Comment un dresseur guatémaltèque est devenu «Artiste de l’année» en Russie
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Carlos est originaire de Retalhuleu, au Guatemala, autrefois une grande ville du peuple maya. Son père est homme d’affaires, sa mère chanteuse. La famille n’avait aucun lien avec le cirque, mais chaque été, un chapiteau apparaissait sur le terrain de football près de chez eux.
« Je passais mes journées là-bas, je savais comment tout fonctionnait, je me suis lié d’amitié avec tous les enfants du cirque ». Ses parents disaient que ce n’était pas sérieux, mais le jeune homme rêvait du cirque, et lorsqu’il a eu 18 ans, la troupe l’a engagé.
« La vie dont je ne pouvais que rêver a commencé ». Au début, le Guatémaltèque était assistant, puis il est devenu clown, puis gymnaste. Et puis il s’est avéré qu’il était surtout doué pour travailler avec les animaux.
Ses numéros avec des tigres, des lions et des éléphants ont été remarqués par les grands cirques, qui l’ont invité à effectuer des tournées en Amérique, en Afrique et en Europe.
De l’Amérique latine à la Russie
« Un jour, je me suis retrouvé en Roumanie, et là-bas, c’était très dur : on ne nous payait presque rien. Après avoir entendu une énième fois "l’argent sera là demain", je me suis mis à genoux et j’ai prié : "Seigneur, s’il te plaît, donne-moi un bon contrat dans un bon pays !". Et soudain, j’ai reçu un e-mail : "Bonjour, je m’appelle Natalia, j’ai vu vos vidéos. Aimeriez-vous travailler en Russie ?" ».
Il n’avait jamais pensé à la Russie. Il savait seulement que c’était un pays immense et qu’il y avait là-bas des dresseurs talentueux : Edgard et Askold Zapashny, Vitaliy Smolyanets, Nikolai Pavlenko et d’autres.
Carlos a envoyé ses documents et, deux mois plus tard, il a reçu une réponse lui indiquant que tout était en ordre et qu’on l’attendait pour commencer à travailler. Même si ses amis ont tenté de le dissuader de déménager, lui affirmant que la Russie était dangereuse, il est parti. Et il ne l’a pas regretté.
Une vie itinérante
La femme de Carlos, Stona Milla, est une gymnaste de cirque originaire du Chili. Le couple a deux enfants : un fils de 10 ans, Noah Jesus, et une fille de 8 ans, Stoinita Maria, née la veille de leur départ pour la Russie.
Carlos, sa femme et ses enfants déménagent constamment : les artistes de cirque ne restent pas longtemps au même endroit, ils ont toujours envie de nouveauté
« Les enfants disent : "Papa, ça fait longtemps qu’on vit ici, quand est-ce qu’on va déménager dans une nouvelle ville ?". Au cours des trois dernières années, ils ont étudié à Moscou, Saint-Pétersbourg, Stavropol, Perm, Nijny Taguil, dans 15 villes au total. Pour un enfant ordinaire, il est étrange de changer d’école tous les deux mois, mais mes enfants s’y sont habitués ».
Le dresseur traite les animaux avec beaucoup de soin : « Ils voyagent confortablement, ce n’est pas un conteneur avec des cages, mais un grand camion-remorque équipé d’un système de climatisation. C’est toujours moi qui conduis le camion. Quand il le faut, je m’arrête, je vérifie comment vont mes bêtes, je les nourris, nettoie. Aujourd’hui, j’ai 8 lions et 5 tigres. Et eux aussi, ils font partie de ma famille ».
À propos des animaux et des enfants
Le Guatémaltèque avoue que si les autres enfants grandissent avec des chats et des chiens, les siens évoluent avec des tigres. Quand ils étaient tout petits, ils dormaient même ensemble.
La tigresse Macha est la préférée de tous. Sa mère ayant refusé de l’allaiter, Carlos l’a ramenée chez lui. Jusqu’à l’âge de 6 mois, il jouait avec elle tous les matins, la promenait et la nourrissait au biberon, puis elle a commencé à se produire avec succès dans le groupe des tigres.
Carlos dit que chaque animal a son propre caractère, comme les humains. Certains sont nerveux, d’autres sont dociles. Néanmoins, il y a aussi des traits communs : les éléphants sont craintifs, mais très patients. Les zèbres sont capricieux. Les hippopotames sont gentils, les girafes sont les plus adorables.
Les plus difficiles sont les lions. Ils ont du mal à improviser, tout doit être précis. En même temps, ils sont rusés et peuvent manipuler les humains. L’essentiel ici est d’établir des limites claires.
Carlos est arrivé en Russie avec certains animaux, d’autres sont nés ici, d’autres encore ont été récupérés dans des zoos ou chez des personnes qui avaient décidé d’adopter des félins exotiques, mais n’avaient pas réussi à les élever.
Au début, Carlos travaillait dans des cirques fixes dans le Sud du pays. Il est ensuite passé au chapiteau itinérant et a parcouru toute la Russie pendant six ans.
« En août 2024, nous travaillions à Koursk, où nous avons donné des concerts de charité malgré la nécessité d’évacuer les lieux. Pour cela, j’ai reçu le titre d’Artiste de l’année lors de la cérémonie internationale des prix du cirque Priznanié en juin 2025. J’étais tellement heureux ! ».
Comment la Russie a changé le Guatémaltèque
Le Latino-Américain a dû s’habituer à la réserve des Russes. Au début, il saluait tout le monde, même dans les bus. Cependant, cette « bizarrerie » l’a aidé à se faire de nouveaux amis.
« Pendant la pandémie, mes animaux et moi étions coincés à Tambov. Il n’y avait pas de spectacles, mais il fallait les nourrir. C’est alors qu’un homme, qui s’est avéré être le propriétaire d’une chaîne de magasins locale, est venu nous voir. Il m’a parlé, a regardé mes lions et mes tigres. Puis il nous a apporté une tonne de viande. En Russie, ce genre de geste n’a rien d’exceptionnel, c’est la mentalité russe ».
« Je le dis partout et tout le temps : personne n’a fait plus pour moi que la Russie, je suis heureux d’avoir écouté Dieu qui m’a envoyé ici ». Carlos a même un tatouage avec le drapeau russe et l’aigle bicéphale. Il avoue que c’est un hommage.
« Je voudrais donner un conseil à tous les étrangers : ne croyez pas les mauvaises choses que l’on dit sur la Russie. Ici, la vie est très calme et les gens sont très accueillants ».
Il affirme avoir adopté la culture russe, qu’il comprend les gens, les traditions, la religion, la politique. Et il ne veut pas repartir.
« Au Guatemala, il y a un proverbe qui dit : "L’homme sait exactement où il est né, mais il ne peut prédire où il mourra". Mais je sais maintenant avec certitude que je veux passer mes derniers jours en Russie ».
La version complète de l’interview est publiée en russe sur le site Web du magazine Nation.
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