Comment un prêtre américain et sa famille vivent-ils dans le sud de la Russie?
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Avant de déménager en Russie, Ephraïm Alkhas et sa femme Helen « ont visité » la région de Rostov-sur-le-Don grâce aux cartes de Google pour y trouver une maison. Sur une photo, ils ont vu un drapeau assyrien sur un mur... Ils y ont vu un signe et ont acheté précisément cette maison.
Il y a un an le couple, ses quatres filles et leur chien sont arrivés à Rostov-sur-le-Don avec leurs 17 valises. Aujourd’hui, ils parlent tous couramment russe, se déplacent en Lada Granta et ont adopté un second chien.
Pourquoi la Russie ?
Ephraïm Alkhas est prêtre de l’Église assyrienne de l’Orient. En 2016, alors qu’il était attaché au service d’une paroisse de Californie, il a été choisi par sa hiérarchie pour établir des relations avec l’Église orthodoxe russe et fait un premier séjour en Russie. Il y est retourné plusieurs fois et a visité Moscou, Saint-Pétersbourg, Rostov-sur-le-Don et Saransk. « J’ai découvert ce pays, rencontré des Assyriens et vu qu’on vivait bien ici », raconte le père Ephraïm.
Il y a un an, le catholicos-patriarche de l’Église assyrienne de l’Orient a désigné le père Ephraïm pour devenir le père d’une paroisse en Russie. « Cette décision m’a réjoui. Je comprenais déjà la Russie et avais commencé à l’aimer », dit-il. Il aime aussi Rostov-sur-le-Don, une « ville multi-ethnique et libre ».
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Différences culturelles
Le père Ephraïm avait des raisons personnelles de vouloir quitter les États-Unis. Il est d’une famille assyrienne (chrétienne) d’Iran. Ses parents ont émigré aux États-Unis après la Révolution islamique de 1979.
Lui-même est né en Californie. À la maison, sa famille parlait le syriaque, maintenait sa culture d’origine et priait tous les jours. L’église était au centre de la vie du jeune Ephraïm. C’est pourquoi il est devenu prêtre.
« Mes parents ont choisi les États-Unis parce que c’était un pays chrétien à cette époque », explique le père Ephraïm. Selon lui, les choses d’un point de vue politique et culturel ont beaucoup changé depuis une trentaine d’années.
« La Russie est un pays multi-ethnique. Russes, Daghestanais, Iakoutes, etc, peuvent y vivre dans leur culture. Les États-Unis sont aussi un pays multi-ethnique, mais il y a l’idée du melting-pot. Cela signifie que les cultures doivent et seront écrasées comme dans un hamburger », dit le prêtre.
Le père Ephraïm sait que sa mission n’est pas seulement de maintenir vivante la culture de ses ancêtres, mais aussi de transmettre « les connaissances anciennes » de son peuple. Sa femme Helen est enseignante et va apprendre le syriaque aux enfants russes.
Arrivée et premiers mois en Russie
Le père Ephraïm et sa famille ont fait le voyage de Moscou à Rostov-sur-le-Don en train, en « platzkart ». Ils ont été très étonnés que pendant tout leur voyage, qui a duré 16 heures, les 54 passagers du wagon ont été très polis et calmes.
La vie en Russie a commencé avec des problèmes de papiers. Pour le père Ephraïm, la langue russe et les papiers russes sont deux grands défis. Grâce à l’aide de son évêché, il a obtenu pour lui et sa famille un permis de séjour de 3 ans. Il était étonné que beaucoup d’étrangers mettent plusieurs années à obtenir leurs papiers russes. (Depuis le 1er septembre 2024, les règles d’obtention d’un permis de séjour de 3 ans ont changé. Certaines catégories de demandeurs peuvent déposer leurs dossiers sans avoir à passer d’examen de langue. Pour plus d’informations, suivre le lien vers notre publication antérieure - ndlr).
« Lorsqu’un Canadien, un Américain ou un Européen viennent ici, ce n’est pas pour un ou deux ans. Il va faire de la Russie son pays, y acheter un appartement ou une maison, il va travailler, payer des impôts. C’est pourquoi on comprend mal pourquoi l’obtention des papiers est si compliquée », dit le père Ephraïm.
Préjugés sur les Russes
Helen Alkhas a des origines allemandes. En épousant son mari, elle a fait sienne la culture assyrienne. Ses parents n’ont pas approuvé son installation en Russie et ne lui parlent plus.
« Beaucoup d’Américains pensent que les Russes sont malheureux et inamicaux. Je pensais qu’en tant qu’Américains, nous devrions faire face à une réaction négative de la part des Russes. Mais rien de tel ! Honnêtement, je suis frappée de constater que les Russes sont des gens ouverts et n’ont pas de préjugés », dit Helen Alkhas.
Avantages de la vie en Russie
Beaucoup de Russes s’étonnent que des Américains viennent vivre en Russie. D’après le père Ephraïm, ils ne comprennent tout simplement pas ce qu’il y a de bien dans leur pays. Pour sa famille, l’un des principaux avantages est la gratuité des jardins d’enfants, de l’éducation et de la médecine.
« En 10 ans en Amérique, ma femme n’a pas été soignée comme en une consultation ici. On lui a prescrit une longue série d’examens et elle a pu soigner tout ce qu’elle n’avait pu pendant des années », dit le père Ephraïm.
Aux États-Unis, la scolarité dans le public n’est pas d’un très bon niveau. Dans le privé, elle est très chère et les filles du couple étaient scolarisées à domicile. En Russie, elles vont dans des écoles et des jardins d’enfants gratuits.
En Russie, une chose manque toutefois aux Alkhas : « Notre morceau de gazon devant la maison. De là, on peut voir tous ses voisins et les saluer. Ici, il y a de hautes palissades. Ce n’est pas agréable parce que je ne sais pas qui sont mes voisins. »
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Roubles de l’Ancien régime et liens avec la Russie
Chez le père Ephraïm, sur les murs à côté des photos de famille, on voit des roubles en circulation sous l’Ancien régime. Son père les lui a donnés : « Cet argent était à mon arrière-grand-père. Il vivait dans le sud de l’Empire russe : à Rostov ou à Armavir. Sa famille y avait fui un génocide en Perse. Mon aïeul avait alors deux ans. Il a fait ses études, s’est marié, a vécu à Kharkov, a rejoint l’armée blanche puis a fui en Iran. J’ai fait des recherches sur sa vie en Russie, mais tous les papiers le concernant ont disparu. Ces roubles sont la seule preuve de sa vie en Russie. Un peu plus d’un siècle plus tard, ils sont revenus en Russie », dit le père Ephraïm.
La version complète de cette interview a été publiée dans le journal Nation Magazine.
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