100 œuvres majeures de la littérature russe que chacun devrait lire

Kira Lisitskaïa (Photo: Domaine public; CSA Images/Getty Images; Galerie Tretiakov)
Kira Lisitskaïa (Photo: Domaine public; CSA Images/Getty Images; Galerie Tretiakov)
Cette liste comprend aussi bien des chefs-d’œuvre de la littérature mondiale que des récits, romans, pièces et poèmes d’auteurs, dont la découverte sera une véritable révélation pour tout lecteur.

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Spécialement pour Fenêtre sur la Russie, l’Institut de littérature (Maison Pouchkine) de l’Académie des sciences de Russie a dressé une liste de 100 œuvres que devrait découvrir toute personne s’intéressant à la Russie et à la culture russe.

Les canons de la littérature russe divergent en Russie et à l’étranger. Il n’est pas rare que d’importants auteurs et œuvres ne soient pas traduits vers des langues étrangères, et cela concerne avant tout la poésie, qui perd plus que la prose lors de son interprétation. 

Comme l’explique Valentin Golovine, directeur de l’Institut, en concevant la liste, les experts en littérature se sont fixé l’objectif « d’élargir au maximum la liste des noms qui accompagnent depuis longtemps l’humanité ; l’on a essayé d’y inscrire ceux qui ont la chance de s’établir dans ce palmarès grâce aux nouvelles traductions de qualité ».

1. Nikolaï Karamzine, Lettres d’un voyageur russe (années 1790)

À la fin du XVIIIe siècle, Nikolaï Karamzine a effectué un voyage d’à peu près un an en Europe. De retour en Russie, il a porté sur papier ce qu’il avait vu, et ce, dans un genre épistolaire (devenant l’un des premiers représentants de la littérature russe à y avoir recours). Durant son voyage, il a beaucoup vu et a même été témoin de la Révolution française.

Sorties à plusieurs reprises dans des journaux littéraires, ses Lettres ont joui d’un énorme intérêt. Les experts en littérature considèrent que c’est justement elles qui ont jeté la base du roman russe, voire même de la littérature contemporaine russe. D’ailleurs, ce sont ses écrits qui ont changé l’attitude des voyageurs russes à l’égard de l’Europe.

2. Alexandre Griboïedov, Le Malheur d’avoir trop d’esprit (1822-1824)

Macha Publishing
Macha Publishing

Cette comédie en vers a été une véritable révolution dans le théâtre russe. Écrite dans un langage simple, elle a brisé tous les canons du classicisme du XVIIIe siècle et a été la première pièce réaliste. Aujourd’hui encore, Le Malheur d'avoir trop d'esprit est jouée dans de nombreux théâtres du pays, et les noms des personnages sont devenus des noms familiers. L’action se déroule à Moscou, dix ans après la fin de la guerre de 1812 contre Napoléon. Un jeune homme aux opinions progressistes, Alexandre Tchatski, revient de l’étranger. Il va rendre visite à sa jeune bien-aimée Sophie et a l’intention de demander sa main à son père. Cependant, il s'avère que Sophie est déjà amoureuse d’un autre homme – un individu pas très agréable, qui essaie de plaire à tout le monde. Tchatski se sent alors comme un étranger et se dispute avec tout le monde...

3. Alexandre Pouchkine, Poésie lyrique

Le principal poète de la littérature russe a commencé à faire rimer les strophes encore enfant. Durant sa vie, il a écrit près de 360 poèmes et il est difficile de trouver un phénomène ou une situation qui n’a pas été décrite dans ses vers.

Son Je me souviens d’un instant merveilleux (1825) est considéré comme l’un des meilleurs poèmes écrits en russe (d’ailleurs, il a été traduit vers 210 langues !). Le Prophète (1826) est de son côté devenu une réflexion puissante, quasi biblique, sur la vocation de la poésie. Quant à son poème Le Souvenir (1828), il est une pénitence incroyablement profonde.

4. Alexandre Pouchkine, Eugène Onéguine (1823-1830)

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Ce roman en vers est considéré non seulement comme le sommet de l’œuvre de Pouchkine, mais aussi comme une « encyclopédie de la vie russe ». L’auteur brosse un tableau de la vie dans un manoir de province et du mode de vie campagnard, dépeint le Pétersbourg mondain et le vieux Moscou.

Le jeune Onéguine arrive de la capitale à un village ; il s’ennuie et souhaite se distraire, mais se retrouve au milieu d’un véritable drame – la fille de son voisin lui avoue son amour et, à cause de sa sœur, un autre voisin défie Onéguine en duel...

L’œuvre est extrêmement difficile à traduire, car Pouchkine a conçu la « strophe Onéguine » spéciale, dotée d’une structure et d’un ordre de rimes clairs, et s'y est tenu tout au long du roman. Cependant, l’opéra s’en inspirant a été très bien accueilli dans le monde entier, écrit par Piotr Tchaïkovski en 1877-1878.

5. Alexandre Pouchkine, Boris Godounov (1825)

Modeste Moussorgski a écrit un célèbre opéra basé sur cette célèbre tragédie. L’œuvre a été mise en scène de nombreuses fois dans divers théâtres et a également été adaptée en film. Dans la pièce, Pouchkine raconte l’une des pages les plus mystérieuses de l’histoire russe – le meurtre du tsarévitch Dimitri et le Temps des troubles avec l’arrivée de l’imposteur désormais nommé Faux Dimitri. Grâce au poète, la légende selon laquelle Boris Godounov aurait ordonné le meurtre du tsarévitch Dimitri – et que l’histoire l’a puni pour cela – s’est propagée dans l’esprit populaire.

6. Alexandre Pouchkine, Le Cavalier de bronze (1833)

Éditions des Syrtes
Éditions des Syrtes

Ce récit poétique est un véritable hymne à Saint-Pétersbourg. « Je t’aime, ô création du génie de Pierre » en est l’une des citations les plus célèbres. Son titre a par ailleurs donné son surnom à la statue équestre de Pierre le Grand, qui est devenue un symbole de la ville.

L’on trouve ici de nombreuses descriptions des beautés de la cité, mais l’intrigue tourne autour d’une histoire triste – Pouchkine décrit la grande inondation qui a eu lieu dans la ville en 1824. Le héros, Eugène, se rend compte que la maison de sa fiancée a été emportée par les eaux et qu’elle a péri. Il devient fou et court dans la ville, observant les scènes horribles de la catastrophe naturelle... 

7. Alexandre Pouchkine, La Fille du capitaine (1836)

La Fille du capitaine est un roman sur le soulèvement paysan d’Emelian Pougatchev, qui a balayé presque toute la Russie au XVIIIe siècle. Cependant, avant tout, c’est une œuvre sur l’honneur, le devoir de noble et l’amour.

Le jeune Piotr Griniov part servir dans une forteresse frontalière éloignée. Sur son chemin, un étranger l’aide à ne pas se perdre dans une forte tempête de neige. En remerciement, Griniov lui donne son manteau – et plus tard, cela lui sauve la vie, car l’étranger s’avère être Pougatchev lui-même. Ce roman vaut la peine d’être lu ne serait-ce que pour la phrase qui est devenue un aphorisme : « Dieu nous garde de voir une révolte à la russe, absurde et sans merci ».

8. Mikhaïl Lermontov, Poésie lyrique (Le Démon, Mtsyri, etc)

Considéré deuxième plus grand poète russe, juste après Pouchkine, il est adulé pour ses merveilleux poèmes qu’il a écrits en nombre dans le style romantique. Leurs sujets juxtaposent le bien et le mal, la dignité et la bassesse, la liberté et la captivité.

La gloire s’est abattue sur lui grâce au poème Sur la Mort du poète, qu’il a écrit suite à la disparition de son idole, Alexandre Pouchkine. Le fait d’avoir accusé dans ces vers les autorités de la mort de l’homme de lettres lui a coûté la liberté – il a été exilé dans le Caucase et cette région a eu une influence considérable sur son œuvre. Les paysages montagneux, les rivières tumultueuses et les beautés locales ont inspiré nombre de ses poèmes romantiques, tout comme ses principales œuvres Le Démon (1839) et Mtsyri (1838-39).

9. Mikhaïl Lermontov, Mascarade (1835)

Cette pièce en vers conte l’histoire d’un aristocrate obsédé par les jeux de hasard et la jalousie, ce qui mène au drame : il empoisonne sa propre épouse. Lermontov a rêvé de voir son œuvre sur scène, toutefois, de son vivant, la censure n’a même pas autorisé que cette pièce soit publiée. Elle ne sera mise en scène que 20 ans après sa mort et, depuis, elle fait partie du répertoire de nombreux théâtres.

10. Nicolas Gogol, Les Soirées du hameau (1829-1832)

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Les histoires de ce recueil se déroulent dans de petits villages de l’Empire russe (dans l’actuelle Ukraine). Gogol utilise abondamment des mots choisis de la langue ukrainienne ainsi que des images du folklore local. Il décrit les coutumes et le mode de vie des habitants dans ses histoires très variées, de la joyeuse Nuit de la Saint-Jean à l’horreur totale de Une Terrible vengance. En même temps, dans tous les récits, les forces impures, les diables et les sorcières sont des héros à part entière. Le recueil a été chaleureusement accueilli par les contemporains – Pouchkine, par exemple, a été enchanté par la vivacité du langage et des personnages.

11. Nicolas Gogol, Tarass Boulba (1835)

Ce récit fait partie du recueil Mirgorod, que l’on considère comme la suite de celui des Soirées du hameau. N’étant pas liés au niveau du sujet, les deux sont fondés sur le folklore ukrainien. Des quatre œuvres le composant, Vij et Tarass Boulba sont les plus populaires et ont été portées à plusieurs reprises à l’écran. Tarass Boulba est l’histoire d’un cosaque zaporogue et de ses deux fils. Un sujet incroyablement dramatique sur l’amour et la trahison.

12. Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1835)

Gogol a lui-même qualifié cette œuvre de poème, mais elle est écrite en prose – le poème dans son sens antique est indiqué par sa forme – les voyages du héros à travers plusieurs « cercles de l’enfer » répétitifs ainsi que de longues digressions lyriques sur la Russie et les Russes. Cette œuvre est considérée comme le sommet de l’œuvre de Gogol et l’une des principales clés pour comprendre l’âme russe.

Dans cette histoire, un petit noble, Pavel Tchitchikov, arrive dans une ville de province et se fait passer pour un propriétaire terrien afin d’acquérir un certain statut social. Mais voilà le hic : il n’a pas une seule « âme », c’est-à-dire des serfs. Il décide alors de ruser, en suivant une faille de la bureaucratie russe – il commence à acheter à des hommes riches locaux des paysans morts, qui, selon les registres de l’État, sont toujours en vie (le recensement de la population était une rareté à cette époque). Tout le monde réagit différemment à sa proposition...

13. Nicolas Gogol, Le Manteau (1841)

Macha Publishing
Macha Publishing

Cette nouvelle fantastique issue du recueil Les Nouvelles de Pétersbourg porte au premier plan « un petit homme », un citoyen lambda, et ce, pour la première fois dans la littérature russe. Le personnage principal, Akaki Akakiévitch Bachmatchkine, est un petit fonctionnaire et consacre l’essentiel de sa vie à son métier de copieur d’actes, tâche qu’il accomplit avec zèle. Il dépense toutes ses économies pour se procurer un nouveau manteau, ou plutôt une pelisse, qu’on ne tarde pas à lui voler. Il ne se révolte pas, il souffre discrètement et perd la raison…

14. Nicolas Gogol, Le Revizor (1835)

L’une des plus importantes comédies russes sur la corruption, la flagornerie et l’attitude des autorités envers les gens ordinaires, elle a été écrite sous la forme d’une pièce – aujourd’hui encore, elle est jouée dans un grand nombre de théâtres. Dans l’histoire, une petite ville attend la visite secrète d’un fonctionnaire de la capitale pour un audit. Cependant, un petit fonctionnaire, qui se trouvait là par hasard et qui avait perdu aux cartes, est pris pour cette personne importante par erreur. L’aventurier n’est pas pressé de révéler ce malentendu au maire et ses subordonnés. Au contraire, il décide d’utiliser leurs services, accepte les pots-de-vin et prévoit même d’épouser la fille du maire...

15. Vassili Joukovski. Poèmes (Svetlana, Les Douze vierges endormies)

Il est considéré comme le père du romantisme russe. Il a écrit une série d’élégies, chants, romances, ballades et poèmes épiques.

Ses œuvres les plus connues sont Svetlana (1812), Lioudmila (1908), ainsi que Les Douze vierges endormies (1810-1817), que l’auteur appelait « une vieille histoire en deux ballades ». Parmi ses principales réalisations, il convient de mentionner la traduction vers le russe de L’Odyssée de Homère. Aujourd’hui, sa version est considérée comme classique.

16. Vladimir Odoïevski, Les Nuits russes (1844)

Ce profond roman philosophique est le premier du genre dans la littérature russe. S’il ne fait pas partie du programme scolaire, sa sortie a été un grand événement pour la littérature du XIXe siècle et l’œuvre a été acclamée par la critique. Il est difficile de définir avec précision le genre dans lequel Les Nuits russes ont été écrites : elles ressemblent à une transcription des conversations d’intellectuels, se penchant chaque nuit sur un nouveau sujet.  

17. Antoni Pogorelski, La Poule noire, ou le monde souterrain (1825-1826)

Radouga
Radouga

De son vrai nom Alexeï Perovski, cet écrivain est un fils illégitime du comte Alexeï Razoumovski. Militaire, il avait une passion pour la littérature et était un grand amateur de l’écrivain et auteur de contes allemand Ernst Theodor Amadeus Hoffmann. L’on considère que son célèbre conte a été écrit pour son neveu et disciple Alexis Tolstoï, futur écrivain et auteur du roman historique Le Prince Serebriany.

Selon l’intrigue, le petit Aliocha reste dans une pension pendant les vacances et se lie d’amitié avec une poule noire, qui s’avère être premier ministre d’un royaume souterrain peuplé de petits personnages. D’ailleurs, l’arrière-cousin d’Alexis, Léon Tolstoï, a également apprécié le conte.

18. Ievgueni Baratynski, Le Bal (1828)

Pour la postérité, Baratynski est resté dans l’ombre de son ami et écrivain de génie Alexandre Pouchkine. Et pourtant, ses contemporains appréciaient beaucoup ses poèmes et couvraient d’éloges la facilité et l’élégance de ses rimes. Dans son poème Le Bal, il a dépeint la vie mondaine moscovite qu’il connaissait de première main.

19. Sergueï Aksakov, Chronique familiale (1840-1856)

Il était un grand publiciste, critique de théâtre, censeur et auteur des premières « notes » hautement artistiques sur la pêche et la chasse (c’est lui qui a inspiré Mémoire d’un chasseur de Tourgueniev).

Il est en outre l’auteur de mémoires d’une haute importance. Sa trilogie Chronique familiale est bien plus qu’une simple autobiographie, mais une description d’envergure du système social et de la vie des propriétaires terriens sibériens.

20. Alexis Tolstoï, Le Prince Serebriany (1859-1861)

Ardant et Cie
Ardant et Cie

L’un des romans historiques les plus connus plonge les lecteurs dans les événements du XVIe siècle, plus précisément sous le règne d’Ivan le Terrible. Au centre du sujet, les aventures et exploits de Nikita Serebriany, prince russe fictif, mais entouré de personnages réels de l’époque, dont le tsar et ses opritchniki. Le livre est basé sur des documents historiques bien réels et, de ce fait, l’œuvre a été hautement appréciée tant par les historiens que par la critique.

21. Léon Tolstoï, Anna Karénine (1873-1877)

Voici un autre grand roman célèbre de Tolstoï. Toutefois, à la différence de Guerre et Paix, l’auteur se concentre ici non pas sur les événements à grande échelle qui ont bouleversé le pays, mais sur la nature du bonheur et du malheur de la vie familiale. Ce thème a beaucoup préoccupé l’écrivain lui-même. En outre, le roman présente un personnage remarquablement similaire à Tolstoï – il s’agit de Constantin Lévine, qui se retire de la vie mondaine et commence à labourer le champ avec ses paysans.

22. Léon Tolstoï, Guerre et Paix (1863-1869)

L’opus magnum de Tolstoï, un roman épique en quatre volumes, est mondialement connu. C’est l’histoire de plusieurs familles russes sur fond d’événements historiques importants, notamment la guerre entre la Russie et la France de Napoléon. Il y a l’amour de jeunesse, la trahison, la tromperie et la guerre. Tolstoï parle au nom de nombreux personnages différents (dont Napoléon), et ils sont tous incroyablement profonds et colorés. À ceux qui n’arrivent pas à se motiver à entreprendre cette lecture colossale, nous recommandons de regarder l’adaptation cinématographique soviétique de Sergueï Bondartchouk, récompensée par un Oscar.

23. Léon Tolstoï, Récits de Sébastopol (1855-1856)

PAYOT
PAYOT

Encore jeune, Léon Tolstoï a servi pendant plusieurs années dans le Caucase et, au cours de la Guerre de Crimée (1853-56), a passé près d’une année à Sébastopol. Dans ce recueil de trois nouvelles, il conte cette période difficile de sa vie et les horreurs de la guerre.

24. Léon Tolstoï, nouvelles et récits (Les Cosaques, Hadji-Mourat, La Mort d’Ivan Ilitch)

Le thème du Caucase réapparait à plusieurs reprises dans les œuvres de Tolstoï, notamment dans son roman court Les Cosaques (1862) et Hadji-Mourat (1896-1904). Les deux œuvres sont basées sur des histoires réelles complétées par des fantaisies sur l’amour, l’honneur et la trahison.

Dans ses œuvres courtes, Tolstoï se penche souvent sur le sujet de la mort et, dans La Mort d’Ivan Ilitch, il entreprend la tentative de la voir de près.

Lire aussi : Dix livres de Tolstoï à lire absolument 

25. Ivan Gontcharov, Oblomov (1847-1859)

Ce roman sur la paresse russe a introduit la notion d’« oblomovchtchina » dans le langage courant. Le héros de Gontcharov, Ilia Oblomov, passe son temps allongé. Il est un noble doté d’un domaine, ce qui signifie qu’il n’a pas besoin de servir ou de travailler... Son fidèle serviteur et le personnage antipode Andreï Stolz fait tout pour lui. Le seul moment de la vie où Oblomov émerge brièvement de son « sommeil » rêveur est lorsqu’il tombe amoureux. Mais sera-t-il capable d’aller jusqu’au mariage ? Il est intéressant de noter que l’auteur ne prend aucun parti – ni pour le paresseux Oblomov ni pour le rationaliste Stolz.

26. Fiodor Dostoïevski, Les Frères Karamazov (1878-1880)

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Il s’agit de l’un des romans les plus importants de Dostoïevski et la quintessence de ses réflexions sur la foi, la moralité, le devoir et l’amour. Cette histoire saisissante a la forme d’un roman policier. L’auteur a trouvé son intrigue dans des bulletins de police : l’un des trois fils est accusé du meurtre de son père. L’affaire concerne à la fois une question d’argent et une délicate histoire d’amour – le fils et le père n’auraient pas accepté de partager une jeune beauté. Dans le roman, l’écrivain donne de nombreuses scènes du procès ainsi que des discours de témoins et tient le lecteur en haleine jusqu’à la fin.

27. Fiodor Dostoïevski, Les Carnets du sous-sol (1863)

C’est une œuvre novatrice au niveau du genre, de la forme et du contenu. C’est à la fois un roman existentialiste, qui a influencé les anti-utopies du XXe siècle, une histoire philosophique, un roman-confession et un récit tragique sur la nature de nos désirs.

28. Fiodor Dostoïevski, L’Idiot (1868)

Dostoïevski réussissait habituellement à dépeindre des personnes imparfaites et immorales, mais dans ce roman, il a choisi de montrer non seulement un personnage positif, mais aussi un homme presque idéal, aux caractéristiques proches de celles de Jésus-Christ. Le prince Mychkine – très naïf, confiant et direct, se retrouve au centre d’un tourbillon de passions, mais parmi les menteurs et les ivrognes, il ne se perd pas. Et même chez une femme universellement considérée comme déchue, le héros s’efforce de trouver les plus beaux traits et est imprégné d'une sincère sympathie pour elle.

29. Fiodor Dostoïevski, Crime et Châtiment (1865-1866)

Livre de Poche
Livre de Poche

Un étudiant pauvre, Rodion Raskolnikov, a du mal à joindre les deux bouts et est obligé d’emprunter de l’argent à une vieille usurière. Fatigué de vivre une vie misérable, il se pose la question philosophique suivante : suis-je une créature tremblante ? Pour se prouver à lui-même qu’il n’en est rien et que lui seul peut contrôler son propre destin, il décide de commettre un crime – tuer cette vieille femme...

Dostoïevski argumente sur la nature de la violence, sur les circonstances dans lesquelles la vie peut placer un homme, une situation telle qu’il sera obligé de prendre des mesures extrêmes – meurtre ou prostitution, comme l’a fait la bien-aimée du héros, Sonia Marmeladova. Le roman est également une déclaration importante sur la recherche du sens de la vie.

30. Ivan Tourgueniev, Mémoires d'un chasseur (1847-1851)

Ces histoires ont été écrites par Tourgueniev sur la base d’histoires réelles qu’il a entendues sur le domaine familial. L’écrivain présente toute une palette de personnages et d’habitants de la campagne russe avec leurs problèmes de vie. Les histoires ont été publiées tour à tour dans des numéros de la revue littéraire Sovremennik, puis sont sorties sous forme de livre séparé. L’œuvre est considérée comme révolutionnaire : Tourgueniev est le premier à avoir eu une vision aussi large du peuple russe.

31. Ivan Tourgueniev, Eaux printanières (1872)

Sanine rencontre à Francfort une jeune Italienne et en tombe amoureux. Ayant décidé de l’épouser, il se dirige vers Wiesbaden, en Hesse, pour vendre son domaine familial en Russie à l’épouse de son ami d’enfance, une femme influente et riche, qui finit par le séduire.

Tourgueniev est l’un des premiers écrivains à avoir placé les femmes bien au-dessus des hommes, tant en termes de force d’esprit que de qualités morales. Dans de nombreuses de ses œuvres, l’image de ladite « jeune femme de Tourgueniev » apparait aux côtés des hommes faibles et appauvris.

32. Ivan Tourgueniev, Nid de gentilhomme (1856-1858)

Tourgueniev soulève les questions de la noblesse, de la confrontation entre la Russie et l’Occident, et se concentre sur la question de la moralité.

Désabusé par la vie européenne, Lavretski retourne dans sa ferme en Russie pour « travailler la terre » et tombe amoureux de la fille de son voisin, Lise. Leur amour est réciproque, et lorsqu’il apprend la mort de sa femme, restée en Europe, il demande la jeune fille en mariage. Cependant, il s’avère soudainement que son épouse est toujours en vie. Le cœur brisé, Lise intègre un monastère.

33. Ivan Tourgueniev, Pères et fils (1860-1861)

SAGA
SAGA

Le jeune Arcade Kirsanov rentre au manoir de son père avec son ami Eugène Bazarov, un étudiant nihiliste. Ce dernier étudie pour devenir médecin et а l’intention d’aller vers le peuple, il nie toute autorité, se disputant avec le père propriétaire foncier et l’oncle aristocrate d’Arcade, qui ont des opinions libérales. Cependant, même un nihiliste ne peut résister à l’amour...

Les écrivains russes avaient déjà abordé le thème du conflit des générations (Griboïedov dans Le Malheur d’avoir trop d’esprit), mais c’est le roman de Tourgueniev qui a affiné ce thème. Il s’est également moqué de la noblesse raffinée, montrant un nouveau héros progressiste, et a souligné que la vraie vie est dans le labeur, pas dans l’oisiveté.

34. Nikolaï Nekrassov, Poésie lyrique (Le Gel au nez rouge, Pour qui fait-il bon vivre en Russie ?, etc)

Pour qui fait-il bon vivre en Russie ? est une œuvre de style homérique, mais fondée sur le folklore russe. Sept hommes débattent de qui vit bien et sans contrainte en Russie : un prêtre, un marchand, un riche propriétaire foncier ou le tsar ? Ils se mettent en route en quête des personnes heureuses… En trouveront-ils ? L’œuvre n’a pas passé la censure tsariste et Nekrassov a dû y apporter des changements et se battre pour chaque mot : ses écrits dénonçaient la situation lamentable des paysans, fustigeaient le servage (ainsi que la réforme relative à son abolition qui n’a fait qu’empirer la situation des propriétaires fonciers et des paysans).

Il était en outre préoccupé par le sort des femmes russes ; leur difficile vie est très bien reflétée dans l’œuvre.  

35. Fiodor Tioutchev, Poésie lyrique

Ses poèmes précoces, Tioutchev les a écrits influencé par le romantisme allemand. Plus tard, il deviendra, toutefois, un poète original et se lancera dans les réflexions sur la nature de la créativité. Engagé dans une polémique avec Pouchkine, il a proclamé en 1820 dans son poème-réponse à L’Ode à la liberté de ce dernier :    

« Avec ta corde magique

Ne trouble pas, mais adoucis les cœurs ! ».

Se démarquent dans son œuvre les thèmes de la solitude et du dialogue de l’homme avec l’univers, comme dans un poème écrit en 1859 et disant :

« Il y a tant de constellations

Petites, sans nom dans les hauteurs ».

En 1866, il compose son œuvre sans doute la plus célèbre On ne peut pas comprendre la Russie par la voie de la raison.

36. Afanassi Fet, Poésie lyrique

Nature, amour, beauté et art – ce sont les sujets pivots de l’œuvre de ce poète lyrique. Ses poèmes et élégies sont tellement mélodieux que nombre d’entre eux ont été mis en musique. Par exemple, le compositeur Tchaïkovski a particulièrement apprécié son Sur la meule de foin, en cette nuit du sud (1857). Ses contemporains se sont souvenus de lui également en tant que traducteur du Faust de Goethe, des Métamorphoses d’Ovide, des poèmes de Catulle et de nombreuses autres œuvres antiques.

37. Dmitri Grigorovich, Le Garçon de gutta-percha (1882)

Une histoire déchirante sur une misérable existence des pauvres en Russie. Le personnage principal est un orphelin de 8 ans qui travaille comme acrobate dans un cirque et surprend le public par son extrême souplesse. Le récit de son destin se déroule sur fond des impressions de Verotchka, fille du même âge que lui, mais issue d’une famille aisée. Elle vient assister à un spectacle et devient témoin de la mort tragique du héros.

38. Vladimir Korolenko, Le Musicien aveugle (1886)

Éditions MARQUES
Éditions MARQUES

Écrivain-réaliste, maître du récit court et des mémoires en plusieurs volumes Histoire de mon contemporain, Korolenko dépeint de manière vivante et en relief la vie en Russie et l’environnement intellectuel de la fin du XIXe et du début du XXe siècles. Le Musicien aveugle est l’une de ses œuvres les plus célèbres, définie par son auteur comme une étude. C’est une analyse psychologique de la vie et des sentiments d’un individu aveugle qui découvre le monde à travers la musique.

39. Vsevolod Garchine, La Fleur rouge, 1883

Il a développé ce sur quoi ont œuvré les prosaïques de la seconde moitié du XIXe siècle : la pénétration dans le psychisme de l’homme. Il était beaucoup apprécié par ses contemporains en tant qu’auteur et maître de la micronouvelle. L’une de ses plus importantes œuvres, la nouvelle autobiographique La Fleur rouge, est un plongeon dans le monde intérieur d’un homme souffrant d’une maladie psychique.

41. Nikolaï Leskov, Romans courts et récits (Lady Macbeth du district de Mtsensk, Le Pèlerin enchanté, L’Artiste en postiches)

Classiques Garnier
Classiques Garnier

Leskov est moins connu à l’étranger que certains de ses contemporains, ce qui n’empêche pas que sa fantaisie sur le thème de l’héroïne impitoyable de Shakespeare, d’après laquelle il a nommé son œuvre, ait été adaptée à l’écran en Occident. Lady Macbeth du district de Mtsensk met en scène la jeune marchande Katerina Izmaïlova, vivant dans le district de Mtsensk, du gouvernement d’Oriol. Son époux étant toujours en mission, elle s’ennuie seule dans sa riche demeure. Elle tombe alors amoureuse du bel intendant Sergueï et s’engage dans une relation avec lui. Son beau-père ne tarde pas à découvrir cette liaison et, pour sauver son amant, Katerina décide de commettre des meurtres…

Les critiques contemporains se sont montrés impressionnés par la façon dont Leskov a dépeint les « ténèbres » de la vie marchande et en quelle caricature tragique s’enlise au cours du récit la description peinte de vives couleurs de cette vie, gérée par l’argent et les passions.

41. Alexeï Pissemski, Mille âmes (1853-1858)

Vladimir Nabokov comparera plus tard ce roman avec Le Rouge et le Noir de Stendhal. C’est un exemple du naturalisme précoce dans la littérature russe, où prédomine le contexte d’affaires et non celui de mœurs.

Un pauvre homme de lettres est envoyé travailler dans une petite ville. Lui, est un carriériste cynique qui rejette les sentiments d’une simple jeune fille provinciale amoureuse de lui et épouse par intérêt une riche propriétaire terrienne d’un certain âge. À la vitesse de l’éclair, sa position sociale se renforce et sa fortune augmente. Soudain, des doutes pénètrent dans son âme. Il repense donc sa vie, devenant un combattant de la justice…

42. Nicolas Pomialovski, Otcherki boursy [Esquisses d’une école religieuse] (1863)

L’un des principaux réalistes russes du XIXe siècle, Pomialovski est sous-estimé même en Russie. Il a écrit sur la vie de héros issus du peuple et dépeignait sous une lumière critique la vie de la noblesse et de la bourgeoisie. L’éducation de la jeunesse le préoccupait particulièrement : dans ses Esquisses d’une école religieuse, il raconte sans fioritures la vie des élèves d’un séminaire théologique. L’auteur décrit les châtiments corporels, la cruauté et les dures lois qui règnent dans le foyer des jeunes hommes.

43. Mikhaïl Saltykov-Chtchedrine, Les Messieurs Golovleff (1880)

Totalement impitoyable envers ses personnages, Saltykov-Chtchedrine brosse un sombre tableau de la vie des propriétaires terriens. Il s’agit d’un roman sur l’appauvrissement et la mort d’une famille noble, voire de toute la noblesse russe. L’auteur présente un « nid de gentilhomme » très différent, non pas un bastion idyllique des valeurs familiales, mais la décadence et la désolation de la vie de manoir, ainsi que l’apathie et l’hypocrisie. C’est peut-être le premier exemple dans la littérature de ces relations « toxiques », comme nous dirions aujourd’hui, au sein d’une famille. La mère autoritaire et irascible, le fils fainéant qui a dilapidé tout son argent, la fille qui s'est enfuie avec un hussard... Le roman a été accueilli avec enthousiasme par ses contemporains.

44. Mikhaïl Saltykov-Chtchedrine, Histoire d’une ville (1870)

Dans cette chronique de la ville fictive de Glоupov, Saltykov-Chtchedrine écrit une satire de toute la Russie et de son histoire. Il s’agit d’un roman qui relate le règne de plusieurs gouverneurs de cité. Ils sont tous des preneurs de pots-de-vin, des ignorants et des pécheurs. Afin de susciter le plus grand dégoût chez le lecteur, l’auteur leur donne à tous des traits grotesques et fait un usage intensif de l'allégorie et de la fantasmagorie dans l’intrigue.

45. Anton Tchekhov, Nouvelles et récits (Dans la combe, La Steppe, La Dame au petit chien, Salle 6, Kachtanka, Ma Vie)

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Tchekhov est considéré comme un véritable maître du genre court. L’auteur de l’aphorisme « la brièveté est la sœur du talent » a écrit plus de 500 nouvelles et artistiquement, elles ne sont pas inférieures à aux grands romans d’autres auteurs. Si Tchekhov était un écrivain et un dramaturge à succès, il n’a jamais cessé de pratiquer la médecine toute sa vie et a vu toute une palette de personnages, venus se faire consulter par lui.

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46. Anton Tchekhov, pièces (Les Trois Sœurs, La Cerisaie, La Mouette)

De nombreuses pièces de Tchekhov ont été écrites sur commande du Théâtre d’art de Moscou et leurs premières sur sa scène ont été couronnées de succès. Ces œuvres continuent à faire partie du répertoire de nombreux théâtres russes et étrangers. Les trois sœurs sont de jeunes filles aux idées progressistes qui envisagent de quitter leur ville provinciale pour Moscou, travailler et s’adonner à de dignes occupations. Toutefois, leurs projets ne vont pas au-delà des mots. Dans La Cerisaie, une propriétaire foncière désargentée est obligée de vendre sa maison avec une merveilleuse cerisaie pour rembourser ses dettes. La Mouette est une autre pièce sur la décadence de la noblesse russe et sur les gens incapables de travailler et vivant dans leurs fantasmes (et en règle générale sans moyens).

47. Maxime Gorki, Les Bas-fonds (1902)

C’est la pièce la plus célèbre de l’écrivain prolétaire Gorki et un véritable hymne aux classes inférieures de la société. Après avoir lu ce drame, Tolstoï a dit à Gorki avec étonnement : « Pourquoi écrivez-vous cela ? ». Il ne pouvait imaginer que le public serait intéressé par une pièce sur un centre d’hébergement de nuit pour sans-abri, qui montre des prostituées et des alcooliques sans aucune coupure. Cependant, ce drame sinistre et véridique a connu un grand succès au Théâtre d’art de Moscou, ainsi qu'en Allemagne.

48. Maxime Gorki, récits et romans courts (La Vieille Iserguile, Le Bourg d’Okourov, Enfance, etc)

Tout comme sa dramaturgie, la prose de Gorki surprend par son aspect terre à terre et la mise à nu de la réalité de la vie. Cependant, l’on trouve également chez lui des récits absolument magiques, comme La Vieille Iserguile. Comme Tolstoï, il a rédigé une trilogie autobiographique. Sa première partie, Enfance, est une histoire incroyablement vive en couleurs sur la vie et le mûrissement d’un garçon à Nijni Novgorod. L’amour de la mère, les coups du grand-père, les « leçons de la vie » reçues dans la rue – en s’appuyant sur sa propre expérience, Gorki décrit la vie provinciale russe d’une façon très réaliste.

49. Ivan Bounine, romans et nouvelles (Le Souffle léger, Le Village, Le Calice de la vie, Le Monsieur de San Francisco, Les Allées sombres, etc)

Livre de Poche
Livre de Poche

Prix Nobel de la littérature, Bounine est un grand maître incontesté de la prose courte et plastique. Il s’est avéré être le plus audacieux de tous les romanciers russes dans la description de l’amour sensuel. « Chacun de nous a probablement un souvenir d'amour particulièrement cher ou un péché d'amour particulièrement grave », a-t-il écrit.

50. Ivan Bounine, La Vie d’Arséniev (1929)

L’écrivain était persuadé que son Prix Nobel de la littérature, décerné « pour la rigueur artistique avec laquelle il a su perpétuer les traditions russes classiques en prose », lui avait été remis pour ce roman. L’écrivain Constantin Paoustovski estimait que cette œuvre était l’un des phénomènes les plus remarquables de la littérature mondiale.

Dans les pages de ce roman, le héros principal, Alexeï Arséniev, se souvient de son enfance et jeunesse, remplies de bouleversements, et de son premier amour qui a tourné en tragédie…

Lire aussi : Cinq faits sur Ivan Bounine, premier Russe à avoir obtenu le prix Nobel de littérature 

51. Leonid Andreïev, récits et nouvelles ‎(La vie de Vassili Fiveisky, Judas Iscariote, Le Rire rouge, etc)

Le style d'Andreïev, comme les empreintes digitales, est inimitable. Son univers littéraire nerveux est surpeuplé de pensées, de mots, de métaphores. Dans Le Rire rouge, écrit au plus fort de la guerre russo-japonaise, l’un des écrivains russes les plus talentueux de l’Âge d’argent évoque les horreurs du conflit. Le narrateur, un officier d’artillerie, se retrouve au milieu des hostilités. Il est hanté par l’obsédant « rire rouge », sorte de métaphore sanglante de l’absurdité de la situation. La guerre, c’est la « terrible glace nécrosée », et « l’air rouge », et les morts ressuscités, et « le rire rouge » et, enfin, une véritable folie meurtrière. S’il existe un récit antimilitariste capable d’évoquer une profonde répulsion physique à l’égard de la guerre, il s’agit sans aucun doute de celui-ci.

52. Leonid Andreïev, La Vie d’un homme (1906)

Mesures
Mesures

Cet écrivain symboliste s’est lancé à la recherche d’une nouvelle forme du drame. Cette pièce est écrite dans un style libre et sans quelconques canons. Elle comprend plusieurs scènes, montrant d’une manière schématique la vie humaine de la naissance à la mort.

53. Dimitri Merejkovski, Le Roman de Léonard de Vinci (1901)

Figure de proue de l’Âge d’argent de la poésie russe, c’est l’un des premiers écrivains symbolistes. Son roman fait partie de la trilogie Le Christ et l’Antéchrist. Y sont décrites aussi bien la vie du génie universel que la Renaissance dans son ensemble. L’écrivain s’y penche sur la force de l’art, la religion et les nouvelles valeurs humanistes venues remplacer le Moyen Âge.

54. Fiodor Sologoub, Le Démon mesquin (1892-1902)

Le héros mentionné dans le titre apparait dans l’œuvre de Sologoub sous la forme d’une petite bête grise qui empoisonne la vie du héros principal, Ardalion Peredonov, et le rend fou. Professeur dans une école provinciale, il est un homme méchant et envieux qui rêve d’obtenir une promotion et finit par perdre contact avec la réalité. Le livre a connu un grand succès et a été réédité même en URSS et adopté plusieurs fois à l’écran.

55. Alexandre Blok, Poésie lyrique (Le Châtiment, Les Douze)

Mesures
Mesures

Blok est l’un des plus célèbres et des plus importants poètes de l’Âge d’argent. Lyrique subtile et symboliste, il a laissé après lui un riche héritage de vers brillants, ainsi qu’une réponse sombre à la révolution bolchévique, qu’il avait initialement accueillie avec enthousiasme. Dans son poème Les Douze (1918), il présente la révolution telle une apocalypse à l’emplacement de laquelle surgit un nouveau monde. Les héros du poème sont douze soldats de l’Armée rouge. Ces douze « apôtres » d’une nouvelle foi sacrifient en toute simplicité des vies humaines au nom d’une nouvelle ère. À leur tête, avance « couronné de roses blanches » Jésus-Christ. Cette image fait l’objet d’interprétations diverses : soit le Christ bénit la révolution et en prend la tête, soit les soldats de l’Armée rouge le chassent et détruisent la foi.

56. Andreï Biély, Pétersbourg (1913)

« Il est russe jusqu’au plus profond de son être, le chaos russe s’agite en lui », c'est ainsi que le philosophe Nikolaï Berdiaïev s’exprimait, qualifiant cet écrivain symboliste d’héritier des traditions de Dostoïevski et de Gogol. Boris Pasternak l’a quant à lui comparé à Marcel Proust, tandis que James Joyce a été décrit comme un « disciple d’Andreï Biély ». Le Pétersbourg moderniste est un roman-abstraction, un roman-voyage dans lequel l’image de la ville fondée par Pierre le Grand en 1703 devient une unité artistique autonome sur fond de la première révolution russe de 1905. 

57. Vladimir Maïakovski, Poésie lyrique (Le Nuage en pantalon, Ça va !, etc)

« En fracassant le monde

par le bourdon de ma voix,

je m’avance, beau gosse,

mes vingt-deux ans en prime »

C’est ainsi qu’en 1914 s’est décrit dans son poème Le Nuage en pantalon le principal poète prolétarien et l’un des auteurs russes les plus originaux. Il a littéralement révolutionné la poésie russe, créant des formes, des rimes et des significations complètement nouvelles, rejetant le vieux langage et la poésie de salon vernie.

58. Ossip Mandelstam, Poésie lyrique

Mandelstam est l’un des principaux poètes russes du XXe siècle et, peut-être, le plus complexe : sa poésie lyrique est cousue de non-dits et de références à l’Antiquité. Or, de son vivant, il est resté dans l’ombre d’autres poètes, notamment d’Alexandre Blok. Sous l’URSS, ses poèmes ont longtemps été interdits. Le regain d’intérêt pour son œuvre a fait suite à la publication de son Épigramme contre Staline, « Nous vivons sans sentir sous nos pieds le pays* ». De plus, la légendaire Anna Akhmatova a qualifié son Artisane des regards coupables de meilleur poème d’amour du XXe siècle.

57. Alexeï Remizov, L’Étang (1905)

C’est l’un des modernistes les plus éminents de l’Âge d’argent de la poésie russe, mais ses principales œuvres ont été écrites en prose et non pas en vers. Son œuvre ne s’inscrivait dans aucun cadre des genres classiques, mais appartenait à ce que l’académicien Dmitri Likhatchev qualifiait de « genre-ensemble ».

Son Étang est perçu comme le premier roman existentialiste russe – ce n’est pas l’intrigue qui occupe le premier plan, mais des changements dans la conscience du héros et dans sa vision du monde, que Remizov traduit en se balançant entre réalité et symbolisme.

60. Alexeï Remizov, Stella Maria Maris (1928)

Les œuvres formant ce recueil reprennent le style du folklore russe et se lisent presque comme des chansons populaires tchastouchki. L’écrivain y reprend des sujets bibliques – la genèse, le Christ et la trahison de Judas, le reniement de Pierre, ou encore l’Apocalypse de la Theotokos – et les raconte dans un langage populaire.

61. Marina Tsvetaïeva, Poésie lyrique

La créativité a littéralement entouré Tvetaïeva depuis son plus jeune âge : elle est née dans la famille d’un critique d’art et fondateur du Musée des Beaux-Arts Pouchkine et d’une pianiste. Tout comme son parcours difficile, rempli de véritables tragédies, cela a influencé le caractère imagé et la musicalité de ses poèmes. Mes premiers vers, écrits si tôt, Si vous saviez, passants, attirés, Ça me plaît que vous n’ayez pas le mal de moi – ne sont que quelques-uns de ses chefs-d’œuvre renommés qui doivent être lus.  

62. Vladimir Nabokov, Le Don (1938)

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Le dernier tour de force de Nabokov, écrit en russe, est considéré comme le sommet de son œuvre. D’un point de vue philosophique, il s’agit d’un méta-roman, une sorte de mille-feuille littéraire, dans lequel chaque nouvelle couche est imprégnée d’un sens existentiel profond. Ce n’est pas un hasard si, en guise d’épigraphe au Don, Nabokov a repris un exercice apparemment simple d’un livre de grammaire scolaire : « Le chêne est un arbre. La rose est une fleur. Le cerf est un animal. Le moineau est un oiseau. La Russie est notre patrie. La mort est inévitable ». Tout est clair : nos vies sont toujours composées de mille petites choses contradictoires, et l’intemporel Don de Nabokov est un roman sur la vie, la mort et le bref intervalle entre les deux.

63. Vladimir Nabokov, La Défense Loujine (1930)

C’est un roman vertueusement écrit sur un joueur d’échecs russes qui est tellement passionné par ce jeu qu’il en perd progressivement tout lien avec la réalité. Vers la fin, on apprend que le roman est en fait une sorte de partie d’échecs… Nabokov lui-même était un grand amateur de ce jeu et a même composé des problèmes d’échecs.

64. Boris Zaïtsev, Une Maison à Passy (1933)

Éminent auteur de l’Âge d’argent, Zaïtsev a quitté son pays natal après la révolution et a pratiquement été enseveli dans l’oubli en Russie. Dans son roman Une Maison à Passy, il décrit en détail la vie des émigrés russes à Paris et se penche sur la place de l’homme russe à l’étranger.

65. Ivan Chmeliov, L’Été du Seigneur (1927-1948)

La rédaction de ce roman autobiographique lui a pris plus de 20 ans. Écrit après l’émigration, il décrit la vie en Russie, l’enfance dans une famille marchande et livre une description détaillée de l’existence d’avant la révolution et des réalités dissoutеs depuis. Le nom de l’œuvre renvoie à l’Ancien testament. Chmeliov place sa narration dans le cadre de l’année ecclésiale, décrivant en détail les fêtes et traditions orthodoxes.

66. Mikhaïl Ossorguine, Une rue à Moscou (1928)

Éditions Noir sur Blanc
Éditions Noir sur Blanc

Le nom original, Sivtsev Vrajek, est familier à tous ceux qui connaissent le centre-ville de la capitale et les ruelles de l’Arbat : les événements du roman s’agencent autour d’une maison qui y est située. Elle est habitée par un ornithologue et sa petite-fille, Tanioucha, qui se transforme progressivement en une femme adulte. Le roman a été écrit durant son émigration. Après sa sortie, le livre a été traduit vers de nombreuses langues et a connu un grand succès en Europe et en Amérique.

67. Mark Aldanov, Suicide (1956)

Toute sa vie, il a conceptualisé les événements révolutionnaires : sont sorties de sa plume une série d’œuvres sur la Révolution française et Napoléon, ainsi que sur le coup d’État bolchévique et Vladimir Lénine. Ce dernier est d’ailleurs la figure centrale de son roman historique Suicide. Il livre un regard très inhabituel sur la personnalité du leader de la révolution bolchévique, qui entre en polémique nette avec la doctrine léniniste soviétique généralement admise.

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68. Gaïto Gazdanov, Une Soirée avec Clair (1929)

Le premier roman du jeune émigré russe a été publié à Paris et a été bien accueilli par le public russophone. C’est un roman-voyage, roman-souvenir, reflétant des événements, des impressions et des personnes. Le héros principal se lance à la recherche de l’enfance perdue, se rappelle des proches depuis disparus, de son premier amour et dans la réflexion sur la guerre civile en Russie. Les critiques ont distingué dans l’œuvre l’influence de Marcel Proust, mais Gazdanov a avoué n’avoir pas lu le maître du roman moderne.

69. Boris Poplavski, Apollon Bezobrazov (1930)

C’est pendant la guerre civile que Poplavski, encore tout jeune, a émigré avec sa famille en France. Au cours de sa courte vie (il est décédé à l’âge de 32 ans), il a écrit plusieurs recueils de poèmes et de romans symbolistes. Apollon Bezobrazov regorge d’images riches et est écrit dans le style impressionniste. L’on y trouve plus de ressenti que d’intrigue. L’auteur dote d’une importance particulière les sujets de la relation du héros envers Dieu et celui de la mort.

70. Anna Akhmatova, Poésie lyrique (Le Poème sans héros, Requiem)

C’est l’une de ces artistes ayant façonné le langage poétique de tout un siècle. Ses poèmes incroyablement profonds et riches en images ont influencé des générations d’écrivains et comptent toujours des millions d’admirateurs. Si, dans sa poésie précoce, elle se focalise sur des expériences amoureuses dramatiques, dans ses œuvres ultérieures, elle se penche sur le sort du peuple et du pays. Elle a connu l’exécution de son mari et l’emprisonnement de son fils, le blocus de Leningrad et une longue période d’interdiction de publier.

72. Isaac Babel, Cavalerie rouge et Récits d’Odessa

Actes Sud
Actes Sud

Cavalerie rouge est un recueil de nouvelles effrayantes et très naturalistes sur la guerre civile. Ils ont provoqué la rage de Semion Boudienny, l’un des principaux chefs de la cavalerie de l’Armée rouge, et d’autres bolcheviks. Cependant, Maxime Gorki, qui a hautement apprécié les caractéristiques artistiques de l’œuvre, a défendu l’auteur.

Ses Récits d’Odessa sur de « glorieux » gangsters juifs et leur chef Benia Krik peuvent être qualifiés d’affaire de toute la vie de Babel. Né à Odessa, Babel s’est retrouvé la plupart du temps entre le marteau et l’enclume, essayant de maintenir à la fois ses racines juives et un certain « statu quo ». L’humour a permis à l’auteur de se distancier de ses personnages, tout en étant proches d’eux.

73. Boris Pilniak, Le Conte de la lune non éteinte (1926)

La direction du Parti impose au commandant de l’Armée rouge Gavrilov de subir une opération dont il n’a absolument pas besoin. Les médecins le réalisent aussi, mais ont peur de s’opposer : lors de l’intervention chirurgicale, le militaire meurt empoisonné au chloroforme...

La censure soviétique a interdit cette œuvre à la publication, y ayant repéré des insinuations sur la mort du célèbre bolchevik Mikhaïl Frounzé, qui, à en croire des rumeurs, aurait été orchestrée par Staline en personne. Et même si, dans la préface, l’auteur avait mis en garde le lecteur contre toute tentative de repérer dans son texte des faits et personnages réels, il a dû en payer le prix : jadis un des écrivains les plus publiés, il a été licencié de partout, puis arrêté et fusillé par suspicion de liens avec des trotskistes et étrangers.  

74. Evgueni Zamiatine, Nous autres (1920)

Dans son anti-utopie, Zamiatine décrit magistralement un État totalitaire construit sur les principes du contrôle total de l’individu. Le roman se déroule dans une ville où tout est contrôlé par la Table des heures, où les noms des individus sont remplacés par des lettres et des chiffres, par exemple D-503 ou O-90, comme dans un camp de concentration. Tous les citoyens vivant dans l’État unique doivent respecter les horaires les plus stricts, jour et nuit, et même les relations amoureuses sont strictement réglementées. Pour tout son réalisme effrayant, le Nous autres de Zamiatine a de la place pour l’ironie et l’allégorie. « Nous allons – un corps à un million de têtes, et en chacun de nous se trouve cette humble joie dans laquelle vivent probablement des molécules, des atomes, des phagocytes ». Le roman de Zamiatine a influencé la vision du monde d’au moins quatre génies littéraires – George Orwell, Kurt Vonnegut, Aldous Huxley et Vladimir Nabokov – mais n’a jamais été publié en Russie de son vivant. Cette dystopie a été éditée pour la première fois dans son intégralité en anglais en 1924.

75. Mikhaïl Boulgakov, Cœur de chien (1925)

Au centre de la nouvelle, dont les événements se déroulent au milieu des années 1920, se trouve le chirurgien de génie Filip Preobrajenski qui lutte pour une expérience scientifique sans précédent. Il transplante une hypophyse humaine à un chien de rue, qui se met à se transformer en homme. Sauf, qu’il a un comportement terriblement effronté : il boit, fume et insulte comme un ivrogne juré et ne tarde pas à obtenir un statut officiel de locataire pour occuper l’une des pièces de l’appartement moscovite de Preobrajenski. La censure n’a pas apprécié cette satire visant le système soviétique et le nouveau pouvoir des prolétariens, et la nouvelle n’a été publiée qu’en 1987.

76. Mikhaïl Boulgakov, Le Maître et Marguerite (1940)

Le roman exceptionnel de Boulgakov n’a pas vu la lumière du jour que des années après la mort de l’écrivain. C’est un roman épique sur un diable qui a visité Moscou dans les années 30. Satan dans le travail métaphysique de Boulgakov est une figure ambivalente et est « une partie de cette force qui souhaite éternellement le mal et fait éternellement le bien ». Le Woland (le Diable) de Boulgakov est contrasté avec le nouveau mal, le bureaucratique, impersonnel, soviétique. Le seul salut dans le roman, cependant, comme dans la vie, est l’amour ensorcelé de Marguerite, plein de sacrifice et d’humanité.

77. Mikhaïl Cholokhov, Le Don paisible (1928-1940)

Omnibus
Omnibus

L’écrivain soviétique Mikhaïl Cholokhov a écrit Le Don paisible alors qu’il n’avait que 22 ans. En 1965, il a reçu le prix Nobel de littérature pour ce roman en quatre volumes, reconnu comme l’une des œuvres les plus importantes de la littérature russe du XXe siècle. Une grandiose saga historique sur la vie des cosaques du Don pendant la Première Guerre mondiale et la guerre civile, imprégnée de sueur et de sang, d’impudeur et de cruauté, de souffrance et de luxure.

78. Ilia Ilf et Evgueni Pétrov, Les Douze chaises (1927), Le Veau d’or (1931)

Le duo d’écrivains le plus éminent d’URSS a rédigé deux célèbres romans, desquels sont issues des citations connues de bon nombre de citoyens. Dans Les Douze chaises, le charmant voyou et aventurier Ostap Bender et son apprenti partenaire naïf Kissa Vorobianinov partent à la recherche des diamants de Madame Petoukhova, cachés dans l’une des douze chaises du mobilier familial. Sur leur chemin, ils vont vivre une véritable aventure extravagante !  

Dans Le Veau d’or, Bender revient, cette fois pour obtenir un million de roubles et réaliser le « rêve de cristal » de son enfance – aller à Rio de Janeiro pour y vivre de façon permanente. Son plan : escroquer l’argent du millionnaire clandestin Alexandre Koreïko. Rien n’est impossible pour Bender !

79. Mikhaïl Zochtchenko, Récits (Les Bains, L’Aristocrate, Svadebnoïé proichestvié [Incident nuptial])

Doté d’un rare sens de l’humour, Zochtchenko comparait le travail d’écrivain à la fabrication de céruse, estimant qu’il n’était pas moins nuisible pour le professionnel. Continuateur de la tradition Gogol, il est peu connu à l’étranger. La plupart de ses meilleurs récits ont été rédigés au cours des années 1920. Il y démontre les idéaux de la révolution se voyant remplacer par des valeurs de la petite bourgeoisie. Ses récits sont souvent de courtes anecdotes paradoxales et très drôles, écrites dans un langage simple.

80. Daniil Harms, Poèmes et récits (1939)

De son vivant, Harms n’était pas populaire en tant qu’écrivain pour adultes – il était surtout réputé comme auteur de vers pour enfants. La majeure partie de son œuvre, connue d’un petit cercle d’experts en littérature, n’a pas pu être publiée en URSS, car il était l’un des fondateurs de la tradition russe de l’absurde et du surréalisme en littérature. Sa nouvelle La Vieille est l’apogée de sa prose et l’une des œuvres les plus énigmatiques et occultes de la littérature russe, faisant écho à la tradition européenne de l’existentialisme de Camus et Sartre.

81. Andreï Platonov, Tchevengour (1928)

Robert Laffont
Robert Laffont

Le poète Joseph Brodsky plaçait cet écrivain au même niveau que Proust, Kafka et Beckett. Platonov esquisse minutieusement le plan soviétique utopique pour une société socialiste, exposant dans les moindres détails les illusions bureaucratiques de l'idéologie en place. Tchevengour (le seul roman achevé de Platonov) est un regard sur les coulisses de la vie soviétique pendant la NEP (Nouvelle politique économique). Tchevengour est une ville utopique dans laquelle le communisme se construit à un rythme record. Le résultat est un désastre pour tous, que Platonov, témoin de la collectivisation stalinienne, décrit avec un sang-froid et un esprit diaboliques. Le roman était sur le point d’être publié lorsque la censure soviétique l’a retiré de l’impression à la dernière minute pour des raisons idéologiques, affirmant que Platonov « faisait des vagues » en mettant en danger l’idée même de la construction du socialisme. Le roman n’a été publié pour la première fois dans son intégralité qu’en 1988.

82. Andreï Platonov, Le Chantier (1930)

Le Chantier est un roman sombre et inquiétant aux proportions kafkaïennes, qui raconte les « avantages » du communisme en URSS. Un groupe de personnes, quelque part au milieu de nulle part, creuse les fondations d.une « maison entièrement prolétarienne » afin qu’un jour tout le monde puisse vivre « heureux pour toujours » dans une ville du futur. Ici, Platonov dépeint la famine et la mort, des ouvriers, des paysans et des bureaucrates complètement dépourvus de toute forme de bon sentiment, menant jour et nuit leur construction sans fin et sans intérêt. Le Chantier, écrit en 1929-1930, est une satire acerbe du stalinisme et du système bureaucratique oppressif, qui détruit l’espoir et la foi en l’humanité. En faisant écho au roman 1984 de George Orwell, Platonov montre le visage biaisé du collectivisme, dépourvu d’émotions et de sentiments humains.

83. Alexandre Tvardosvki, Vassili Tiorkine (1942-1945)

« Livre sur un soldat », c’est ainsi que Tvardovski a sous-titré son poème, qui peut être à juste titre qualifié de l’une des principales œuvres sur la Grande Guerre patriotique. Chaque chapitre est consacré à un événement particulier de la vie au front du héros principal. Ce dernier est en réalité une image collective d’un soldat optimiste et intrépide au combat. L’œuvre est devenue extrêmement populaire, si bien que des citations tirées d’elle sont entrées dans le langage courant. Elle a en outre été chaleureusement accueillie par d’autres écrivains, de Pasternak à Bounine.

84. Boris Pasternak, Le Docteur Jivago (1945-1955)

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La Première Guerre mondiale s’est avérée être un véritable désastre pour la Russie, enterrant les rêves de toute une génération. Dans son remarquable roman moderniste Le Docteur Jivago, Pasternak a dépeint à grands traits les ravages du conflit et le pouvoir destructeur de la révolution, l’effondrement des espoirs et la force de l’esprit humain. Il s’agit peut-être du roman russe le plus connu en Occident sur un amour à nul autre pareil, fort comme la mort. Pasternak y a travaillé pendant dix ans et, en 1958, il a reçu le prix Nobel pour cette œuvre.

85. Viktor Nekrassov, Dans les tranchées de Stalingrad (1946)

C’est depuis la publication de ce roman sur la défense héroïque de Stalingrad et sorti tout de suite après la fin de la Seconde Guerre mondiale, qu’est né le concept de ladite « prose de lieutenant ». Cette dernière livre une « vérité depuis les tranchées » et décrit la guerre sans fard. Publiée dans le magazine Znamia, l’œuvre a été lue par « le petit père des peuples » en personne et a apporté à l’auteur le prix Staline.

86. Vassili Grossman, Vie et Destin (1959)

« Tous les hommes sont coupables devant la mère qui a perdu son fils à la guerre, et tentent vainement de se justifier devant elle tout au long de l'histoire de l'humanité », a écrit l’auteur du roman, dont les événements se déroulent de septembre 1942 à février 1943 sur fond de la bataille de Stalingrad. Vie et Destin est un roman lugubre, désespérément sombre, sur les difficultés de la guerre, sans aucun soupçon de lumière au bout du tunnel.

87. Varlam Chalamov, Récits de la Kolyma (1954-1973)

Les Récits de la Kolyma se distinguent de manière frappante de toute autre prose de camp, notamment de L’Archipel du Goulag de Soljenitsyne, avec lequel Chalamov polémiquait avec véhémence dans sa correspondance. L’auteur écrit en effet avant tout sur l’homme, sur ce qui peut arriver au corps et à l’âme dans les conditions des camps pénitentiaires, qui visent à écraser, à détruire l’individualité et la personnalité, et le plus souvent à détruire la personne physiquement. Ayant passé 19 ans dans les camps, sa santé a été irrémédiablement compromise, mais il a laissé à l’humanité un récit cruel, véridique et glaçant de l’un des systèmes répressifs les plus impitoyables de l’histoire.

88. Constantin Paoustovski, Nouvelles et récits

Pour sa prose lyrique, Paoustovski a même été nominé pour le prix Nobel de la littérature, qui ne lui sera toutefois pas décerné. L’une de ses œuvres les plus populaires, La Rose d’or, est consacrée à l’art d’écrire et à la nature de l’œuvre. Quant à L’Histoire d’une vie, œuvre autobiographique portant sur la Grande Guerre et la révolution, elle a profondément impressionné l’actrice Marlene Dietrich, cette admiratrice de l’écrivain qui s’était même posée à genoux devant lui lors de son déplacement à Moscou en 1964.

89. Evgueni Schwartz, Un Miracle ordinaire (1954)

Presses de l'Université Laval
Presses de l'Université Laval

La magie transforme un ours en jeune homme qui tombe amoureux d’une princesse. Toutefois, son baiser le retransformera en animal…

Dans de nombreuses pièces de Schwartz, l’on distingue derrière les métaphores un message antitotalitaire. Néanmoins, cette œuvre (et surtout son adaptation à l’écran) rappelle un joli conte avec une fin heureuse.

90. Arcadi et Boris Strougatski, Le lundi commence le samedi (1964)

Principaux écrivains de science-fiction d’URSS et véritables idoles pour plusieurs générations, ils imaginent à quoi ressemblerait à l’avenir l’utopie soviétique. Dans les pages de ce roman humoristique, un programmeur de Leningrad se retrouve dans le musée d’un institut du Nord et devient témoin de la magie qui s’y produit. Ironisant au sujet des instituts de recherche soviétiques, les Strougatski mêlent aux réalités scientifiques des personnages issus de contes populaires russes. C’est cette œuvre qui a inspiré le sujet du film Les Sorciers (1982) de Konstantin Bromberg.

91. Alexandre Vampilov, La Chasse au canard (1967)

Représentant de l’intelligentsia soviétique, Zilov est fatigué de la vie et traverse une crise spirituelle. Qui plus est, ses amis lui envoient par plaisanterie une gerbe funéraire en guise de cadeau de sa pendaison de crémaillère. Entré dans le même jeu qu’eux, Zilov invite tout le monde à un « repas funéraire » et se livre aux souvenirs du passé… Ayant échappé par pur miracle à la censure, le drame est monté sur les scènes russes depuis les années 1970. Les critiques comparent Zilov aux personnages de Dostoïevski et à la fois à Petchorine, protagoniste du roman Un héros de notre temps de Lermontov.

92. Vassili Choukchine, Récits (Tchoudik, Mille pardons, Madame!, II l’a mouché, Mon gendre a volé un camion de bois, etc)

Le Sibérien Choukchine est venu étudier à Moscou pour faire des études de scénariste et de réalisateur. Il a fini par devenir les deux et, en plus, l’un des écrivains soviétiques les plus populaires et maître de nouvelles dédiées à la vie rustique. Dans ses œuvres, il décrit, très en détail et surtout avec beaucoup d’affection, la vie au village et les paysans.

93. Victor Astafiev, Maudits et tués (1990-1994)

Beaucoup de ses œuvres se focalisent sur la Grande Guerre patriotique et celle-ci ne fait pas exception. Le livre reflète les souvenirs de l’auteur, la vie d’avant la guerre, la préparation au service militaire et les relations dans le milieu militaire. Il décrit précisément les combats, se penche sur le patriotisme, la religion et la morale.

94. Valentin Raspoutine, Les Adieux à Matiora/L’Adieu à l’île (1976)

Macha Publishing
Macha Publishing

Un vif exemple de « prose de village » soviétique et d’un écrivain-réaliste original, admirateur de Dostoïevski et de Bounine. Le village sibérien de Matiora sera bientôt submergé pour les besoins de la construction d’une centrale hydraulique. Les habitants doivent, en conséquence, être relogés d’urgence. Le choc entre l’ancien mode de vie et le progrès est perçu avec drame par les habitants. Tout le monde n’est pas prêt à quitter sa maison ; les changements sont particulièrement difficiles pour les personnes âgées…

95. Sergueï Dovlatov, Nouvelles

Son style – une satire autobiographique avec une touche de désespoir – se manifeste particulièrement dans ses nouvelles. Dans Le Compromis, il tourne en dérision à la fois le système soviétique et le métier de journaliste à l’ère totalitaire. Dans Le Domaine Pouchkine, le protagoniste moque l’admiration pour Pouchkine, souffre de problèmes dans sa vie personnelle et s’adonne à l’alcool. La Valise met en scène un individu qui quitte l’Union soviétique pour émigrer aux États-Unis, n’emportant avec lui qu’une petite valise. Chaque objet rangé à l’intérieur devient un souvenir d’une vie passée.

96. Alexandre Soljenitsyne, Une journée d’Ivan Denissovitch (1959)

Ce roman court a été publié en 1962 dans les pages du magazine Novy Mir (Nouveau monde), devenant la toute première publication soviétique au sujet du Goulag. Il a fait sensation non seulement en URSS, mais dans le monde entier. Le héros, un paysan, se souvient comment il est parti combattre les Allemands, a été capturé, a réussi à s’échapper, puis s’est vu immédiatement envoyé dans les camps. L’auteur décrit en détail la vie pénible des camps, qu’il a connue de première main – il y a lui-même passé huit ans de sa vie.

97. Alexandre Soljenitsyne, L’Archipel du Goulag (1958-1968)

Points
Points

Soljenitsyne a écrit en 10 ans le livre le plus célèbre du monde sur les camps soviétiques. Divisé en 7 parties, L’Archipel décrit l'histoire et la pratique du système répressif soviétique (Goulag est un acronyme pour Direction principale des camps). Le livre est basé sur les expériences personnelles de l’auteur, qui a passé environ huit ans dans divers lieux de détention, et sur les récits de plus de 250 prisonniers qu’il a interrogés. Peu après la publication du premier volume à Paris en décembre 1973, Soljenitsyne a été expulsé d’URSS et tous ses ouvrages publiés ont été détruits.

98. Andreï Bitov, La Maison Pouchkine (1964-1971)

La Russie dans son ensemble est la Maison Pouchkine sans son « hôte aux chevaux bouclés ». C’est ainsi que Bitov explique le nom donné à son œuvre. C’est un roman post-moderniste sur la littérature, Leningrad, les répressions staliniennes et le dégel. Au centre de narration, se trouve un philologue, employé de l’Institut de littérature russe, connu comme Maison Pouchkine. Initialement publiée à l’étranger, l’œuvre a été diffusée en URSS via le samizdat.   

99. Evgueni Evtouchenko, Poésie lyrique

L’un des rares poètes dont les vers se sont incorporés dans la langue russe vivante, devenus des proverbes : Un poète, en Russie, est plus qu’un poète ; Les Russes veulent-ils la guerre ; Voici ce qui m’arrive, mon vieil ami ne vient pas me voir.

Il rassemblait des stades y compris à l’étranger (et pourtant c’est rare que la poésie traduite soit si populaire). Doté d’un charisme et d’un talent artistique incroyables, il parvenait sans souci à « retenir » l’attention d’un vaste public. Ses poèmes Babi Yar et Centrale hydroélectrique de Bratsk étaient connus en URSS même par ceux qui ne s’intéressaient pas à la poésie. Des dizaines de ses poèmes ont été mis en musique et chantés dans des films et sur scène.

100. Joseph Brodsky, Poésie lyrique

Bien que sa scolarité n’ait duré que 7 ans, il était un érudit incroyable avec un sens aigu des mots. Sa poésie se distinguait par un langage fondamentalement nouveau. « Il est impossible de réciter la douloureuse métaphysique de Joseph Brodsky », a écrit le critique littéraire Samuil Lourié. Le leitmotiv de son œuvre était la liberté et la morale. Il a placé le bien au premier plan. Son style et les thèmes de ses poèmes étant toutefois incompréhensibles pour le grand public en URSS. Brodsky a donc été stigmatisé, condamné et envoyé en exil pour parasitisme. En 1987, après avoir été contraint de quitter son pays, il s’est vu décerner un prix Nobel pour son « travail complet en littérature, se démarquant par la clarté de la pensée et l’intensité poétique ».

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