Que signifie l’expression russe «relaver les os»?

Kira Lissitskaïa (Photo : H. Armstrong Roberts/Retrofile, Kateryna Kon/Science Photo Library/Getty Images; Valentin Cheredintsev/Sputnik)
Kira Lissitskaïa (Photo : H. Armstrong Roberts/Retrofile, Kateryna Kon/Science Photo Library/Getty Images; Valentin Cheredintsev/Sputnik)
Si vous avez déjà entendu dire qu’on relave les os de quelqu’un (перемывать косточки/pirimyvat’ kostatchki), vous avez certainement pensé qu’il s’agissait d’un rituel païen effrayant. Et vous n’étiez pas loin de la vérité. Mais avant d’en venir à l’origine de cette expression, cancanons un peu!

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Cette locution est attestée depuis le milieu du XIXe siècle. Les écrivains russes l’employaient volontiers pour décrire comment quelqu’un cassait du sucre sur le dos de quelqu’un d’autre. Ainsi, dans son récit Fragment du Journal d'un Irascible, Anton Tchékhov fait de son personnage principal le témoin d’une scène déplaisante : « Après une longue conversation sur l’amour, l’une des jeunes femmes se leva et sortit. Celles qui étaient restées se mirent à lui tailler une veste pour l’hiver. Toutes la trouvaient bête, insupportable et laide. Elles lui voyaient aussi une omoplate qui n’était pas en place ». Comment l’aurait-elle été après que ces aimables demoiselles lui avaient relavé les os ?! Impossible alors de porter cette veste bien chaude l’hiver suivant !

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La tradition de laver les os d’un trépassé a une origine païenne. Selon une croyance ancienne, un homme mauvais mort pouvait revenir importuner les hommes sous la forme d’un oupyr’ ou d’un vampire. Pour qu’il ne puisse sortir de sa tombe, il fallait d’abord l’exhumer puis laver son squelette avec de l’eau. Cette tradition se maintint chez certains peuples, en particulier chez les slaves et les grecs. Au XIXe siècle, l’historien de l’Église Evgueni Goloubinski décrivait une pratique en cours dans l’Église orthodoxe grecque : les os étaient relevés des tombes et lavés. Après qu’une prière pour le repos de l’âme du défunt fut dite, les os étaient déposés dans un ossuaire appelé кимитирий (dans lequel on distingue κοιμητήριον, mot d’où est dérivé cimetière).

Avec le temps, перемывать косточки prit le sens de juger quelqu’un et ses actes, pas toujours en bien. Et plus généralement, échanger des cancans sur quelqu’un.

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