De quels privilèges certains Soviétiques bénéficiaient-ils?

Iouri Abramotchkine / Sputnik
Iouri Abramotchkine / Sputnik
Prix, décorations, titres... le pouvoir soviétique les distribuait en quantité. Certains scientifiques, cosmonautes, écrivains, sportifs et artistes reçurent ce dont le Soviétique lambda pouvait rêver toute sa vie : voitures, appartements, datchas, possibilité de voyager à l’étranger.

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Automobiles et avion

À l’époque soviétique, les voitures étaient un luxe avant d’être un moyen de transport. Avoir une automobile de marque étrangère était un rêve dont on savait qu’il le resterait toujours. Il devint pourtant réalité pour quelques Soviétiques triés sur le volet.

Insider (CC BY-SA 4.0) Automobile de l'aviateur soviétique Valeri Tchkalov
Insider (CC BY-SA 4.0)

Les automobiles étaient des récompenses. En 1936, Joseph Staline offrit lui-même un avion UT-2 à Valeri Tchkalov qui avait réalisé un vol sans escale entre Moscou et l’île de Oudd dans le golfe de Sakhaline. L’année suivante, le pilote reçut une automobile Packard pour avoir relié l’URSS aux USA par le pôle Nord à bord d’un ANT-25. Mikhaïl Gromov fut gratifié d’une luxueuse Cord 812 – la seule en URSS – pour avoir volé de Moscou à San Jacinto en Californie par également par le pôle Nord.

Alexandre Mokletsov / Sputnik
Alexandre Mokletsov / Sputnik

Une GAZ-69 avec un chauffeur personnel furent mis à la disposition de Iouri Gagarine à son retour sur terre. Seuls les commandants des unités militaires avaient ce privilège. Plus tard, le premier cosmonaute au monde reçut d’autres voitures. Le Conseils des ministres de l’URSS lui offrit une Volga noire GAZ-21 dont l’aménagement intérieur était d’un bleu inhabituel. De France, on lui envoya une voiture de sport Matra-Bonnet Djet V. Bien que l’ambassadeur d’Union Soviétique en France et les ministres du gouvernement soviétique aient approuvé ce présent, Iouri Gagarine la conduisit rarement. Le Secrétaire du Comité central du Parti communiste Mikhaïl Souslov n’avait pas apprécié les articles de la presse étrangère qui faisaient état de l’intérêt qu’avait Iouri Gagarine pour les voitures étrangères.   

Datchas 

Le terme de « datcha » pour décrire des résidences en dehors des villes apparut dès le règne de Pierre le Grand. L’empereur distribuait des parcelles de terre en guise de récompense. À l’époque soviétique, l’État mettait des datchas à la disposition des membres de l’Union des Architectes, des Peintres, des Écrivains. On fit sortir des lotissements entiers où se reposaient et travaillaient des représentants du monde des sciences et de la culture.

Serguêi Samókhin / Sputnik Maison-musée de Boris Pasternak à Peredelkino
Serguêi Samókhin / Sputnik

Par exemple, dans les années 1930, on construisit près de Moscou le village de Peredelkino. Des membres de l’Union des écrivains jouissaient à vie des datchas qui leur avaient été assignées. Six mois après la mort de leurs occupants, elles étaient attribuées à d’autres écrivains. Y vécurent l’auteur de La Jeune garde Alexandre Fadeïev, celui du Docteur Jivago Boris Pasternak, Korneï Tchoukovski, Konstantin Simonov, Boulat Okoudjava, Evgueni Evtouchenko, Andreï Vosnessenski, etc.

academdom.com
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À la fin des années 1940, le village de Mozjinka fut construit près de Zvenigorod pour les membres de l’Académie des Sciences. Ils avaient tous à leur disposition une maison d’un étage, avec un garage, une dépendance pour les domestiques sur un grand terrain. Y vécurent Sergueï Vavilov, Vladimir Obroutchev, Lev Landau, Otto Schmidt, Trofime Lyssenko. Ils pouvaient se réunir à la Maison des Savants où il y avait un cinéma, un restaurant, une bibliothèque, une salle de jeu pour les enfants et une salle de billard pour les adultes. 

Lire aussi : Quand les célébrités soviétiques prenaient du bon temps dans leur datcha

Maisons

M. Bessmertni / Sputnik Maxime Gorki
M. Bessmertni / Sputnik

Le pouvoir soviétique savait se montrer particulièrement généreux à l’égard de certains. Ainsi, à son retour d’Italie, Maxime Gorki fut installé dans le splendide hôtel particulier qu’occupait l’entrepreneur et mécène Sergueï Riabouchinski avant la Révolution d’Octobre. Une datcha près de Moscou à Gorki-10 et une maison en Crimée furent également mises à sa disposition. L’État prenait tout à sa charge : approvisionnement, charges et même un service de garde qui veillait à ce que l’écrivain ne soit pas dérangé.

Sputnik Maxime Gorki et Alexis Tolstoï
Sputnik

À Gorki-10, Joseph Staline, Lazare Kaganovitch, Vladimir Némirovitch-Dantchenko ou bien encore Herbert Wells rendirent visite au « pétrel de la Révolution ». L’écrivain français Romain Rolland qui fut reçu par Maxime Gorki en 1935 avait été frappé par  la profusion des mets.  

Arquivo Manoir de Gorki Leninskie
Arquivo

Les maisons dont certains Soviétiques triés sur le volet jouissaient étaient parfois moins luxueuses que pratiques. En 1957, après le lancement réussi du premier Spoutnik, le Conseil des ministres de l’URSS mit à la disposition de Sergueï Koroliov, l’ingénieur en chef du programme spatial, un hôtel particulier. Il fit savoir qu’il préférerait une maison près de son lieu de travail. Il vécut 6 ans dans une maison d’un étage au nord-ouest de Moscou.

Serguêi Piatakov / Sputnik Maison-musée de Sergueï Korolev
Serguêi Piatakov / Sputnik
Serguêi Piatakov / Sputnik À l'intérieur de la maison-musée de Sergueï Korolev
Serguêi Piatakov / Sputnik
Serguêi Piatakov / Sputnik
Serguêi Piatakov / Sputnik

Appartements

Lorsque la ballerine Galina Oulanova quitta le théâtre Kirov (aujourd’hui, Mariinski) pour le Bolchoï, on lui attribua immédiatement un appartement à Moscou. Pas n’importe où : dans le gratte-ciel sur le quai Kotelnitcheskaïa.

Evgueni Khaldeï/MAMM/MDF/russiainphoto.ru Alexeï Stakhanov avec sa voiture offerte par Staline
Evgueni Khaldeï/MAMM/MDF/russiainphoto.ru

Le mineur Alexeï Stakhanov, qui était parvenu à extraire 102 tonnes de charbon (soit 14 fois la norme journalière) en une descente, reçut en une fois tout ce dont un Soviétique pouvait rêver : une voiture GAZ-M1, un appartement entièrement meublé avec le téléphone dans l’immeuble du Gouvernement, autrement connu comme l’immeuble sur le quai.

Voyages à l’étranger

À l’époque soviétique, voyager à l’étranger était pratiquement impossible. Il n’aurait été question de voyages individuels. Obtenir le droit de faire tous les trois ans un séjour dans un pays du bloc socialiste était le rêve de beaucoup de Soviétiques. Il fallait d’abord que sa candidature soit visée par le KGB et avoir quelques économies : un voyage coûtait au moins 200 roubles, soit un mois et demi de salaire. Se rendre dans les pays dits capitalistes était réservé aux diplomates et à l’élite du Parti communiste. À moins que cela n’ait été un immense privilège accordé aux artistes, en particulier du théâtre Bolchoï et aux vedettes de cinéma.

Igor Gnevachev/MAMM/MDF/russiainphoto.ru Lioubov Orlova et Grigori Alexandrov à Vnoukovo
Igor Gnevachev/MAMM/MDF/russiainphoto.ru

L’un des couples les plus célèbres du cinéma – l’actrice Lioubov Orlova et le metteur en scène Grigori Alexandrov – avait tout ce que le pouvoir soviétique pouvait accorder. En 1942, Lioubov Orlova fit son premier voyage à l’étranger : elle se produisit devant des soldats de l’Armée rouge en Iran. Elle participa aux festivals Karlovy Vary et de Venise. Avec son mari, elle établit des relations culturelles avec le Mexique et fit une tournée au Royaume-Uni. Le couple était l’ami de Charlie Chaplin et lui rendait souvent visite en Suisse.

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