GW2RU
GW2RU

Que montre Alexandre Litovtchenko sur son tableau Ivan le Terrible et l’ambassadeur Jerome Horsey?

Musée russe
Ce tableau peint durant la première moitié des années 1870 se lit comme un livre d’histoire. On y voit des personnages ayant réellement existé – un tsar russe et un diplomate anglais – et un véritable trésor que l’on peut admirer aujourd’hui encore.

Outre sur Telegram, Fenêtre sur la Russie diffuse désormais du contenu sur sa page VK! Vidéos, publications dédiées à l’apprentissage du russe et plus encore dans notre communauté

Le titre que choisit Alexandre Litovtchenko pour son tableau Ivan le Terrible montrant ses trésors à l’ambassadeur Horsey en résume parfaitement le sujet. Le peintre y a représenté le tsar assis dans le palais des Armures. De sa main gauche, il tient un coffret rempli de colliers et de boucles d’oreilles en perles. Un homme de cour en ouvre un autre à la hâte. L’homme au pourpoint blanc sur la droite écoute le tsar avec attention : c’est Jerome Horsey.

Musée russe

Sir Jerome Horsey passa près de vingt ans de sa vie en Russie en qualité de représentant de la Compagnie de Moscovie et diplomate. Il avait appris le russe et su gagner la confiance d’Ivan IV le Terrible. En 1580, le tsar lui confia des missives pour la reine Elisabeth Ière. Plus tard, il remplit d’autres missions à la demande des souverains des deux pays. La reine d’Angleterre lui fit convoyer treize vaisseaux chargés de poudre et de cuivre dont les Moscovites avaient besoin dans leur guerre contre la Livonie. Ce fut Jerome Horsey qui apporta en Angleterre la nouvelle de la mort d’Ivan IV et du couronnement de son fils Fiodor.

Musée russe

De toute évidence, Jerome Horsey avait su plaire à Ivan IV. Il affirmait avoir reçu en cadeau du tsar un exemplaire de la Bible dite d’Ostrog (une traduction intégrale en slavon imprimée en 1580 puis 1581). L’Anglais quitta définitivement la Russie en 1591 : on l’avait accusé d’avoir commis un grand nombre d’abus et de préjudices à l’égard de la Compagnie de Moscovie. Par ailleurs, on l’avait suspecté d’espionnage. Jerome Horsey était toujours passé entre les gouttes jusqu’à ce que le tsar Fiodor Ivanovitch ne demande sans ambages à la reine Elisabeth Ière de ne plus envoyer de pareils voleurs à la cour de Moscovie.

Musée russe

Trésors de la couronne

Sir Jerome Horsey écrivit trois livres sur sa vie en Russie dont Alexandre Litovtchenko s’inspira. Dans The travels of Sir Jerome Horsey (Les voyages de Sir Jerome Horsey), il raconte comment on portait tous les jours le tsar Ivan IV, qui avait du mal à marcher en raison d’une maladie, dans la salle de son trésor. Il racontait à ses hommes de cour ce qui y était conservé. Un jour, il exigea même qu’on lui apporte un sceptre fait d’une corne de licorne incrusté de diamants, de rubis, de saphirs, d’émeraudes et d’autres pierres précieuses qu’il appelait les amis de la beauté et de la vertu et les ennemis du vice. Jerome Horsey prêtait au tsar d’avoir dit : « Tous ces merveilleux dons de Dieu, ces secrets de la nature, nous sont révélés pour notre bien et pour que nous les contemplions ».

Musée russe

Parmi les trésors qu’Alexandre Litovtchenko a représentés, on distingue : le casque d’Alexandre Nevski, la bonnet de Monomaque, celui de Kazan, des coupons de brocart de soie, des coupes faites de coquilles de nautile et en forme de coq, une selle tcherkesse, des étuis tendus de velours, des fourreaux, des harnachements, des étriers de fabrication ottomane.

Saut dans le temps

Alexandre Litovtchenko
Galerie Tretiakov

Alexandre Litovtchenko travailla quatre années à la réalisation de cette toile dont il escomptait qu’elle lui assurerait le titre de professeur de l’Académie impériale des beaux-arts. Sa déception fut à la hauteur de ses ambitions : son tableau fut moyennement apprécié. Les Académiciens y virent une discordance entre les réalités historiques et archéologiques. Ils refusèrent de s’expliquer plus avant, ce que le peintre attendait d’eux. Alexandre Litovtchenko fut marqué à vie par cet affront.

On aurait peine à dire aujourd’hui ce qui déplut aux Académiciens sur cette toile conservée au Musée russe de Saint-Pétersbourg. Mais, on savait déjà en 1875 que Jerome Horsey n’avait certainement vu aucun des trésors représentés sur ce tableau, à l’exception, peut-être, des bonnets.

Dans cette autre publication, découvrez quinze peintures incontournables d’Henryk Siemiradzki.