Objet du mois: le poste de radio dans la cuisine qui rythmait la vie des Soviétiques
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À proprement parler, les postes de radio dans les cuisines ou dans d’autres pièces équipées d’une prise (en particulier, dans les appartements communautaires) sont des récepteurs au sens de haut-parleurs. Le signal qu’ils reçoivent n’a pas la forme d’ondes hertziennes mais passe par un fil. C’est pourquoi ces appareils se branchent dans une prise spéciale à bas voltage (15 – 30 volts) appelée radiototchka (радиоточка) et n’ont pas d’antenne.
Nous employons ici le présent parce que ce service est toujours disponible et payant. À Moscou, il coûte mensuellement 154,26 roubles qui sont inclus dans les charges (à titre de comparaison, un litre de lait pasteurisé en brique coûte environ 100 roubles). S’il ne peut recevoir qu’une seule chaîne (однопрограмник – odnoprogramnik), le récepteur diffuse Radio Rossii (Радио России – radio de Russie). S’il peut en recevoir 3 (трёхпрограмник – triokhprogramnik), il retransmet Radio Rossii, Maïak (Маяк - phare) et Radio Moskvy (Радио Москвы - radio de Moscou).
Couverture radiophonique et récepteurs
Le développement de la couverture radiophonique en URSS fut tributaire de l’électrification du pays. On se souviendra ici de la célèbre sentence de Vladimir Lénine (1870-1924) : « Le communisme, c’est le pouvoir des Soviets plus l’électrification de tout le pays ». Les premiers récepteurs de radio furent installés dans les rues des très grandes villes du pays. Ils firent leur entrée dans les logements en 1925. 8 ans plus tard fut mis en place un comité chargé de la radiofication et de la radiophonie. On estime qu’il y avait, en 1937, 25 récepteurs pour 1 000 habitants, la population s’établissant alors à 162 millions d’habitants (selon les données officielles). En 1941, on trouvait déjà 6 millions de récepteurs dans le pays.
Dans les rues, les récepteurs avaient la forme de haut-parleurs. Jusque dans les années 1950, les récepteurs à usage domestique étaient de grandes assiettes (тарелки – tarelki) ou de poêles (сковороды – skovaradi) et étaient noirs. Des usines à Moscou, Léningrad, Nijni-Novgorod et Kharkhov produisaient des reproducteurs (репродукторы) de type Record. Ils s’accrochaient au mur ou se posaient sur un meuble. La fabrication de récepteurs dans des coffrets fut lancée dans les années 1950. L’un des premiers modèles fut le ЭМЗ (initiales de Электромеханический завод – usine de mécanique électrique). Plus tard viendront les Maïak, Sport, Sféra. Le modèle Avrora permettait de recevoir trois chaînes différentes.
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Importance de la radio filaire
Si le jeune pouvoir soviétique attachait une telle importance à la radiofication du pays, c’était qu’il était conscient que cette technique lui permettrait de toucher les masses. Ce ne fut pas un hasard si la construction de la tour de radio hertzienne de Moscou rue Chabolovka fut confiée à l’architecte Vladimir Choukhov (1853-1939) dès 1919. Elle fut achevée trois ans plus tard.
Durant la Grande Guerre patriotique, les récepteurs jouèrent un rôle considérable. Les Soviétiques qui se trouvaient dans les rues des villes le 22 juin 1941 entendirent par les haut-parleurs Viatcheslav Molotov (1890-1986) leur donner lecture d’une déclaration du gouvernement soviétique dirigé par Joseph Staline (1878-1953) leur annonçant l’invasion de l’URSS par l’Allemagne et le début de la guerre. Chez eux, ceux qui pouvaient écouter la radio entendaient tous les jours Iouri Lévitan (1914-1983) lire ses comptes rendus qu’il commençait par la formule : Говорит Москва! (Gavarit Maskva – Ici, Moscou). À Léningrad, le son des battements d’un métronome diffusé à la radio prévenait les prisonniers du blocus des attaques allemandes. Lorsque le rythme s’accélérait, ils savaient qu’ils devaient descendre dans un abri anti-aérien.
Aujourd’hui, la radio filaire reste utile. À l’heure où le téléphone, l’internet et la télévision passent par un seul câble, il suffit d’une panne d’électricité prolongée ou du sectionnement par accident d’un câble entre la source et l’abonné pour que celui soit coupé du monde.
Émissions radiophoniques
Quand on demande à une personne qui a passé son enfance en Union soviétique quels sont ses souvenirs de radio, elle répond non sans nostalgie l’émission Le Réveil des Pionniers (Пионерская Зорька – Pianierskaïa Zorka). Elle est probablement celle qui connut l’histoire la plus longue de l’histoire de la radio soviétique. Elle fut diffusée pour la première fois le 19 avril 1925 et portait alors le titre de Le Pionnier de la Radio (Радиопионер – Radiopianière). En 1955, ce journal radiophonique pour enfants désormais intitulé Le Réveil des Pionniers devint quotidien et trouva sa place dans la grille des programmes matinaux. Cette émission ne survécut que quelques jours à la dissolution de l’Union soviétique : elle disparut le 30 décembre 1991. Entre 1970 et 1988, tous les premiers dimanches du mois, l’émission Nounou Radiophonique (Радионяня – Radioniania) aidait avec humour les enfants à mémoriser les règles des matières qu’ils apprenaient à l’école.
À partir de 1935, le programme Gymnastique Matinale (Утренняя Гимнастика – Outrinnaïa Gimnastika) encourageait les Soviétiques à faire quelques mouvements pendant un quart d’heure. Dans la série policière On ne Change pas le Lieu d’un Rendez-Vous (Место встречи изменить нельзя), le jeune enquêteur Charapov fait son lit, comme on le lui a appris à l’armée, pendant l’émission de gymnastique matinale.
Les programmes proposés à la radio soviétique n’étaient pas différents de ceux que les auditeurs occidentaux pouvaient écouter dans leur pays : nouvelles qui commençaient par l’annonce Attention, ici Moscou ! (Внимание, говорит Москва! – Vnimanié, gavarit Maskva) ; bulletins météo ; musique, dont des retransmissions de concerts ; lectures de pièces de théâtre ; retransmission d’événements sportifs. Toujours dans la série On ne Change pas le Lieu d’un Rendez-Vous, c’est précisément l’établissement de l’heure à laquelle avait été diffusé à la radio un match de football Zénith - Spartak qui innocente le principal suspect d’un crime.
Il est toujours possible d’acheter des récepteurs de radio filaires, neufs ou d’occasion. Preuve de que ce moyen d’information a encore quelques beaux jours devant lui.
Dans cette autre publication, nous évoquons la corne à boire, souvenir de la convivialité caucasienne
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