Comment des soldats de Napoléon sont devenus de redoutables cosaques russes
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« Énormes, roulant des yeux féroces sous des bonnets poilus, brandissant des lances rouges de sang et portant au cou des colliers d’oreilles humaines, mêlées de chaînes de montres... » : c’est ainsi qu’en France l’on imaginait les cosaques, qui en 1814 sont entrés sur le territoire de ce pays avec une partie de l’armée russe.
Les régiments cosaques irréguliers qui ont combattu avec tant de succès contre la Grande armée de Napoléon lors de son invasion de la Russie et des batailles qui ont suivi en Europe étaient de véritables bêtes de foire exotiques aux yeux des Français. Ces féroces « ours du Nord », qui suscitaient tant d’horreur aux yeux des habitants, constituaient une incarnation de la « barbarie russe ».
Il est donc d’autant plus surprenant qu’un certain nombre de soldats français et d’officiers de Napoléon aient rejoint volontairement, et même avec un grand désir, les cosaques russes. Comment est-ce arrivé ?
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Longue route
Plus de 400 000 soldats de la Grande armée ont envahi le territoire de l’Empire russe à l’été 1812. Par la suite, des renforts de 200 000 hommes sont arrivés d’Europe.
Sur cette énorme masse humaine, seuls 80 000 soldats ont quitté avec leur Empereur ce pays si inhospitalier à la fin de l’année 1812, tandis que de 300 à 400 000 hommes sont morts au combat, de faim et de maladie, ou ont déserté. Environ 200 000, dont « 48 généraux et 4 000 officiers », ont été capturés par les Russes.
Il était pratiquement impossible d’entretenir autant de prisonniers dans la partie occidentale de l’Empire russe, dévastée par la guerre, et « pour ne pas créer de fardeau pour la population et les empêcher de fuir », les Français ont commencé à être escortés vers l’est, au plus profond du vaste pays.
Bien que les autorités se soient efforcées de fournir aux Français une nourriture suffisante et des vêtements de saison, ils sont en général arrivés sur leur lieu d’emprisonnement en plein hiver vêtus d’uniformes d’été. Les prisonniers mouraient d’engelures et d’épidémies de « maladies malignes et contagieuses », à cause desquelles les habitants des villes et villages traversés refusaient de les laisser pénétrer chez eux.
Beaucoup, cependant, ont survécu à ce chemin de croix. Ainsi, près de 170 officiers et plus de 1 700 soldats de grades inférieurs de ce qui avait été la Grande armée napoléonienne ont atteint la province d’Orenbourg (à la frontière avec le Kazakhstan moderne), où des cosaques français sont finalement apparus.
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Nouvelle maison
Dans une contrée aussi reculée, il était inutile de maintenir les prisonniers sous surveillance constante. Ils n’avaient de toute façon nulle part où aller : la distance entre Orenbourg et la frontière occidentale de l’Empire russe dépassait 2 000 km.
Les officiers recevaient un solde de l’État et louaient leur propre logement. De plus, des nobles locaux, fascinés par la lointaine France, leur offraient volontiers le gîte. Les soldats du rang, qui touchaient beaucoup moins d’argent, étaient logés dans des maisons paysannes, où ils devaient compenser l’hospitalité des maîtres des lieux en réalisant un dur labeur physique.
La population, qui n’avait pas subi les conséquences de l’invasion française, traitait ces hôtes temporaires avec une certaine retenue. La principale condition de ce bon voisinage était le respect des us et coutumes locaux.
Les Allemands ayant servi dans la Grande armée ont été les premiers à être libérés dans leur patrie, dès 1813, et le 14 décembre 1814, un manifeste décrétant que « tous les prisonniers français ont été libérés » a été édicté.
En fin de compte, beaucoup ont décidé de ne pas quitter la Russie. Alors que dans une Europe ravagée par la guerre, leurs perspectives d’avenir étaient plus que floues, ici, ils étaient considérés comme des représentants d’une culture raffinée ; on leur offrait volontiers des postes de tuteur afin d’élever les enfants nobles, de bons salaires et un toit. Au total, environ 60 000 prisonniers français qui se trouvaient dans l’Empire ont exprimé le désir d’adopter la citoyenneté russe.
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Cosaques français
Dans la province d’Orenbourg, une cinquantaine d’hommes ont souhaité rester dans ce qui était devenu leur deuxième patrie. Ils ont appris la langue russe, se sont convertis à l’orthodoxie, et ceux qui ne souhaitaient pas changer de religion ont malgré tout commencé à se signer devant les icônes ou avant les repas.
Dans la ville de Birsk, un Français entreprenant a ouvert un « Café de Paris ». D’autres ont créé des entreprises de fabrication et de vente de chapeaux de paille pour les fashionistas locales, ou de beaux dés à jouer (un article très recherché).
Certains ont décidé de faire un pas incroyable pour des Français, en intégrant les rangs de ceux que chaque personne « civilisée » craignait comme la peste – les « sauvages » cosaques. À la fin de l’année 1815, les cinq premiers volontaires ont été affectés dans l’armée cosaque d’Orenbourg.
L’auteur du monumental Dictionnaire raisonné du russe vivant, Vladimir Dahl, a rappelé comment, alors qu’il se trouvait dans l’Oural en 1833, il avait rencontré un cosaque français : « Nos cosaques l’ont fait prisonnier en 1812, l’ont amené ici, dans l’Oural ; il s’est assimilé, s’est marié et a rejoint les cosaques – et voilà le cosaque français Charles Bertu ! ».
Le nombre exact de Français ayant exprimé le désir de rejoindre les cosaques est inconnu. L'on a établi qu’à la fin du XIXe siècle, il y avait 48 descendants de soldats capturés de la Grande armée dans les rangs de l’armée d’Orenbourg.
Certains enfants des Français qui avaient rejoint les cosaques ont réalisé une brillante carrière. Ainsi, Viktor, fils de Désiré d’Andeville, qui avait combattu avec Napoléon, a atteint le grade de général et s’est distingué lors de la guerre russo-turque de 1877-1878 et des campagnes militaires destinées à annexer l’Asie centrale à l’Empire russe.
Au fil du temps, les cosaques français ont peu à peu perdu leur identité française. Refusant de se démarquer de leurs compagnons d’armes, ils ont activement russisé leurs noms de famille. Ainsi, par exemple, les petits-enfants de l’officier Jean Gendre s’appelaient Gendrov. Au début du XXe siècle, les cosaques « napoléoniens » avaient tous été assimilés.
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