la veillée de la Saint-Basile [dans le calendrier julien, le 1er janvier est célébrée la mémoire de Basile de Césarée – ndlr] exactement de la même façon que tous les autres soirs : on joue aux cartes, on danse, on dîne au champagne. La seule différence est qu’on se souhaite une bonne année ».
Feux d’artifice pour Anna Ioannovna
Les célébrations du passage à la nouvelle année devaient être étincelantes et marquantes. Ce qui explique pourquoi, sous l’impératrice Anna Ioannovna (1693-1740), on tirait des feux d’artifice. Les gazettes de l’époque rapportaient qu’au matin du 1er janvier on tirait des salves de canons à la forteresse Pierre-et-Paul et à l’Amirauté. Le soir, on éclairait les rues et les places grâce à de petits récipients remplis d’huile posés par terre.
Anna Ioannovna avait le goût du spectacle. D’après plusieurs témoignages de l’époque, dans la nuit du 31 décembre 1735 au 1er janvier 1736, il faisait aussi clair à Saint-Pétersbourg qu’en plein jour et le ciel fut illuminé par un immense feu d’artifice. Les tirs successifs dessinaient des tableaux différents, dont celui d’une figure féminine s’inclinant devant l’impératrice. Il fallait y voir l’image de la Russie rendant hommage à sa souveraine.
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Salves de canons et musique italienne pour Élisabeth
Le 1er janvier, les habitants de la capitale savaient exactement ce que faisait l’impératrice Élisabeth (1709-1762). Le matin, elle recevait ses courtisans et les ministres étrangers. Ensuite, accompagnée de ses proches, elle assistait immanquablement à l’office dans la chapelle de la cour. Lorsque retentissaient les canons, les Pétersbourgeois comprenaient que la messe était dite. On en tirait 51 coups puis 31 autres en l’honneur de l’héritier du trône Piotr Fiodorovitch et de son épouse. L’impératrice déjeunait en écoutant de la musique italienne et une chorale.
Le soir, on donnait un bal : « Entre sept et huit heures, deux orchestres commençaient à jouer. Ils continuaient jusqu’à sept heures du matin ». Il était interdit de se présenter armé et de se costumer en domestiques. Il fallait porter des vêtements de prix, « des masques de circonstance » et des perruques volumineuses. Les dames devaient se soumettre à ces règles sans prendre le risque de faire de l’ombre à l’impératrice. Porter une toilette et des bijoux plus luxueux qu’elle les aurait exposées à des conséquences peu enviables.
Durant la période des sviatki, on donnait souvent des bals masqués : les femmes devaient porter des habits d’hommes et les hommes, de femmes. Ce qui les mettait mal à l’aise. À la différence d’Élisabeth qui portait à merveille les vêtements masculins. Après le bal, on prenait un dîner tardif ou un petit-déjeuner précoce où l’on dégustait « les meilleurs vins, du café, du chocolat, du thé, du sirop d’orgeat et de la limonade ».
Divertissements des sviatki et mascarade pour Catherine II
Sous l’impératrice Catherine II (1729-1792), les festivités du 1er janvier étaient réglées par un protocole précis : messe à laquelle pouvait assister la noblesse, félicitations prononcées par les prêtres, salves de canons, défilé en musique sous les fenêtres du palais d’Hiver, dîner sous un dais de cristal monté dans la salle du théâtre du palais.
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Dès la fin des célébrations de Noël, l’impératrice organisait des divertissements à l’occasion de la période des sviatki. Elle en annonçait le commencement elle-même en dansant un premier menuet avec l’héritier du trône, Paul. Ensuite, elle allait jouer aux cartes et son fils, aux jonchets. Après les jeux, on dansait des danses folkloriques. L’une d’entre elles était ainsi décrite : « On faisait une ronde à trois et on courait après un quatrième ». On se divertissait ainsi pendant une heure et demie. L’impératrice ne dédaignait pas elle-même de jouer et danser.
Durant cette période de festivités, il arrivait que les courtisans se prennent au jeu. Un jour, Grigori Orlov, le favori en titre de l’impératrice, le comte Alexandre Stroganov et cinq autres nobles mirent des habits féminins et se présentèrent à la souveraine. Connaissant son goût pour les mascarades, ils avaient décidé de se faire passer pour des dames de compagnie et leurs domestiques : « ils portaient des сorsages, des jupes et des coiffes. L’un avait la tête couverte d’un foulard », se souvenait un témoin de la scène. L’impératrice et sa suite comprirent vite la plaisanterie, invitèrent les sept « beautés » à les rejoindre à table, leur offrirent un punch. Tous allèrent ensuite danser.
Ce fut sous l’impératrice Catherine II que s’établit la tradition d’échanger des cadeaux au Nouvel An : l’impératrice aimait offrir des présents de prix à ceux qui lui plaisaient et en attendait de ses sujets.
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