«Déjà trente-deux ans en Russie, comme le nombre de dents des humains», a compté un dentiste syrien
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Lorsqu’il se promène dans Saratov, le Syrien Hussein Chaat est souvent hélé. La plupart du temps, ce sont des patients reconnaissants qui le saluent. Au cours des longues années qu’il a déjà passées en Russie, ce médecin a soigné des milliers d’enfants et d’adultes.
De la blanche Alep à la froide Russie
Le docteur Chaat est né à Alep, dans le Nord de la Syrie. Après avoir terminé l’école, il est venu faire ses études supérieures en Russie. « La Syrie était un pays ouvert. En cela, elle ressemblait à la Russie. Elle était à la fois tournée vers l’Occident et vers le monde arabe. Les chrétiens, les musulmans, les représentants d’autres religions vivaient ensemble, parlaient une même langue », raconte-t-il.
La dernière fois qu’il s’est rendu dans sa ville natale, c’était en 2008, avant la guerre. Sa famille a quitté Alep et s’est dispersée dans le monde entier : certains de ses parents sont aux États-Unis, d’autres, en Europe. Un de ses frères s’est établi à Saratov où il a ouvert un café. « Aujourd’hui, je n’ai plus personne en Syrie. De toute façon, mon pays n’existe plus. Je n’ai plus de raison d’aller là-bas... ».
Pourquoi la Russie?
Dans les années 1990, la Syrie et la Russie entretenaient de bonnes relations. « Nos pays étaient amis. En Syrie, on respectait la Russie, on savait qu’elle était un grand pays extrêmement étendu. Où il gelait, bien sûr ! Quand je la regardais sur une carte, elle me faisait penser à une couverture : oui, il devait y faire froid, mais on pouvait se couvrir », se souvient Hussein Chaat en souriant.
Il voulait devenir médecin et savait que le niveau de la médecine en Russie était très élevé. « Mon père insistait pour que je fasse de la chirurgie. Moi, j’aurais préféré la pharmacologie ». Ils se sont finalement accordés sur la dentisterie.
Premières impressions
Hussein Chaat est arrivé en Russie en octobre 1992. « Moscou m’a impressionné. Elle a toujours été belle et majestueuse. C’est ainsi que je me représentais une vraie capitale communiste ».
De Moscou, le jeune Syrien devait encore rejoindre Saratov, dont il ne savait presque rien. En plus, à cette époque, cette ville de la Volga était encore une ville fermée [une ville où l’on ne pouvait se rendre sans autorisation spéciale – ndlr].
Hussein Chaat a alors pris le train pour la première fois de sa vie. Le voyage dura 18 heures qu’il passa à regarder par la fenêtre. « Les forêts succédaient aux champs, aux lacs et ainsi de suite. J’ai subitement eu peur. Pourquoi avais-je pris le risque de venir ici ? Qu’est-ce qui m’attendait ? », se rappelle-t-il.
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Arrivé à Saratov, il s’installa dans un foyer étudiant. « Ma vie russe a alors commencé, les cours préparatoires de langue, les voisins, les amis ... ».
Premier hiver et premier été en Russie
Hussein Chaat se souvient particulièrement bien de son premier réveillon du Nouvel An en Russie. « Il était tombé deux mètres de neige. Il fallait traverser un tunnel de neige pour aller à la fête dans le centre de Saratov. Les gens étaient heureux, leurs joues étaient rougies par le froid. Sur la place, ils dansaient, se promenaient. Ils n’avaient pas froid, ils étaient bien ! C’était surprenant », raconte Hussein Chaat.
L’étudiant n’a pas pu aller en Syrie passer le premier été après son arrivée en Russie. Il est resté dans son foyer. Un groupe de touristes y est alors descendu. Ils lui ont proposé de continuer leur voyage ensemble. Il ne maîtrisait pas encore le russe mais a décidé d’accepter l’invitation. « Ils m’ont fait une place dans leur autobus, me trouvaient un lit dans les hôtels où ils s’arrêtaient, je prenais mes repas avec eux. En un mot, l’amitié. Nous sommes allés jusqu’à Penza. Tout ce que je voyais m’enthousiasmait : les villes anciennes, les églises... ».
32 ans de vie en Russie
Hussein Chaat se souvient que la vie en Russie dans les années 1990, après l’éclatement de l’URSS, n’était pas facile. « Une fois, quand je faisais mes papiers russes, l’employée m’a demandé en voyant mes nom et patronyme : "Pourquoi restes-tu ici ? Mon fils est russe. Il est diplômé de l’institut et ne trouve pas de travail. Pour toi qui n’es pas russe les choses seront cent fois plus difficiles !". Oui, cela a été dur : ne pas savoir ce qu’il allait se passer, les salaires modestes. Mais, je me sentais bien ici ! ». Cela fait maintenant 32 ans qu’Hussein Chaat est en Russie. « 32, comme le nombre de dents qu’ont les humains », plaisante-t-il.
Il a eu l’occasion de voyager en Russie : il a étudié à Moscou, Saint-Pétersbourg, Volgograd. Il a travaillé un temps à Tioumène. Plus d’une fois, il est allé en vacances avec sa famille dans le sud : à Adler et Sotchi.
Son épouse russe
Hussein Chaat pense que c’est à Saratov que vivent les plus belles filles du pays. Il est marié à l’une d’elles. C’est son second mariage en Russie. Il y a 8 ans, Christina est venue se faire soigner à son cabinet. Elle lui a immédiatement plu. « Je lui ai arraché une molaire. Ensuite, je l’ai appelée pour savoir comme elle se sentait. Je l’ai invitée, mais pas tout de suite parce que je suis resté moi-même comme anesthésié ! ».
Dans sa famille, il n’y a pas hiérarchie. Sa femme et lui sont sur un pied d’égalité. « La personne la plus importante est la plus jeune, Arina Husseinovna. Elle a 6 ans, est intelligente et magnifique ».
La version complète de cette interview a été publiée dans le journal Nation Magazine.
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