Hockey: quand une victoire des Soviétiques a forcé des reporters canadiens à avaler leur article
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Sur une célèbre photo prise en septembre 1972, le reporter canadien Dick Beddoes mange du bortsch avec des morceaux déchiquetés de la chronique qu’il avait écrite avant le premier match entre le Canada et l’URSS.
Étonnamment, Beddoes n’est pas le seul reporter à avoir fait une prédiction erronée et à avoir dû tenir sa promesse en mangeant ses propres écrits.
Monde libre contre communisme
Bien que l’événement ait été organisé dans l’intention de créer une compétition opposant les deux pays leaders du hockey sur glace, les enjeux allaient bien au-delà du simple sport.
Pour les millions de téléspectateurs du monde entier, les jeux représentaient une rivalité de bien plus grande ampleur. Pour beaucoup, il s’agissait d’une opposition idéologique, le monde libre luttant contre le communisme. Les journalistes, eux non plus, n’ont alors eu d’autre choix que de choisir leur camp. En septembre 1972, l’objectivité s’apparentait à de la trahison.
À une occasion, à Moscou, après cinq matchs de la série, Trent Frayne du quotidien Toronto Star a par exemple été réprimandé par l’organisateur du tournoi, Alan Eagleson. Les deux hommes ont discuté brièvement à l’extérieur d’un ascenseur de l’hôtel Intourist de Moscou.
« Qu’en avez-vous pensé ? », a demandé Eagleson.
Frayne a répondu qu’il avait été impressionné par le contrôle du palet et les passes des joueurs soviétiques.
« Vous devez être un put**n de communiste », s’est alors exclamé son interlocuteur.
« C’était la première fois que je voyais les médias unis dans une cause commune, a déclaré Ralph Mellanby, responsable de l’émission Hockey Night in Canada. Ils sont tous contre les Russes. C’était incroyable. Les médias étaient d’abord des Canadiens et ensuite des journalistes ».
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Prédictions médiatiques
Avant la Série du siècle 1972 à Toronto, le consensus dans les médias sportifs canadiens et américains était que l’équipe du Canada l’emporterait inconditionnellement sur les Soviétiques.
« L’équipe de la LNH les massacrera en huit manches consécutives », a par exemple écrit Gerald Eskenazi du New York Times.
« Huit à zéro Canada – et c’est le score du premier match », a de son côté prédit Fran Rosa du Boston’s Globe.
Le chroniqueur du Globe and Mail, Dick Beddoes, a lui aussi formulé son pari : « Que le Canada gagne huit parties contre zéro. Si les Russes gagnent un match, je mangerai cette chronique déchiquetée à midi dans un bol de bortsch sur le perron de l’ambassade de Russie ».
Un pari à contrecourant
L’autre journaliste canadien qui a fait une prédiction et l’a soutenue en promettant de manger ses mots est John Robertson.
Écrivant pour le Montreal Star, il a pris une position outrageusement contraire au consensus général dans les médias canadiens. Il a prédit que l’équipe soviétique l’emporterait sur les joueurs canadiens. Pour étayer sa prédiction, qui semblait extrêmement irréaliste pour littéralement tout le monde au Canada à l’époque, Robertson a promis de manger sa colonne si on lui donnait tort.
Parmi ses collègues et ses lecteurs, John Robertson jouissait en réalité d’une réputation de provocateur.
« Robertson, qui était rarement subtil, disait souvent qu’il s’inquiétait lorsque son courrier négatif descendait en dessous de 80% du total », a témoigné William Houston dans un article du Globe and Main en 2002.
Dans ce cas particulier, Robertson a rendu tout le monde furieux, les organisateurs du tournoi, les joueurs canadiens et les lecteurs.
Robertson a pourtant affirmé que sa prédiction était calculée et basée sur ses observations personnelles de l’équipe soviétique au travail et aussi sur la représentation inadéquate des Soviétiques dans les médias de masse canadiens.
« Avant le début de la série, je me souviens d’avoir été assis dans les tribunes avec un groupe de joueurs canadiens. J’adorais ces gars, mais ils étaient assis là à ridiculiser l’équipement des Russes et à se moquer d’eux. Personne ne voulait leur donner une chance. La rubrique était à moitié sérieuse et à moitié frivole. Mais j’étais allé en Russie et j’avais écrit des articles sur leur programme de hockey. Et j’avais vraiment l’impression que l’équipe était meilleure que ce que l’on pensait », a plus tard rédigé Robertson.
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Des promesses tenues
Le premier match de la série a apporté un bouleversement majeur dans l’histoire du hockey canadien. Le 2 septembre 1974, les Soviétiques ont surpris 18 000 spectateurs canadiens, réunis au Forum de Montréal, en battant contre toute attente leurs rivaux 7-3.
Immédiatement après la victoire soviétique, a été réalisée la célèbre photo de Dick Beddoes mangeant du bortsch avec des morceaux de sa colonne sur le perron de l’ambassade soviétique au Canada. Le journaliste a reconnu le fait que sa prédiction avait été incorrecte et n’a pas hésité à tenir sa promesse.
Dans le deuxième match de la série, les Canadiens ont gagné 4 à 1. Au final, l’équipe canadienne a remporté quatre des sept matchs et s’est imposée face aux Soviétiques, qui ont remporté les trois autres. La rivalité canado-soviétique sur la glace est passée à l’histoire comme étant, peut-être, la plus intense et la plus compétitive de tous les temps. Les joueurs de chaque équipe ont gagné le respect de leurs adversaires et des spectateurs des deux côtés du globe.
Les joueurs soviétiques ont livré un combat que personne dans la presse canadienne n’avait prévu. Cependant, les Canadiens, eux aussi, se sont montrés prêts à faire face à la pression et, une fois de plus, ont prouvé leur statut de leader dans le monde du hockey sur glace.
En fait, la prédiction de John Robertson – la victoire de l’équipe soviétique – était beaucoup plus proche du résultat que le pronostic extrêmement optimiste de la presse canadienne. Cependant, il s’était toutefois lui aussi bel et bien trompé, car les Canadiens n’ont pas perdu contre les Soviétiques, contrairement à ce qu’il avait prédit.
On raconte qu’à son retour de Moscou à Montréal, les collègues de Robertson lui ont servi un plat épicé avec des lambeaux de sa chronique. Un pari est un pari ; l’homme n’a pas cillé, mangeant tout ce qu’il y avait dans l’assiette.
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