Qui étaient les «prêtres rouges» à l’époque soviétique? 

Qui étaient les «prêtres rouges» à l’époque soviétique? 
MAMM/MDF/russiainphoto.ru
Il est un fait indéniable que le clergé orthodoxe fut victime de la terreur bolchévique. S’ils n’allèrent pas jusqu’à pactiser avec le nouveau pouvoir, certains de ses représentants ne s’opposèrent pas ouvertement au régime soviétique.

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L’histoire de la lutte du pouvoir soviétique contre la religion et l’Église orthodoxe est aussi dramatique que complexe. Un premier prêtre fut tué dès 1917. Vinrent ensuite la confiscation du temporel de l’Église, le pillage des châsses, la destruction d’églises. Cette première vague de persécution du clergé dura jusqu’à la fin des années 1930. Elle fut aussi marquée par une propagande antireligieuse intense. À cette époque furent diffusées de nombreuses affiches dont les messages noircissaient les prêtres.

Qui étaient les «prêtres rouges» à l’époque soviétique?  Les soldats de l'Armée rouge emportent des icônes et des ustensiles d'église du monastère Simonov de Moscou
Collection de S. Burasovski/russiainphoto.ru

Nombre furent les membres du clergé qui s’opposèrent résolument au pouvoir bolchevique. Des poursuites judiciaires furent ouvertes contre eux. La plupart furent envoyés en camps de travail ou exécutés sans jugement. Dans un cas comme dans l’autre, leurs cadavres furent ensevelis dans des fosses communes. En 2000, l’Église orthodoxe russe canonisa plus d’un millier de prêtres persécutés et tués par les bolcheviks après la Révolution d’Octobre.

Des prêtres partisans du pouvoir soviétique

« Il n’existe pratiquement aucune étude consacrée à la collaboration de l’Église et du pouvoir soviétiquesouligne l’historien Nikolaï Zaïats. C’est pourquoi on peut avoir l’impression qu’aucun représentant du clergé n’avait accueilli favorablement la Révolution et que l’institution dans son ensemble, antibolchévique ou apolitique, était victime du pouvoir ».

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Or, certains membres du clergé orthodoxe se rangèrent du côté des bolcheviks. On les surnommerait plus tard les « prêtres rouges ». Les journaux soviétiques se faisaient l’écho des appels de prêtres de différentes régions à soutenir le Parti communiste et le pouvoir ouvrier. Il s’agissait souvent de simples prêtres mécontents des hiérarques. Des esclandres entre « prêtres rouges » et membres du clergé qui s’opposaient au nouveau pouvoir sont documentés.

Qui étaient les «prêtres rouges» à l’époque soviétique?  Dmitri Popov
Domaine public

Voici quelques exemples. Dmitri Popov, prêtre à Vologda, participa activement à la Révolution et bénit lui-même des armées révolutionnaires. Irénarque, archimandrite  d’un monastère dans le Turkestan (nom alors donné à l’Asie Centrale), renonça à l’état ecclésiastique et rejoignit le Parti communiste (les cas de prêtres défroqués furent peu nombreux).

Qui étaient les «prêtres rouges» à l’époque soviétique?  Mikhaïl Galkine
Domaine public

L’un des « prêtres rouges  » les plus connus reste Mikhaïl Galkine. Durant la Première Guerre mondiale, il était aumônier militaire. Il fut ensuite affecté à une paroisse de Saint-Pétersbourg. C’était un militant aux opinions progressistes. Il était même partisan de la séparation de l’Église et de l’État.

En 1918, le concile, réuni depuis le 15 (28) août 1917, condamna « le bolchevisme ecclésiastique » et le soutien que certains prêtres apportaient à la Révolution. Le nom de Mikhaïl Galkine était cité. Il défroqua, s’occupa de propagande antireligieuse, collabora au journal L’Athée puis enseigna le marxisme-léninisme.

Schisme

En 1922, le pouvoir soviétique assigna à résidence au monastère Donskoï le patriarche Tikhon. Il lui reprochait d’avoir condamné sa politique et la guerre civile. Les conditions étaient alors réunies pour que se produise le schisme « rénovationiste ».

Qui étaient les «prêtres rouges» à l’époque soviétique?  Bénédiction du bataillon féminin par le métropolite Tikhon avant son envoi au front
MAMM/MDF/russiainphoto.ru

Le NKVD (police secrète) entra en contact avec des prêtres loyaux au pouvoir soviétique et leur fit comprendre la nécessité de « rénover » l’institution de l’Église, de la réformer. Par exemple, certains d’entre eux étaient favorables à l’abandon du slavon d’Église comme langue liturgique au profit du russe moderne.

De nombreuses paroisses furent rattachées à l’Église « rénovationiste ». Dans ces églises qui ne furent pas fermées servaient des prêtres proches du pouvoir soviétique. Après que les mesures restreignant la liberté du patriarche Tikhon furent levées, beaucoup de ces prêtres revinrent au sein de l’Église « patriarcale », même si elle était considérée comme hors-la-loi.

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Survint ensuite un schisme à l’intérieur de l’Église « rénovationiste ». Il se dégagea plusieurs courants dont les tenants avaient des conceptions différentes concernant les réformes ecclésiastiques. Les ambitions personnelles ne furent pas étrangères à ces dissensions. Le pouvoir soviétique y mit rapidement fin en imposant la création d’un synode chargé de gouverner l’Église « rénovationiste ».

Disparition de «prêtres rouges»

Qui étaient les «prêtres rouges» à l’époque soviétique?  Alexandre Vvedenski
Domaine public

L’une des figures les plus marquantes du mouvement « rénovationiste » fut Alexandre Vvedenski, qui avait participé à l’arrestation du patriarche Tikhon. Plus tard, il devint membre du Synode puis fut nommé à sa tête.

Nombre de prêtres qui n’avaient pas rejoint l’Église « rénovationiste » et n’avaient pas été arrêtés passèrent dans la clandestinité. À la fin des années 1930, la Grande Terreur s’abattit sur les représentants des deux Églises, « patriarcale » et « rénovationiste ».

Durant la Grande Guerre patriotique, Joseph Staline (1878-1953) prit subitement la décision de réhabiliter l’Église « patriarcale ». En 1943, il rencontra plusieurs de ses hiérarques, autorisa la célébration des offices (notamment de Noël et de Pâques), promit de rouvrir les églises et monastères. Cette même année, un nouveau patriarche fut désigné : Sergui (Stragorodkski)  fut nommé à la tête du Patriarcat de Moscou.

« Ce ne sont absolument pas les réformes ecclésiastiques qui expliquent la création de l’Église rénovationiste, mais bien une volonté de conciliation avec le pouvoir soviétique, la recherche d’une nouvelle "symphonie" avec l’État, d’une accommodation avec lui. Les Rénovationistes choisirent la voie de l’étatisation de l’Église. Mais, rapidement, l’État athée n’eut plus besoin de leurs services et mit lui-même fin à ce courant durant la Grande Guerre patriotique », explique le père Ilia Soloviov, docteur en histoire et théologie.

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Les Rénovationistes rejoignirent alors massivement au Patriarcat de Moscou. Se sentant mis à l’écart, Alexandre Vvedenski tenta un temps de trouver un consensus entre les Églises « patriarcale » et « rénovationiste ». Il s’adressa même à Joseph Staline. En vain. Le mouvement « rénovationiste » s’éteignit à la mort d’Alexandre Vvedenski en 1946. 

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