Comment la Russie a-t-elle conquis le cœur d’un célèbre médecin vietnamien? 

Comment la Russie a-t-elle conquis le cœur d’un célèbre médecin vietnamien? 
Archives personnelles
Nguyen Dang Hu a littéralement grandi en regardant des dessins animés soviétiques. C’est donc naturellement qu’il est venu en Russie compléter sa formation en médecine dans les années 1990.

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Entre ces deux photos prises sur la place du Palais à Saint-Pétersbourg, toute une vie. À gauche, l’étudiant en médecine Dang venait d’arriver en Russie. À droite, 30 ans plus tard, le célèbre médecin Dang qui exerce en Russie, de Kaliningrad à Vladivostok.

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Le docteur Dang est né à Hanoï, la capitale du Vietnam. Dans sa jeunesse, il lui est arrivé un grave accident : une fracture vertébrale. Les médecins lui ont proposé l’implantation de prothèses en acier pour lui consolider la colonne vertébrale. Le jeune homme a refusé cette solution et s’est tourné vers la médecine traditionnelle orientale.

« Ensuite, j’ai mis au point mon propre système d’exercices et j’ai guéri. J’y ai pris intérêt et ai voulu comprendre comment fonctionne notre organisme. Je suis entré à l’Académie de médecine traditionnelle du Vietnam ». Après l’obtention de son diplôme, Nguyen Dang Hu est venu en Russie et s’est inscrit au collège de médecine de Kazan.

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Pourquoi la Russie ?

Le Vietnam et l’Union Soviétique ont toujours entretenu de bonnes relations. De nombreux spécialistes de ce pays d’Asie ont été formés en URSS. À la télévision vietnamienne, on montrait les défilés sur la place Rouge et des films soviétiques : Les Voiles Écarlates, L’Homme Amphibie, Moscou ne Croit pas aux Larmes.

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Le docteur Dang dit avoir littéralement grandi en regardant le dessin animé Attends un peu voir ! (Ну, погоди! – Nou, pagadi !) (le Tom et Jerry soviétique) et en écoutant Tchaïkovski. Il se souvient encore d’avoir regardé à la télévision en noir et blanc le ballet Casse-Noisette.

Les enfants vietnamiens jouaient avec des jouets soviétiques. Dans les années 1980, le Vietnam commença à importer des disques produits par la maison de disques soviétiques Mélodia. C’étaient parfois des disques de groupes occidentaux : Boney M, ABBA, Smokie, Zodiac… 

Au Vietnam, on trouvait aussi des livres importés d’URSS. « J’ai lu La Mère de Gorki d’abord en vietnamien. Après avoir appris le russe, je l’ai relu en russe. Vous savez, ce sont deux livres différents, deux mères différentes », dit avec le sourire le docteur Dang qui préfère la version originale. 

La Russie n’était donc pas un pays inconnu pour le jeune Vietnamien. Dans les années 1990, il était facile de venir en Russie. Ainsi, au début des années 1990, le jeune médecin Dang, avide de découvrir la Russie, a passé deux semaines à Moscou puis à Saint-Pétersbourg avant de s’inscrire au collège de médecine de Kazan.

Premières impressions de Kazan

Après avoir vu Moscou et Saint-Pétersbourg, le docteur Dang a trouvé que Kazan était une petite ville. Il a été étonné du faible nombre de petits cafés. Cela contrastait avec Hanoï.

« Je ne comprenais pas comment les gens pouvaient vivre sans fréquenter de cafés qui sont des lieux de sociabilité. »

Le docteur Dang se souvient qu’à Kazan, au début des années 1990, tout le monde lui apportait son aide quand il en avait besoin. Il se faisait alors comprendre par gestes.

Il se souvient aussi de la beauté des jeunes femmes russes. « Je suis resté à Kazan et me suis marié à une Tatare. C’était mon premier mariage. Nous avons eu trois enfants qui sont grands maintenant. Ils vivent à Moscou. »

Y a-t-il une demande pour la médecine orientale en Russie ?

Dans les années 1990, la médecine orientale était peu connue en Russie. Le diplôme de médecine du docteur Dang ne lui permettait pas de trouver de poste dans le système de santé russe.

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« J’ai dû travailler un temps comme cuisinier dans un café. Et puis j’ai pensé que je ne voulais pas avoir étudié 12 ans pour rien. J’ai commencé activement à chercher du travail dans ma spécialité. J’ai travaillé dans plusieurs centres de santé, acquis de l’expérience et aujourd’hui je suis médecin au centre d’acupuncture vietnamienne Vietmed ».

Aujourd’hui, le docteur Dang parcourt la Russie et soigne ses patients grâce à l’acupuncture, des massages et d’autres procédures manuelles.

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Patients russes

Le carnet de rendez-vous du docteur Dang ne désemplit pas. Il a sa patientèle attitrée et bénéficie aussi du bouche à oreille. « Aujourd’hui, j’ai reçu un homme. Il était allongé sur une plage de Sotchi quand il a ressenti une violente douleur au cou. À côté de lui se trouvait une femme que j’avais soignée à Moscou. Elle lui a donné mon numéro. »

Le docteur Dang constate que les Russes souffrent essentiellement des vertèbres, de scoliose, d’arthrose, de maux de tête et de tension trop élevée.

Souvent, la voie de la guérison est évidente : faire du sport.

« J’ai maintenant des patients qui ont 13-14 ans. À leur âge, les muscles ne grandissent pas aussi rapidement que les os. Ce qui explique les douleurs. En plus, les enfants passent de plus en plus de temps sur leur téléphone, ils se voûtent et leur colonne vertébrale se déforme. D’où les problèmes ... Outre la consultation d’un médecin, il y a un excellent moyen d’améliorer son état : la natation. S’il n’est pas possible d’aller à la piscine, la pratique de n’importe quel autre sport. Quand je suis en déplacement pour mon travail, je fais du jogging et des pompes. Cela suffit amplement pour me maintenir en forme. »

Quand le médecin vietnamien a « perdu » sa grand-mère russe

Le docteur Dang se souvient d’une histoire agréable qui lui est arrivée depuis qu’il pratique son art en Russie : il a « perdu » une patiente de 80 ans. Elle avait des problèmes rénaux et circulatoires : ses jambes étaient gonflées. Dans son appartement, elle avait besoin d’un déambulatoire pour se déplacer. 

Il a commencé à la soigner par de l’acupuncture pour drainer les œdèmes. Au bout de quelques séances, le résultat était déjà visible et sa patiente était très heureuse. Ils ont continué ce traitement par aiguilles. 

« Un jour, j’arrive chez elle et elle n’est pas là. Ses proches et moi la cherchons et la retrouvons. Un matin, elle s’est réveillée en se sentant à merveille. Elle marchait bien. Comme toute grand-mère russe normale, elle avait décidé qu’elle en avait assez de rester allongée et qu’il était temps de s’occuper de son jardin. Elle était partie à la datcha. »

Les personnes âgées remercient souvent le docteur Dang en lui offrant des confitures et des bocaux de tomates et de concombres faits maison.

Presque russe

« En 30 ans, j’ai fait miennes les règles de vie en Russie, je me suis habitué à beaucoup de choses. Je me sens bien ici. Mais j’arrive à un âge où l’on commence à réévaluer sa vie et à retourner vers ses racines. C’est pourquoi je maintiens nos traditions. À la maison, je suis vietnamien. Je suis admiratif de ce que les classiques russes ont donné à la culture mondiale. En Russie, il y a beaucoup de très grandes personnalités. Pour moi, c’est aussi très important. »

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Pour le docteur Dang, Russes et Vietnamiens sont semblables dans leur patriotisme, dans leur façon de se retrouver pour défendre leur patrie.

« Aujourd’hui, quand la situation est très difficile, on s’aperçoit en lisant l’internet que la majorité des Vietnamiens soutiennent la Russie. »

Le docteur Dang s’est quand même russifié : par exemple, il adore les pelmenis (raviolis sibériens). À Moscou, la femme du docteur Dang tient un café vietnamien où l’on sert une soupe très appréciée aujourd’hui en Russie : la soupe fo bo. On y propose aussi du café vietnamien au lait condensé russe. Cet établissement est souvent plein et les clients font même la queue dans la rue.

« J’aime aussi les voitures soviétiques. J’ai une Jigouli 3 jaune. Mon fils l’a remise en état et je roule avec. Aucune voiture étrangère ne soutient la comparaison : les gens que je croise sourient, me font des signes ou klaxonnent. »

La version complète de cette interview a été publiée dans le journal Nation Magazine.

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