«Нет-с»: pourquoi en Russie ajoutait-on autrefois des «-s» aux mots?

«Нет-с»: pourquoi en Russie ajoutait-on autrefois des «-s» aux mots? À l'auberge
Vladimir Makovski
Ce phénomène était extrêmement courant dans le langage familier de la Russie tsariste. Qu’est-ce que cela signifiait?

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Aujourd’hui, des expressions comme « извольте-с » (izvol’tié-s, s’il vous plait-s), « да-с » (da-s, oui-s), « нет-с » (nièt-s, non-s) ne se trouvent que dans la littérature classique.

Dans Eugène Onéguine, Pouchkine écrit : « Il ne dira ni oui-s ni non-s ».

«Нет-с»: pourquoi en Russie ajoutait-on autrefois des «-s» aux mots? Illustration du Revizor de Gogol (1950)
A. Constantinovski

Et voici un épisode de la comédie Le Revizor de Gogol :

« Khlestakov :Comment s’appelait ce poisson ?

Artemi Filippovitch (en accourant) : Labardan-s.

Khlestakov : Délicieux. Où avons-nous mangé cela au petit déjeuner ? À l’hôpital ?

Artemi Filippovitch : C’est bien vrai-s, dans un hôtel-Dieu-s ».

«Нет-с»: pourquoi en Russie ajoutait-on autrefois des «-s» aux mots? Repos d'un propriétaire terrien (1853)
Constantin Troutovski

L’on ajoutait alors des « -s » à la fin des mots pour exprimer un respect particulier, un honneur à l’interlocuteur. En fait, « -s » n’est rien d’autre qu’une abréviation de « сударь » / « государь » (soudar’ / gassoudar’, sire), comme l’on s’adressait aux aristocrates et aux nobles.

Le plus souvent, cette adresse était utilisée par des serviteurs ou des personnes de rang inférieur à l’égard de leurs aînés et de leurs supérieurs. Par conséquent, à la fin du XIXe siècle, la particule « -s » a commencé à être perçue négativement, comme de la flagornerie.

Chez de nombreux écrivains, l’utilisation de la particule « -s » par les personnages est une caractéristique supplémentaire. En règle générale, elle est synonyme d’obséquiosité.

Ce phénomène est appelé « словоерс » (slovoièrs). « Dieu voit, involontairement. Il ne disait pas tout, jamais dans sa vie il n’avait parlé en slovoïèrs, soudain il est tombé et s’est relevé avec des slovoièrs », décrit l’un des héros des Frères Karamazov.

Le fait est que dans l’orthographe prérévolutionnaire, cela s’écrivait « -sъ ». La lettre « s » dans l’alphabet slave était appelée « slovo » (terme signifiant désormais « mot, parole »), et le signe dur « ъ » était appelé « ièр ». Cette dernière n’était pas prononcée et, après la révolution, elle a donc été supprimée pour simplifier l’alphabétisation.

Cependant, après la révolution, l’adresse « сударь » a été remplacée par « товарищ » (tavarich, camarade), de sorte que le « -s » a également été relégué au passé.

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