
Pourquoi les frères Strougatski sont-ils les plus grands auteurs soviétiques de science-fiction?

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Les frères Arkadi et Boris Strougatski étaient surnommés АБС (pour Аркадий и Борис Стругацкие) . Arkadi était l’aîné ; Boris, le cadet. Arkadi était traducteur d’anglais et de japonais ; Boris, astrophysicien. Arkadi avait un tempérament émotif et impulsif ; Boris était calme. En d’autres termes, la vague et le rocher, la poésie et la prose, le feu et la glace. S’ils n’avaient pas écrit ensemble, l’histoire de la littérature soviétique aurait été tout autre.
Arkadi tapait à la machine à écrire pendant que Boris arpentait leur bureau. « Notre collaboration était presque une dispute incessante », se souvenait Boris Strougatski. « Il me semble que lorsque l’on travaille à deux, il ne doit pas en être autrement, sinon on n’arrive à rien. Nous nous étions fixé une règle : tu n’es pas d’accord avec la phrase que j’ai proposée, propose comment la reformuler. Et ainsi de suite, jusqu’à nous n’ayons plus d’idées. Dans le pire des cas, nous tirions la version définitive au sort. Celui qui perdait se soumettait à la loi du sort en grinchant ».
Leur collaboration de la fin des années 1950 à la fin des années 1980 donna Le Pays des Nuages Pourpres, Midi, XIXe Siècle, Il est Difficile d’Être un Dieu, Le Lundi Commence le Samedi, Le Dernier Cercle du Paradis, L’Escargot sur la Pente, Les Mutants du Brouillard, L’Ile Habitée, Stalker : Pique-Nique au Bord du Chemin, La Ville Condamnée et bien d’autres romans et nouvelles qui devinrent cultes.

Pourquoi eurent-ils tant de succès ?
Bien plus que de la science-fiction
Le tandem formé du « physicien » Boris et du « poète » Arkadi créa des textes dont la dimension philosophique est indubitable. Ils n’écrivaient pas uniquement de la science-fiction. Ils écrivaient « l’histoire du futur », avaient foi en la connaissance, le progrès, la bonne volonté des hommes. Ils étaient persuadés que demain serait meilleur qu’aujourd’hui. Il est difficile de dire si leurs prévisions se sont déjà réalisées. Mais il est certain qu’une génération entière de lecteurs intelligents, éduqués, cultivés a grandi avec une connaissance profonde de leur œuvre. Ceux-ci partageaient les idéaux des frères Strougatski et vécurent leur vie en suivant les principes qui étaient les leurs.
Œuvres littéraires
« Nous aimions à la folie Wells, Čapek, Conan Doyle et il nous semblait que nous savions comment écrire pour susciter l’intérêt de nos lecteurs », dit Boris Strougatski lors d’une interview. Arkadi et Boris étaient les fils de l’historien de l’art Nathan Strougatski. Il avait développé en eux le goût de la bonne littérature. Leur connaissance des langues étrangères leur permit de lire les classiques de littérature mondiale dans le texte.
Univers reconnaissable entre tous
Les histoires de près d’une dizaine de livres des frères Strougatski ont d’une manière ou d’une autre un rapport avec le « monde de midi ». Dans cette dimension, le récit de la conquête de l’espace et la victoire mondiale du communisme s’accompagne de réflexions sur le fascisme, le totalitarisme, la non-résistance au mal par la violence et des idéaux qui agitaient les esprits au milieu du XXe siècle.
Esprit d’opposition
« L’esprit d’opposition est le principal piment de notre littérature. Sans esprit d’opposition, notre littérature devient fade, ou mielleuse ou tout simplement indigeste. Je ne parle pas là uniquement de science-fiction. La réalité est plurielle et a de très nombreuses facettes. L’opposition au pouvoir est très loin d’être la seule tige sur laquelle les textes contemporains s’enfilent », expliquait Boris Strougatski. La censure vit dans certains textes des frères Strougatski trop de références aux réalités soviétiques et en interdit la publication. D’autres dont elle autorisa la publication devinrent des best-sellers. C’est là une autre particularité de l’œuvre des frères Strougatski.
Sens de l’humour
Les livres des frères Strougatski ne sont pas seulement intelligents et intéressants (ils aimaient les histoires prenantes à la Dumas ou à la Stevenson). Ils sont aussi souvent drôles. Par exemple, des répliques de leur roman Le Lundi Commence le Samedi ou du scénario du film Les Magiciens qui en est inspiré, sont entrées dans le langage courant : « Malheureusement, les imbéciles sont plus bêtes dans la vie réelle que dans les contes », « Déterminer son objectif, croire en soi et, surtout, ne pas remarquer les obstacles ! », « Un fou et un amoureux, pour la médecine, c’est la même chose », « Aujourd’hui, on accorde à la forme un grand ... fond », « On est toujours à la recherche de la kunée ! ». Aujourd’hui encore, ces phrases sont bien connues des Russes.
Dans cette autre publication, découvrez sept adaptations cinématographiques des frères Strougatski, rois de la science-fiction en URSS.