Quand un portrait de Staline signé Picasso a tourné au scandale  

Quand un portrait de Staline signé Picasso a tourné au scandale  
Russia Beyond (Photo: Reporters Associes/Gamma Features via Getty Images; Archive photo)
Pablo Picasso fut non seulement un artiste de génie, mais aussi un membre du PCF, auquel il a adhéré en 1944. Et c’est justement vers lui que s’est tourné Louis Aragon pour peindre un portrait de Staline à paraître en Une des Lettres françaises en mars 1953, quelques jours après le décès du leader soviétique. La suite entrera dans l’histoire comme l’Affaire du portrait de Staline.  

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« Sans mettre en doute les sentiments du grand artiste Picasso dont chacun connaît l’attachement à la classe ouvrière, le Secrétariat du Parti communiste français regrette que le camarade Aragon, membre du Comité central et directeur des Lettres françaises, qui, par ailleurs, lutte courageusement pour le développement de l’art réaliste, ait permis cette publication », disait le communiqué paru le 18 mars dans les pages de l’Humanité.

Quand un portrait de Staline signé Picasso a tourné au scandale  
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L’indignation du PCF ne portait sur rien d’autre que le portrait de Joseph Staline paru en Une de l’hebdomadaire culturel en question le 12 mars 1953, soit une semaine après le décès du « petit père des peuples ». Réalisé au fusain et avec un maximum de réalisme, tout du moins si l’on considère le style habituellement abstrait de l’auteur, le dessin montrait Staline jeune. Picasso l’a doté de grands yeux rêveurs et d’un menton robuste...

Outre l’irritation du Parti, celle de la population partageant des convictions communistes ne s’est pas fait atteindre : dans leurs lettres publiées dans la presse, l’on pouvait lire qu’une telle interprétation de l’image de Staline n’avait rien en commun avec la réalité et qu’elle portait atteinte aux idéaux communistes.  

Au sein du Parti, la quête du bouc émissaire a débouché sur des tentatives des hauts dirigeants de se rejeter la responsabilité du feu vert à la publication du portrait et, d’après l’homme politique Pierre Juquin, l’affaire aurait même poussé Louis Aragon au bord du suicide. 

«Mon bouquet n’a pas plu»

« J’ai apporté des fleurs à l’enterrement. Mon bouquet n’a pas plu », réagira plus tard l’artiste.   

Quand un portrait de Staline signé Picasso a tourné au scandale  
ullstein bild/ullstein bild via Getty Images

Dans un monologue enregistré par Pierre Daix, Picasso a déclaré, irrité de toute évidence par les réactions qu’a suscitées son œuvre, que s’il avait représenté dans son dessin Staline avec ses rides, il aurait au contraire été accusé de l’avoir défiguré.

« J’ai pensé à un héros tout nu... Oui, mais et sa virilité ? Tu lui fais un zizi grec, on se fâche : "Ça, pour le père des peuples ? Allons donc ! Si petit !" Alors tu le traites avec les attributs du Minotaure : "Mais vous le voyez en obsédé, en satyre ! " », a-t-il alors lancé.

Quelques années plus tard, lorsque la déstalinisation battait son plein et que les informations sur les crimes commis par Staline sont arrivées jusqu’en France, Picasso aurait dit à Daix qu’il espérait qu’il ne se verrait pas accusé, cette fois-ci, d’avoir peint le dirigeant soviétique avec trop de bienveillance.

Bien que demeurant membre du PCF, il s'en détache fortement en 1956 en apprenant l’entrée des troupes soviétiques en Hongrie pour réprimer une révolte*. Cela a coïncidé avec l’inauguration de sa première exposition à Moscou.

* Une modification a été apportée à la version initiale de l'article.

Dans cette publication découvrez ce qui lie Picasso à la Russie en dix points.

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