Objet du mois: la vaisselle émaillée plébiscitée à l’époque soviétique

Edouard Kotliakov / Sputnik
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La vaisselle en métal émaillé n’avait que des avantages jusqu’à l’apparition des fours à micro-ondes dans les cuisines. Au début des années 1980, en Union soviétique, on fabriquait 250 millions de pièces par an. Rien d’étonnant donc à ce que l’on trouve encore des jattes ou des casseroles émaillées dans les foyers russes.

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L’émail est une matière dont l’homme maîtrise la fabrication depuis environ 6 500 ans. Si les techniques de son obtention et de son utilisation furent améliorées durant l’Antiquité et le Moyen-Âge, il fallut attendre le XIXe siècle (celui de grandes avancées dans le domaine de la chimie) pour qu’elles soient parfaites.

Industrie russe et soviétique

En Russie, le pionnier de la fabrication industrielle de l’émail fut Ivan Maltsov, propriétaire de cristalleries et de fonderies de fonte dans la région de Kalouga. Son fils Sergueï Maltsov fit fructifier son héritage et, en 1885, s’associa avec l’Allemand Gottlieb Moll pour lancer la production de vaisselle émaillée. Ce dernier créa ensuite sa propre entreprise et la fit grandir dans un contexte de concurrence croissante. Le nombre important de fabriques de vaisselle émaillée au début du XXe siècle en Russie permit de subvenir aux besoins des soldats de la Première Guerre mondiale. Beaucoup avaient dans leurs paquetages des tasses en acier ou aluminium émaillé fournies par l’armée.

Après la Révolution bolchévique et les nationalisations quasi systématiques qui suivirent, nombre d’entrepreneurs étrangers ou d’origine étrangère quittèrent la Russie devenue soviétique. Gottlieb Moll fut de ceux-là. En 1934, il ne restait en URSS que cinq usines fabriquant de la vaisselle émaillée : à Kharkov, Kiev, Lis’vа, Lougansk et Moscou. Certaines furent évacuées à l’arrière pendant la Grande Guerre patriotique et continuèrent à fabriquer tasses et flasques pour les soldats.

Après la fin de la guerre, la fabrication de vaisselle émaillée connut un renouveau. Signe de l’importance qui lui était accordée, des normes d’État (ГОСТ, l’équivalent de NF en France) pour 5 tailles de tasses furent établies. En 1973, 51 usines produisaient de la vaisselle émaillée. Au début des années 1980, elles étaient 285. De leurs lignes de production sortaient 250 millions d’unités par an. Étant donné la résistance de ces objets, cela signifiait que chaque famille en possédaient plusieurs.

Assortiment

Edouard Kotliakov / Sputnik
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Les objets en métal émaillé occupaient une place de choix dans les cuisines des Soviétiques et occupent toujours la même dans celles de très nombreux Russes. Outre les bouilloires, tasses, bols et jattes, casseroles de toute taille, bidons pour les produits laitiers et cuvettes, on trouvait chez eux au moins un seau émaillé.

À la campagne, il servait à aller chercher l’eau au puits ou à la rivière. On s’en servait aussi pour la traite des chèvres, brebis et vaches. À la datcha, rien n’empêche aujourd’hui encore de l’utiliser pour ramasser sa récolte de fruits et légumes ou de le prendre avec soi pour aller aux champignons.

En ville, le seau émaillé était également indispensable dans la vie quotidienne. Lors des coupures estivales d’eau chaude qui duraient un mois (puis 3 semaines et aujourd’hui une dizaine de jours à Moscou), les Soviétiques y faisaient chauffer l’eau nécessaire à leur toilette. Ils posaient aussi ce seau sur le gaz, lorsqu’ils voulaient laver leur linge à très haute température. Ils en avaient aussi besoin pour laver les sols.

La vaisselle émaillée n’a presque que des avantages qui expliquent sa popularité passée. Elle est légère (quand elle n’est pas en fonte), facile à utiliser et à laver (dans des éviers émaillés!), hygiénique (parce que l’émail est lisse et non poreux), résistante à la corrosion et sert très longtemps. À l’époque soviétique, elle avait un très bon rapport qualité-prix. Son seul défaut est peut-être de perdre facilement son émail à l’endroit où elle a pris un coup.

La vaisselle émaillée est toujours vendue de nos jours, même en ville. Mais, force est de constater qu’elle n’a plus le succès qu’elle eut en URSS, notamment après guerre. Peut-être doit-elle ce désamour au fait qu’on ne peut la mettre au micro-ondes et à ses motifs décoratifs aujourd’hui passés de mode.

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