
Objet du mois: les korotchki, sans lesquels un citoyen soviétique n’était rien

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Le seul citoyen soviétique qui pouvait ne pas avoir de korotchki (корочки, diminutif du substantif корка / korka / écorce, croûte) était le chat Matroskine du dessin animé Les Vacances à Prostokvachino. Lorsqu’on lui demandait ses papiers, il répondait : « Mes moustaches, mes pattes, ma queue, voilà mes papiers ! ».
En URSS, le commun des mortels n’avait pas la chance de ce matou impertinent. Plus il avait de papiers et documents, souvent protégés par une couverture cartonnée (d’où le nom de корочки), plus il avait (ou croyait) avoir une place dans la société soviétique.
En voici une liste non exhaustive.
Certificat de naissance / Свидетельство о рождении
Le premier document délivré à un citoyen soviétique (ou plutôt à ses parents !) était son certificat de naissance. Dans le langage commun, on l’appelait метрика / métrika. Il s’agissait d’un document de petite taille. À partir des années 1940, lorsqu’il était plié, il faisait environ 9 cm x 13,5 cm.

Sur la moitié gauche de la feuille étaient notées les informations concernant l’enfant. Au verso étaient imprimés le blason de l’URSS et le nom du document. Sur la moitié droite étaient inscrites les informations concernant le père et la mère.
Un tampon rectangulaire y était apposé lorsque la personne recevait son premier passeport intérieur. Y était noté à la main sa série, son numéro et sa date de délivrance.
Ce document fut longtemps une simple feuille de couleur vert clair. À partir du début des années 1960, cette feuille était imprimée sur un support légèrement cartonné vert foncé ou, plus rarement, mauve ou rouge.
Passeport intérieur / Общегражданский паспорт

Les citoyens soviétiques recevaient leur premier passeport à l’âge de 16 ans et devaient le faire refaire à 25 puis 45 ans. Avant de devenir rouge en 1976, le passeport intérieur avait été gris (entre 1932 et 1954), puis vert (entre 1954 et 1975).
Se faire faire un passeport était une épreuve : il fallait en effet trouver un photographe qui saurait faire un cliché avantageux de son sujet, d’autant plus que sa photo occuperait toute une page. Le perdre ou se le faire voler était plus pénible encore : on devait aller déclarer l’incident à la milice. Dans le meilleur des cas, on était gratifié de conseils, qu’on connaissait déjà, pour éviter qu’il ne se reproduise. Dans le pire des cas, on avait droit à une leçon de morale.

Outre les informations concernant l’identité du détenteur du document : nom, prénom, patronyme, date et lieu de naissance, appartenance ethnique, l’autorité émettrice inscrivait dans le passeport son adresse d’enregistrement (прописка / propiska). Un tampon indiquait si le citoyen était marié. Jusqu’à aujourd’hui, on dit d’une jeune femme qui cherche un mari qu’elle rêve d’un tampon dans son passeport (мечтать о штампе в паспорте / mitchtat' a chtampé f pasportié). Comme on le voit dans le film Bonjour et adieu, ce tampon pouvait jouer de mauvais tours aux maris infidèles.
Passeport extérieur / Общегражданский заграничный паспорт (загранпаспорт)

À l’époque soviétique, à quelques exceptions près, le citoyen lambda ne pouvait se rendre à l’étranger, généralement dans des pays du bloc socialiste, que dans le cadre de voyages organisés en groupe. Juste avant de partir, il recevait un passeport de couleur rouge. Celui-ci lui devait être rendu à son retour.
Il existait deux autres types de papiers qui permettaient de sortir d’Union soviétique : les passeports diplomatiques et les passeports de service.
Certificat de fin d’études scolaires / Аттестат о среднем образовании (зрелости)

À partir de 1934, le système scolaire soviétique compta 10 classes. Après une expérience jugée infructueuse dans les années 1960, une 11e classe lui fut ajoutée à la rentrée 1986.
À la fin de la dernière classe, les écoliers recevaient un document appelé selon les époques certificat de fin d’études ou attestation de maturité (nom qu’il portait sous l’ancien régime) sur lequel figuraient les notes moyennes obtenues dans chaque matière enseignée. Dans les années 1960, la feuille volante de couleur vert clair fut remplacée par un carnet gris foncé. Sans ce document, il n’était pas possible de déposer de dossiers pour passer les examens d’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur.
Les enfants qui arrêtaient provisoirement ou définitivement leurs études en 8e (année jusqu’à laquelle la scolarité était obligatoire depuis 1958-1963) recevait un certificat correspondant (аттестат о восьмилетнем образовании).
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Livret militaire / Военный билет
L’année où ils recevaient leur premier passeport, les garçons devaient se faire enregistrer auprès des autorités militaires. Au moment où ils étaient appelés sous les drapeaux, on leur remettait un petit carnet de couleur rouge : leur livret militaire. Il était rempli par les autorités militaires sous les ordres desquelles les jeunes hommes âgés de 18 ans au moins faisaient leur service militaire. Entre 1918 et 1991, sa durée varia de 2 à 5 ans suivant les époques et les armes. Il était aussi un des documents que les jeunes hommes de 18 ans et plus devaient fournir au moment de leur embauche, qu’ils aient déjà rempli ou non leurs obligations militaire.
Carte d’étudiant / Студенческий билет

Une fois les examens d’entrée à l’université ou l’institut de son choix (ou pas toujours !) réussis, on devenait étudiant et on recevait sa carte d’étudiant. Il s’agissait d’un petit document rectangulaire que l’on pouvait facilement glisser dans sa poche. Sur la moitié gauche était collée la photo du détenteur.
La carte d’étudiant donnait droit à des avantages : réduction dans les transports en commun, ferroviaires et aériens ; réduction sur les places de théâtre, de cinéma ; réduction sur les entrées dans les musées ; réduction sur les séjours dans les colonies de vacances.
Carte de lecteur à la bibliothèque / Читательский билет

On ne peut être un bon étudiant sans fréquenter les bibliothèques. La carte de lecteur soviétique était similaire à la carte d’étudiant.
Diplôme d’études supérieures, dont diplôme rouge / Диплом высшего образования, красный диплом

Avant d’obtenir son diplôme d’études supérieures, il faut réussir les examens des sessions qui marquent la fin de chacun des deux semestres. Les résultats étaient consignés dans un carnet qui portait le nom de зачётная книжка (зачётка) / zatchiotnaïa knijka. S’ils les avaient en main durant les oraux des sessions pour les présenter à leurs enseignants à la fin de chaque examen, les étudiants ne les recevaient pas à la fin de leurs études.
Lorsque les étudiants avaient passé la dernière session du premier cycle de 5 ans, on leur délivrait leur diplôme de couleur bleu foncé. Les notes qu’ils avaient obtenues dans chaque matière figuraient sur une feuille volante annexée au diplôme.
Les étudiants qui, tout au cours de cinq années de leur cursus, n’avaient obtenu aucune note inférieure à 4 (sur 5), obtenu au minimum 75 % de 5, obtenu des 5 à toutes les matières des examens d’état (histoire du PCUS, économie politique, philosophie marxiste-léniniste, communisme scientifique, instruction militaire) et soutenu leur mémoire de fin d’études avec la mention très bien, avaient l’honneur de recevoir un diplôme de couleur rouge qui ferait longtemps leur fierté et celle de leur famille.
Certificat de mariage / Свидетельство о браке

À l’époque soviétique, on se mariait jeune et souvent pendant ses études. Les jeunes mariés repartaient du bureau de l’état civil (ЗАГС) avec leurs passeports tamponnés et leur certificat de mariage.
Livret de travail / Трудовая книжка

Le livret de travail était le seul document que les Soviétiques ne pouvaient garder chez ou par-devers eux.
Le premier employeur d’une personne lui fournissait ce livret gris de petite taille et le conservait jusqu’à sa démission, son renvoi ou sa retraite. Chaque employeur y notait la date d’embauche, la fonction, les changements de fonction, les promotions, les récompenses (qui donnaient droit à des primes ou des augmentations de salaire), la date et le numéro du document qui sanctionnait l’embauche et les changements de statuts (приказ / prikaz), la date et la raison de la fin de contrat.
Attestation professionnelle / Удостоверение

Les employeurs délivraient des attestations professionnelles. Elles ressemblaient aux cartes d’étudiant et de bibliothèque. Elles servaient également de laissez-passer sur le lieu de travail, s’il était gardé (режимный объект / rijimny abièkte).
Attestation d’appartenance au syndicat / Профсоюзный билет

Dans ce petit carnet étaient notés le montant des salaires et les sommes prélevées au profit du syndicat.
Carte de membre du Parti Communiste / Партийный билет (Партбилет)

On pouvait obtenir son billet de membre du PCUS à partir de 18 ans, après avoir été октябрёнок, puis пионер, puis комсомол (enfant d’Octobre – pionnier – komsomol) et été jugé digne d’appartenir au PC. Être membre du PC offrait beaucoup d’avantages : cela ouvrait beaucoup de portes, dont celles d’établissements médicaux réservés, permettait de faire une belle carrière professionnelle et, donc, de toucher de bons salaires.
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Ce petit carnet rouge était tout aussi important, voire plus que le passeport intérieur. Le perdre était la hantise des membres du PCUS. Un tel incident aurait prouvé le peu de cas que son détenteur faisait de l’honneur qui lui avait été fait d’être choisi pour renforcer les rang des communistes.
Permis de conduire / Водительские права (водительское удостоверение)

Pour tout savoir sur le permis de conduire soviétique, il faut regarder le film L’Inspecteur de la police de la route. On y voit notamment comment les inspecteurs poinçonnaient les permis lorsque les conducteurs avaient commis des infractions graves du code de la route. Lorsque son permis avait été perforé trois fois, son détenteur en perdait l’usage pour six mois.
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