
Cinq personnalités du monde des arts et des sciences victimes des purges staliniennes

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1. Le poète Ossip Mandelstam (1891-1938)

En 1933, Ossip Mandelstam écrivit un poème dont le premier vers est : « Мы живём, под собою не чуястраны » (« Nous vivons sans sentir le pays sous nos pieds »). Il s’agissait d’une critique à peine voilée de Joseph Staline. Ossip Mandelstam le surnommait le « montagnard du Kremlin » et voyait dans son entourage une clique qui ne faisait qu’exécuter ses ordres. Il déclamait son épigramme à ses camarades (le poète Boris Pasternak l’avait mis en garde, considérant qu’il courait au suicide) et quelqu’un le dénonça.
Ossip Mandelstam s’était préparé à la pire des condamnations. En 1934, il fut envoyé en relégation à Voronej. Il fut arrêté en 1938 pour « propagande anti-soviétique » et condamné à cinq ans de travaux forcés. Il mourut dans un camp de transit situé non loin de Vladivostok à la fin de l’année 1938. Il fut réhabilité dans le dossier de 1938 en 1956 et dans celui de 1934 en 1987. Dans les deux cas, pour « absence de corps du délit ».
2. Le metteur en scène Vsevolod Meyerhold (1874-1940)

Novateur et avant-gardiste, Vsevolod Meyerhold subit plus d’une fois les critiques du pouvoir soviétique. Joseph Staline n’appréciait pas les spectacles qu’il montait. Pas plus que sa femme, l’actrice Zinaïda Raïkh, qui n’hésitait pas à critiquer le pouvoir et à lui écrire qu’il n’y comprenait rien à l’art.
En 1939, Vsevolod Meyerhold fut arrêté comme « ennemi du peuple » pour activités contre-révolutionnaires. Dans les lettres qu’il adressa à de hauts fonctionnaires, il décrivit en détail les tortures subies lors des interrogatoires. Il fut fusillé en 1940 et sa dépouille, jetée dans une fosse commune.
3. Le biologiste Nikolaï Vavilov (1887-1943)

Botaniste et généticien renommé, Nikolaï Vavilov avait fondé et dirigeait l’Institut de Génétique de l’Académie des sciences de l’URSS. Mais l’académicien Trofim Lyssenko, simple agronome qui avait fait carrière grâce à son engagement dans le Parti Communiste, s’en prit à la génétique « bourgeoise ».
Dans l’acte d’accusation établi à l’encontre de Nikolaï Vavilov, il est indiqué qu’il a promu « sciemment des théories hostiles » et s’est opposé aux travaux de Trofim Lyssenko qui auraient eu une grande importance pour l’agriculture soviétique. En 1941, Nikolaï Vavilov fut condamné à mort pour « acte de sabotage ». L’année suivante, sa peine fut commuée en vingt ans de réclusion. Il mourut de malnutrition dans une prison de Saratov en 1943.
4. L’ingénieur Sergueï Korolev (1906-1966)

Celui qui envoya Iouri Gagarine dans l’espace avait longtemps été considéré comme un « ennemi du peuple ». C’est de ses années de prison que datent ses recherches les plus importantes. Cet ingénieur en construction aéronautique avait été arrêté en 1938. Sous la torture, il avait reconnu avoir participé aux activités contre-révolutionnaires dont on l’accusait. Condamné à dix ans de camp de travail, il fut envoyé dans l’un de ceux de la région de Kolyma où il faillit mourir d’épuisement.
Des amis haut placés de Sergueï Korolev parvinrent à intercéder en sa faveur. Il fut transféré dans une prison spécialisée où étaient regroupés des ingénieurs (шарага / charaga). Il commença à travailler à des moteurs pour fusées spatiales. Il fut libéré avant terme en 1944 mais ne fut réhabilité qu’en 1957.
5. L’acteur Gueorgui Jjonov (1915-2005)

A sa sortie en 1968, peu des spectateurs du film L’Espion commet une erreur savait que l’acteur qui y tient le rôle principal avait été en camp de travail. Son frère fut arrêté avant lui et toute leur famille fut envoyée en relégation au Kazakhstan. Guéorgui Jjonov refusa de se plier à cette condamnation сollective. Il fut à son tour arrêté et libéré grâce à l’intervention du célèbre réalisateur Sergueï Guerassimov. Plus tard, lors d’un tournage dans l’Extrême-Orient soviétique, il rencontra un attaché militaire américain à plusieurs reprises. Les services de renseignement l’apprirent et l’arrêtèrent pour espionnage. En 1939, il fut condamné à cinq ans de camp de travail qu’il passa dans la région aurifère de Kolyma. Il eut la possibilité de se produire sur la scène du théâtre de Magadan. Libéré en 1945, il eut interdiction de vivre à Moscou et à Léningrad. C’est pourquoi il travailla dans des théâtres et des studios de cinéma en Sibérie. Il fut réhabilité en 1955 et put dès lors tourner dans de grands studios.
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