Petit conseil (pour les férus de langues) pour lire facilement en russe

Sergueï Piatakov / Sputnik
Sergueï Piatakov / Sputnik
Quand on apprend une langue étrangère, il faut tôt ou tard sauter dans le grand bain et se mettre à lire sans dictionnaire. Nous vous présentons ici une règle de lexicologie qui, nous l’espérons, vous sera utile. Plus vous l’appliquerez, moins vous tendrez le bras vers vos dictionnaires bilingues, en général, et le français-russe, en particulier.

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Vous souvenez-vous de cette scène des Aventures de Rabbi Jacob où le personnage de Louis de Funès s’adressant à ceux de Claude Giraud et Henri Guybet leur dit : « Salomon, Slimane [...] vous ne seriez pas un peu cousins ? » Sans s’en rendre compte, Victor Pivert nous donne ici une petite leçon de lexicologie comparée très utile pour l’apprentissage des langues.

De manière générale, les phonèmes consonantiques et leurs réalisations phonétiques – les sons consonantiques – sont nettement plus stables que les vocaliques. Ce qui explique pourquoi un des principes de l’étymologie est la comparaison de l’ordre des consonnes dans des mots de langues différentes.

Si des mots de langues qui appartiennent à la même famille, au sens plus ou moins large du terme, présentent 3 ou, mieux encore, 4 consonnes identiques dans le même ordre, on peut conclure que ces mots ont la même origine et un sens proche.

Reprenons l’exemple que nous donne Victor Pivert. L’hébreu et l’arabe appartiennent à la famille de langues sémitiques (une sous-famille des langues chamito-sémitiques). On voit facilement que dans Salomon et Slimane (Souleïmane), les consonnes sont alignées dans le même ordre. Ces prénoms ont donc une racine commune et un sens apparenté. En l’occurrence, celui de la paix (shalom / salam).

Venons-en au russe. Cette langue appartient à la famille des langues slaves, sous-famille des langues balto-slaves, elle-même sous-famille des langues indo-européennes. Voici quelques exemples pour illustrer notre propos.

langues indo-européennes
langues balto-slaveslangues romaneslangues germaniques
langues slaves
russetchèqueitalienfrançaisanglaisallemand
гостьhostitelospitehôte*guestGast
мать**matkamadremèremotherMutter
молокоmlékolattelaitmilkMilch
сабляšavlesciabolasabresabre/saberSäble
СтепанŠtěpánStefanoStéphaneStephenStefan
устрицаústřiceostricahuître*oysterAuster
шёлкhedvábísetasoiesilkSeide
школаškolascuolaécole*schoolSchule
шпораostruhasperoneéperon*spurSporn

* Devant une consonne, l’accent remplace un .

** Le phonème /r/ apparaît dans la déclinaison (NSg : мать / GSg : матери).

Les deux mots tchèques en italiques ont une étymologie totalement différente que leurs traductions dans les autres langues : hedvábí est d’origine germanique et signifie « tissu des dieux » ; ostruha est un mot de la même racine qu’oстрый (pointu).

Même sans connaissances particulières en ce qui concerne la phonologie, l’évolution de la graphie et de la phonétique du russe et du français, ainsi que les emprunts d’une langue à une autre, vous vous convaincrez avec la pratique que les consonnes, tant du point de vue phonétique que graphique, forment des groupes. En voici quelques-uns qui ne s’excluent pas nécessairement :

  • [g], [ɦ] et [x] : les mots гость / hostitel / hôte / guest sont une parfaite illustration du fait que lorsqu’un mot s’écrit avec un dans une langue, il peut s’écrire avec un dans une autre.
  • Les liquides [l] et [r], comme on le voit dans les mots signifiant sabre. Ce n’est pas pour cette raison qu’en français, on peut sabler ou sabrer le champagne !
    les labiales : les sourdes [f] et [p] (Cтепан / Stéphane) et les sonores [v] et [b] (sabre / šavle).
  • les coronales fricatives [s] et [ʃ], comme le montrent les exemples de шёлк / silk et шпора / éperon. Ce qui nous ramène au prénom Solomon dont une variante est Shlom
  • les paires sourde / sonore que forment certains phonèmes consonantiques. Voici le tableau des paires du français et du russe. Il faut garder à l’esprit qu’il existe en russe des phonèmes consonantiques durs et mous (par exemple : /p/ - /b/ et /p’/ - /b’/)
sourde/p//t//k//s//f//ʃ/
sonore/b//d//g//z//v//ʒ/

Le mot italien madre, qui remonte au latin mater, est un bon exemple de cette alternance.

Il n’est pas question d’apprendre par cœur la description des traits articulatoires des consonnes françaises, russes ou de toute autre langue que vous apprenez. La pratique suffira. À vos livres donc !

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