Tomsk, le trésor culturel de la Sibérie centrale
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Au début du XXe siècle, le chimiste et photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a mis au point un procédé complexe permettant d’obtenir une photographie détaillée aux couleurs vives. Sa vision de la photographie en tant que forme d’éducation et d’illumination s’est illustrée avec une clarté particulière à travers ses photographies de monuments architecturaux de sites historiques situés au cœur de la Russie.
En juin 1912, Prokoudine-Gorski s’est aventuré dans la Sibérie de l’Ouest dans le cadre d’une commission pour documenter la voie navigable Kama-Tobolsk, un lien entre la partie européenne et asiatique des montagnes de l’Oural. La ville de Tioumen lui a servi de point de départ pour des voyages productifs, comme à Chadrinsk (population actuelle de 68 000 habitants), fondée en 1662 sur la rivière Isset. Au moment de la visite de Prokoudine-Gorski, la ville abritait déjà plusieurs entreprises, notamment une usine de céramique, et une population de 15 000 habitants.
Les photographies de Chadrinsk de Prokoudine-Gorski incluent une rapide construction de bâtiments en rondins pour un complexe de gares ferroviaires – partie d’une ligne secondaire construite en 1911-1913. Les bâtiments partiellement achevés montrent l’utilisation efficace d’un design standardisé, avec des piles de rondins mesurés en arrière-plan. De hauts pins filiformes complètent l’image.
Dans un contexte plus large, ces photographies reflètent l’expansion du système ferroviaire russe depuis Ekaterinbourg jusqu’en Extrême-Orient russe. Bien que Prokoudine-Gorski n’a pas atteint Tomsk (en Sibérie centrale), je l’ai visitée à la fin de l’été 1999, et vu l’usage intensif de structures en rondins dans un environnement urbain.
Les débuts de Tomsk
Les preuves archéologiques suggèrent que la région de Tomsk, qui fait partie du vaste bassin du fleuve Ob en Sibérie centrale, est habitée depuis au moins quatre millénaires.
Au moment de l’arrivée de détachements de cosaques russes en 1598, les habitants autochtones étaient constitués de Khantys et de Tatars sibériens, qui, en 1603, sont passés sous l’autorité du tsar Boris Godounov. En 1604, une forteresse a été fondée sur les berges de la rivière Tom (un affluent de l’Ob) et, tout au long du XVIIème siècle, la commune de Tomsk a servi de rempart contre les tribus kalmoukes et kirghizes des steppes.
Avec l’expansion du contrôle russe au sud au XVIIIème siècle, l’intérêt militaire de Tomsk a été déporté sur le commerce et le transport, centré autour des caravanes de thé depuis la Chine.
L’expansion de la route de Moscou par la Sibérie au milieu du XVIIIème siècle a fourni un stimulus supplémentaire pour la croissance, qui s’est reflétée dans la construction de grandes églises en briques, comme la cathédrale de l’Épiphanie (complétée pour la première fois en 1784) et l’église de la Résurrection (1789), un chef-d’œuvre de l’architecture baroque sibérienne.
Pendant les années 1830, le développement de mines d’or dans le territoire a grandement accru l’importance de la ville en tant que centre d’opérations et d’administration minières. La région de Tomsk a continué à servir de lieu d’exil politique comme elle l’avait été aux XVIIème et XVIIIème siècles.
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Des opportunités «détournées»
Pendant la construction du chemin de fer Transsibérien à la fin du XIXème siècle, Tomsk a raté une seconde opportunité en or lorsque le ministère du Transport a décidé de faire passer la voie ferrée traversant le fleuve Ob plus au sud. Il existe des explications contradictoires à cette décision, qui a froissé Tomsk, mais a créé la ville de Novonikolaïevsk, qui est ultérieurement devenue la grande métropole sibérienne de Novossibirsk.
Tomsk s’est contentée d’une ligne d’embranchement construite en 1896 à travers une petite jonction de la taïga (à 80km su sud de la ville), et cela a permis à Tomsk de rester le centre du commerce et du développement de l’agriculture en Sibérie centrale.
L'échelle impressionnante de son architecture commerciale et résidentielle illustre la diversité de la culture sibérienne à l’aube du XXème siècle. L’entreprise Vtorov a construit l’un des plus grands magasins de la Sibérie, qui honore toujours le quartier centre de Tomsk. La cité est aussi devenue l’un des centres éducatifs les plus prééminents de la Sibérie : c’est ici que se trouve la première université sibérienne, fondée en 1878. Parmi les institutions d’éducation supérieure russes, l’Université d’État de Tomsk se distingue non seulement par sa brillance académique, mais aussi par son campus spacieux et attrayant.
Il est nécessaire de souligner que Tomsk a accepté des croyances religieuses en plus de l’orthodoxie russe. En 1910, la ville abritait l’église catholique de la Bienheureuse Vierge Marie, Reine du Rosaire (aujourd’hui restaurée), deux mosquées (qui ont aussi été restaurées), une église luthérienne (reconstruite), une église orthodoxe des vieux-croyants et une grande synagogue, parmi les plus belles de la Russie. Le dôme au-dessus de son entrée a aujourd’hui été restauré.
Héritage architectural
En 1911, la partie nord de la ville a acquis la cathédrale néo-byzantine des Saints Pierre et Paul, seul lieu de culte de la ville à être resté ouvert pendant la majorité de l’époque soviétique. Certaines des églises ont été construites en bois, comme l’église orthodoxe des vieux-croyants de la Dormition, achevée en 1913 et entretenue soigneusement aujourd’hui par la paroisse. J’ai été particulièrement honoré que l’on me demande de photographier le métropolite Alimpy (Goussev ; 1929-2003), qui était en visite à Tomsk au même moment.
La partie la plus distinctive de l’héritage architectural de la ville est exposée dans ses quartiers de maisons en bois décorées minutieusement, des structures de rondins solides, souvent couvertes de parement en planches.
Il n’est pas exagéré de dire que la « dentelle » des ornements de l’architecture en bois de Tomsk – surtout les chambranles de fenêtres, ou les « nalitchnikis » – est inégalée en Russie du fait de son somptueux détail et de l’étendue de sa conservation. Beaucoup de ces maisons en bois extraordinaires ont été construites pour des marchands qui vivaient dans le quartier tatar.
Ce dernier comporte aussi la mosquée Blanche rénovée et un centre culturel, situé dans un domaine construit au début du XXème siècle par Karim Khamitov, un magnat financier tatar. Les autres groupes ethniques comprennent les Allemands russes, composés de colons qui ont déménagé dans la région au début du XIXème siècle. L’un d’entre eux était Viktor Kress, le Gouverneur de la région de Tomsk de 1991 à 2012.
Déclin et renouveau
Les nombreuses tendances positives dans le développement de la région au début du XXème siècle ont été broyées par les violents combats de la Guerre civile entre 1918 et 1921. Après ce conflit, Tomsk est entrée dans un déclin, qui a été inversé par l’évacuation d’installations industrielles et de recherche vers la ville pendant la Seconde Guerre mondiale.
Cet élan, renforcé par les puissants établissements d’enseignement supérieur de Tomsk, a continué après la guerre avec le développement d’installations de recherche nucléaire à des fins militaires et énergétiques.
Avec plus d’un demi-million d’habitants et une population régionale de près d’un million, Tomsk reste un centre majeur d’administration, d’éducation, d’industrie et de ressources énergétiques de la Sibérie.
La protection de l’environnement y est aussi un enjeu crucial, particulièrement dans cette région à la beauté naturelle époustouflante.
En réalité, le dévouement à l’environnement historique de la ville – y compris les lieux de culte – a permis la préservation de son héritage architectural, qui représente un trésor national pour la Russie.
En effet, une balade à travers les quartiers historiques de Tomsk rappelle à quel point la culture russe appartient à la forêt.
Au début du XXe siècle, le chimiste et photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a élaboré un procédé complexe permettant d’obtenir une photographie très détaillée aux couleurs vives. Entre 1903 et 1916, il a parcouru l’Empire russe et réalisé plus de 2 000 photographies via ce processus, qui impliquait une triple exposition sur plaque de verre. En août 1918, il a quitté la Russie et fini par s’installer en France, où il a retrouvé une grande partie de sa collection de négatifs sur verre, ainsi que 13 albums de tirages contact. Après sa mort à Paris en 1944, ses héritiers ont vendu la collection à la Bibliothèque du Congrès des États-Unis. Au début du XXIe siècle, cette dernière a numérisé la collection de Prokoudine-Gorski et l’a mise gratuitement à la disposition du public mondial. Plusieurs sites web russes en présentent désormais des versions. En 1986, l’historien de l’architecture et photographe William Brumfield a organisé la première exposition de photographies de Prokoudine-Gorski à la Bibliothèque du Congrès. Au cours d’une période de travail en Russie, à partir de 1970, il a photographié la plupart des sites visités par Prokoudine-Gorski. Cette série d’articles juxtapose les clichés des monuments architecturaux réalisés par Prokoudine-Gorski avec des photographies prises par Brumfield des décennies plus tard.
Dans cet autre article, William Brumfield vous emmène à la découverte de Tioumen, un avant-poste sibérien devenu grand centre énergétique.
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