Quel rôle a tenu l’icône de la Vierge de Vladimir dans l’histoire russe?
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Dans presque toutes les églises russes, il est possible d’admirer une image reconnaissable entre toutes : celle de la Mère de Dieu de Vladimir. On y voit l’enfant Jésus assis sur le bras droit de sa mère qui appuie sa tête contre sa joue droite. Dans l’iconographie russe, cette représentation appartient au type « Éléousa » ou Vierge de Tendresse.
Bien qu’il existe de nombreuses icônes de ce genre en Russie, on considère qu’elles sont toutes inspirées de celle de la Mère de Dieu de Vladimir peinte, selon la légende, par l’évangéliste saint Luc. Cette image sainte aurait été transportée de Jérusalem à Constantinople au Ve siècle.
Comment l’icône de la Mère de Dieu de Vladimir est-elle apparue en Russie?
Vers 1130, une copie de l’icône de saint Luc réalisée à Constantinople a été offerte au grand-prince Mstilav Ier de Kiev. Elle a d’abord été placée dans un monastère à Vychgorod, ville située non loin de Kiev. Plusieurs légendes font état des nombreux miracles qui lui seraient dus.
En 1149, Iouri Dolgorouki, le fondateur de la ville de Moscou, est monté sur le trône de Kiev. Il a installé son fils Andreï à Vychgorod. Ce dernier aurait lui-même été témoin de miracles accomplis par l’icône de la Vierge. En 1155, il est parti, contre la volonté de son père, dans le nord-est de la Russie, où il a exercé son pouvoir sur la principauté de Vladimir-Souzdal. Il aurait emporté avec lui, probablement de manière arbitraire, l’icône miraculeuse de la Vierge.
La légende raconte que l’icône aurait guéri des malades et accompli des miracles à maintes reprises au cours du long voyage d’Andreï. Lorsque la ville de Vladimir n’était plus qu’à 10 kilomètres, les chevaux se seraient arrêtés et auraient refusé d’aller plus loin. Ainsi, le prince et sa suite auraient dû passer la nuit à cet endroit même. La Mère de Dieu leur serait alors apparue. C’est précisément en l’honneur de ce signe divin qu’un monastère et le village de Bogolioubovo auraient été fondés. Le village est devenu le lieu de résidence du prince Andreï, ce qui lui a valu le surnom de Bogolioubski (« aimé de Dieu »).
À Vladimir, le prince Andreï Bogolioubski a fondé la cathédrale de la Dormition et y a fait installer l’icône miraculeuse de la Mère de Dieu en bonne place. C’est ainsi qu’avec le temps elle fut appelée Notre-Dame de Vladimir. Le prince Bogolioubski ordonna la confection d’un oklad, un revêtement destiné à protéger l’icône devant laquelle il priait lors des jours particulièrement importants. Il l’emportait même avec lui pendant les campagnes militaires.
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Protectrice de la Russie
La cathédrale de Vladimir a été pillée lors de l’invasion mongole, cependant l’icône a été épargnée, ce qui a convaincu encore plus les fidèles de son caractère saint. En 1395, le grand-prince Vassili Ier a ordonné la translation de l’icône à Moscou, alors menacée par le conquérant turco-mongol Tamerlan. Sans raison apparente, il a fait faire demi-tour à son armée. Cet événement a été interprété par les Moscovites comme un signe d’intercession de la Mère de Dieu. Entre la fin du XIVe et le milieu du XVe siècle, l’icône a été rendue à Vladimir puis ramenée à Moscou plusieurs fois . Elle a finalement trouvé sa place dans la cathédrale de la Dormition du Kremlin de Moscou.
Ivan le Terrible priait devant l’image de la Vierge de Vladimir et la plupart des monarques russes ont été couronnés devant elle également. L’icône ne quittait que rarement la cathédrale de la Dormition et uniquement sur ordre des tsars. Elle y est restée jusqu’à la Révolution d’octobre. Par la suite, elle a été restaurée, puis transférée dans le fond des musées du Kremlin de Moscou. Depuis 1930, elle appartient aux collections de la galerie Tretiakov. Depuis les années 1990, elle est conservée dans l’église de Saint-Nicolas à Tolmachi, attenante à la galerie.
Diffusion de l’icône de Notre-Dame de Vladimir
Vers 1408, une copie de l’icône de la Vierge a été réalisée pour être laissée en lieu et place de l’originale à Vladimir lorsque celle-ci se trouvait à Moscou. La qualité exceptionnelle de ce travail permet de penser qu’il doit être attribué au célèbre peintre Andreï Roublev, qui réalisa également les fresques de la cathédrale de Vladimir.
Au fil du temps, l’image de Notre-Dame de Vladimir est devenue l’objet d’un véritable culte. De nouveaux oklad précieux ont été offerts à l’icône plusieurs fois en signe de reconnaissance pour son intercession. L’un des plus anciens encore bien conservés date de 1410-1411. Il s’agit d’un cadre en or réalisé par des maîtres grecs qui a été commandé par le métropolite de Kiev (installé à Moscou) Photios. Les 12 grandes fêtes du calendrier liturgique orthodoxe sont illustrées sur le pourtour du revêtement.
En 1514, le grand-prince Vassili III a commandé une autre copie de l’icône miraculeuse. Elle reproduit fidèlement la taille et le dessin de l’originale. Les scènes de fêtes, représentées sur l’oklad en or du métropolite Photios, sont reprises sur le pourtour. Cette copie était portée en procession à la place de l’originale les jours de mauvais temps. À l’époque soviétique, la copie remplaça l’originale dans la cathédrale de la Dormition, après qu’elle a été transférée aux musées du Kremlin de Moscou.
L’image de Notre-Dame de Vladimir a acquis une importance historique particulière. Elle est devenue non seulement l’objet de copies, mais aussi un véritable objet d’iconographie. En effet, l’icône elle-même a commencé à figurer sur d’autres représentations religieuses.
Un des exemples les plus éloquents est celui d’une icône du XVIIe siècle autour de laquelle le texte du « Récit de l’icône de Notre-Dame de Vladimir » est illustré en détail. Cette image sainte peut ainsi être rattachée au type des icônes hagiographiques . Le peintre a représenté la création de l’icône par saint Luc, la bénédiction de l’image par la Mère de Dieu elle-même, sa translation de Constantinople en Russie, certains des nombreux miracles qu’elle aurait accomplis, la construction de la cathédrale de la Dormition de Vladimir ainsi que l’épisode où l’icône protégea Moscou de Tamerlan.
Il est fort probable que le patriarche Joseph Ier a commandé cette icône singulière en 1642. Il a ainsi voulu exprimer sa reconnaissance à l’icône de la Mère de Dieu de Vladimir devant laquelle avait eu lieu le tirage au sort qui l’avait désigné patriarche de Moscou. C’était la première fois que cette fonction était attribuée de cette façon.
Cette icône du milieu du XVIIe siècle illustre le rôle qu’a tenu celle de Notre-Dame de Vladimir dans le déroulement de certains épisodes de l’histoire de la Russie médiévale.
Cette image sainte ainsi que d’autres, dont celle de la Mère de Dieu de Vladimir attribuée à Andreï Roublev, peuvent être actuellement admirées à l’exposition « Le phénix russe : terre de Souzdal » coorganisée au kremlin de Souzdal par les musées du Kremlin de Moscou et le musée de Vladimir-Souzdal.
Dans cette autre publication, découvrez cinq raisons de visiter le musée Andreï Roublev.
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