Cinq personnages fous de la littérature russe

Fenêtre sur la Russie (Photo: G.Tourov/Sputnik; Sputnik)
Fenêtre sur la Russie (Photo: G.Tourov/Sputnik; Sputnik)
La folie est un thème récurrent de la littérature russe. À travers le prisme de l’aliénation, les auteurs ont dénoncé les vices de la société et les défauts des hommes. Voici cinq œuvres dont les personnages perdent l’entendement et accèdent à une réalité supérieure.

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Le Malheur d’Avoir Trop d’Esprit d’Alexandre Griboïedov

Fine Art Images/Heritage Images / Getty Images
Fine Art Images/Heritage Images / Getty Images

Alexandre Tchatski, le personnage principal de la comédie en vers d’Alexandre Griboïedov, rentre à Moscou après une longue absence. Dès son arrivée, il critique son entourage plus ou moins proche. Il lance ainsi un défi à l’ordre social établi. C’est pourquoi la bonne société moscovite le traite de fou. Cette folie est un diagnostic posé par la société et non par la médecine. Alexandre Tchatski tient le rôle d’un fol-en-Christ, celui qui dit des vérités dérangeantes sous le masque de la « folie ».

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L’Idiot de Fiodor Dostoïevski

Sputnik
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Le prince Lev Mychkine est vraiment malade : il souffre d’épilepsie ou, comme on le disait encore au XIXe siècle, du mal caduc. Avant qu’une crise ne se déclenche, il devient particulièrement lucide. Sa candeur, sa spontanéité et d’autres étrangetés de son comportement s’expliquent justement par sa maladie. Comme Alexandre Tchatski, c’est un fol-en-Christ. Son ingénuité, sa droiture et le fait qu’il ne porte pas de masque social le font passer pour un fou dans son entourage. Dans un monde régi par des conventions sociales, son honnêteté semble absurde et déplacée. Sa folie est la tragédie d’un idéal qui se brise au contact de la réalité. Le prince Mychkine est le Christ venu dans le Saint-Pétersbourg du XIXe siècle et martyrisé par les passions qui y règnent.

La Fleur Rouge de Vsevolod Garchine

Metropolitan Museum of Art; Domaine public
Metropolitan Museum of Art; Domaine public

Ce personnage est l’une des illustrations de la folie les plus marquantes de la littérature russe. Le héros est persuadé que la couleur rouge du coquelicot qui pousse dans le jardin de l’hôpital où il est interné concentre tout le mal du monde. Il pense avoir été désigné pour détruire cette fleur et ainsi faire disparaître le mal sur Terre. Il établit des plans divers et variés, fait semblant d’être calme pour amadouer les infirmiers, ruse pour atteindre cette fleur. Il parvient à ses fins et meurt avec le sentiment du devoir accompli. Sa folie est une métaphore de la lutte d’un seul homme contre un monde inique. Ce personnage est un don Quichotte qui combat l’incarnation symbolique de la souffrance humaine.

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La Salle N°6 d’Anton Tchékhov

Mosfilm / Sputnik
Mosfilm / Sputnik

Dans cette nouvelle, la vie même est folie et la frontière entre la normalité psychiatrique et la folie s’efface. C’est dans la salle N°6 que vivent les fous. Gromov, l’un des malades, souffre de paranoïa. Il a peur d’être arrêté et envoyé au bagne. Il est soigné par le Raguine. C’est un médecin censé et érudit. Mais, au fil des années, il est devenu paresseux, oisif, complètement indifférent à l’insalubrité et à la violence qui règnent dans son établissement. Il rationalise le mal au lieu de le combattre. Sa « raison » est en réalité une véritable folie. Raguine considère Gromov comme son seul interlocuteur intéressant. Au cours de leurs conversations, le médecin commence à se réveiller du sommeil où l’a progressivement plongé sa pratique de la psychiatrie. Mais cet éveil est sa perte. Il finit lui aussi par être enfermé dans la salle N°6.

Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov

Schekinov Alexey Victorovich (CC BY-SA 3.0)
Schekinov Alexey Victorovich (CC BY-SA 3.0)

Au début du roman, Ivan Bezdomny est un poète sûr de son talent. Mais sa rencontre avec Woland, qui prédit la mort de son ami Berlioz, le rend fou. À l’hôpital psychiatrique, où il a été interné, il prend conscience de la médiocrité de ses poèmes et se fait une nouvelle conception du monde. Un autre personnage, celui du Maître, perd la raison parce qu’il ne peut supporter d’être stigmatisé par le milieu littéraire et d’approcher l’éternité : il écrit un roman sur une histoire réelle dont il n’a pas été témoin. Sa folie est le prix à payer pour la connaissance, la création, le génie et la vérité. Dans son roman, Mikhaïl Boulgakov a créé un mot dans lequel la folie permet d’atteindre une réalité supérieure.

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