
Cinq écrivains russes qui aimaient passionnément la chasse

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Sergueï Aksakov

Ivan Tourgueniev écrivait de Sergueï Aksakov : « Si les coqs de bruyère pouvaient se raconter, je suis certain qu’ils n’ajouteraient pas un mot à ce qu’Aksakov nous a dit d’eux ». Il n’exagérait en rien les connaissances de son aîné. L’auteur de La fleur écarlate (une version russe de La Belle et la Bête) naquit sur le domaine de son père dans le gouvernement d’Orenbourg. Il taquina le goujon dès sa plus tendre enfance. Il avait 12 ans lorsqu’il tint un fusil pour la première fois. Il s’adonna à la pêche et à la chasse toute sa vie.
Sergueï Aksakov notait scrupuleusement tous les poissons qu’il avait pris et tous les coups de fusil, réussis et manqués, qu’il avait tirés. Par exemple, « [...] en 1817, 1 758 coups tirés, 863 pièces de gibier tuées ». Ses livres Journal d’un pêcheur à la ligne et souvenirs d’un chasseur au fusil (du Gouvernement d’Orenbourg) ne sont pas uniquement des mémoires. Ce sont avant tout des encyclopédies de la chasse et de la pêche écrites une attention incroyable pour tous les détails. Ces deux livres connurent un succès immense du vivant de leur auteur et restent aujourd’hui des classiques pour ceux qui partagent ses deux passions.
Ivan Tourgueniev

Les récits d’un chasseur en sont la preuve, si besoin est : Ivan Tourgueniev passait beaucoup de temps le fusil à la main et en compagnie d’un chien de chasse. Il chassait le gibier d’eau. Enfant déjà, il aimait chasser les oiseaux : il attrapait des cailles, des grives, des poules d’eau avec des filets. Adulte, il arpentait les campagnes russes, anglaises, françaises et allemandes pour satisfaire sa passion.

À en croire son récit La caille, il tenait cet amour démesuré de la chasse de son père. Celui-ci chassait la perdrix et la caille. Il ne dédaignait pas courir le lièvre. Chez les Tourgueniev, on appelait les amateurs de chasse à courre des « valets de meute » (борзятники / borziatniki) et on ne les tenait pas en grande estime. Ivan Tourgueniev avait une des grandes qualités que doit avoir tout chasseur de gibier d’eau : il était un marcheur infatigable.
Le chasseur invétéré qu’était l’écrivain eut des chiens toute sa vie. Le poète Afanasi Fet se souvenait que son braque anglais Boubalka dormait toujours dans un couffin dans sa chambre. Il était protégé des mouches et du froid par une couverture de flanelle tendue au-dessus de sa couche. Ce braque était un redoutable chasseur. Son portrait est conservé au musée Tourgueniev installé dans sa résidence de Spasskoîé-Loutovinov.
Afanassi Fet

Afanassi Fet n’était pas seulement l’un des plus meilleurs poètes russes. Ce grand ami d’Ivan Tourguéniev et de Léon Tolstoï était aussi un chasseur passionné et accompli. Il grandit sur le domaine de Novoselki, dans un village du gouvernement d’Orel. Ce fut là dans cette campagne de la Russie centrale qu’il découvrit et apprit à aimer la vie rustique dont la chasse était un aspect.
Son amour de la chasse apparut tardivement. Après avoir quitté l’armée, il acquit en 1860 Stepanovka dans le gouvernement d’Orel.
Ce domaine devint pour lui non seulement une source d’inspiration mais aussi l’espace où il pratiquait la chasse. Plongé dans la gestion quotidienne de ses terres, il trouvait dans la chasse la possibilité de se détendre, de reprendre des forces et de penser à ses compositions. Comme Ivan Tourgueniev, Afanassi Fet préférait la chasse aux oiseaux.
En particulier, aux daulins, aux bécasses, aux coqs de bruyère et aux perdrix. Ce n’était pas tant de rentrer la gibecière pleine qui l’intéressait que le processus de la chasse lui-même : la fusion avec la nature, le plaisir esthétique que lui procuraient les chiens en train de courir, la satisfaction de toucher un oiseau en plein vol.
Tout comme Nikolaï Nekrassov, Afanassi Fet connaissait très bien les armes et les chiens de race. A Stepanovka, il avait plusieurs fusils de maisons anglaises réputées et un chenil où vivaient setters et beagles.
Il composa un poème intitulé La chasse à courre.
Nikolaï Nekrassov

La passion de Nikolaï Nekrassov pour la chasse était tellement dévorante qu’elle le poussa à faire des dettes. Sa sœur se souvenait : « Il avait environ dix ans quand il tua un canard sur le lac de Ptchelka. C’était en octobre. De la glace courait déjà le long des rives du lac ; son chien ne se jeta pas à l’eau. Il alla seul chercher le canard à la nage et le ramena à terre. Cela lui valut une forte fièvre, mais ne le détourna pas de la chasse ». Nikolaï Nekrassov aussi composa un poème dont le titre est La chasse à courre. Son personnage principal est inspiré de son père.
Le poète lui-même était un chasseur accompli. Il aimait particulièrement les chasses à courre durant lesquelles on chassait l’ours et le loup. Entre les fenêtres de l’entrée de son appartement pétersbourgeois se tenait une énorme ourse et ses deux oursons empaillés, les trophées d’une partie de chasse risquée. Une autre passion de Nikolaï Nekrassov était de collectionner des objets ayant rapport à la chasse.
En mai 1857, il écrivit à son ami Ivan Tourgueniev qui se trouvait alors à Paris : « Je t’envoie mille francs ... et cent francs de plus pour l’achat d’un fusil. Sois bien aimable de prendre le temps de chercher des fournitures nouvelles et de bonne qualité pour la chasse au fusil et, surtout, à courre (avec des lévriers et des beagles) et plus particulièrement : pour la chasse au gibier à bois, des coupleurs de laisse, des fouets de vènerie, des couteaux pour découper le gibier et autres choses de ce genre ».
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Léon Tolstoï

Comme Ivan Tourgueniev, Léon Tolstoï devait son goût de la chasse à son père, Nikolaï Ilitch. Il avait sur son domaine un immense chenil où vivaient lévriers et beagles.
Plusieurs décennies durant (jusqu’à ce qu’il ne devienne végétarien), la chasse tint une place importante dans la vie de Léon Tolstoï, lorsqu’il résidait à Iasnaïa Poliana. Seul un chasseur invétéré pouvait décrire des scènes de chasse dans les moindres détails, comme il le fit dans Guerre et Paix et Anna Karénine. Dans Le Récit d’un chasseur publié en 1875, l’écrivain raconte comment il tua l’ourse dont la pelisse est aujourd’hui exposée dans sa maison de Khamovniki, à Moscou.
Comme il l’avait été par son père, Léon Tolstoï initia ses enfants à la chasse. L’un de ses fils se souvenait : « Nous avons été passionnés par la chasse dès notre plus tendre enfance. Parfois, papa tirait plutôt bien, mais il s’énervait souvent et ratait alors largement sa cible ».
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