Kolomna, cette ancienne citadelle russe devenue centre culturel
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Au début du XXe siècle, le chimiste et photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a mis au point un procédé complexe de photographie permettant d’obtenir des clichés détaillés aux couleurs vives. Sa vision de la photographie, qu’il considérait comme une forme d’éducation et d’illumination, s’est illustrée avec une clarté particulière à travers ses photographies de monuments architecturaux des sites historiques du cœur de la Russie.
Parmi les endroits visités par Prokoudine-Gorski en 1912, figure le monastère de l’Épiphanie Goloutvine (connu comme le Vieux monastère Goloutvine depuis 1800), situé près de Kolomna, à environ 115 km au sud de Moscou. Et si cette ville peut être à juste titre qualifiée de l’une des plus attirantes de la province russe, rien ne prouve que Prokoudine-Gorski l’a photographiée en elle-même. Seuls les clichés de l’aile nord du Vieux monastère Goloutvine auraient alors été pris.
La riche histoire de Kolomna
Située pittoresquement au croisement des rivières Kolomenka et Moskova, Kolomna (avec sa population d’environ 135 000 personnes) est riche en histoire et possède une identité à part. Ses monastères, qui entourent le centre-ville, ont été restaurés. Même les maisons marchandes du début du XIXe siècle ont préservé leur charme néoclassique.
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La première mention de Kolomna dans les chroniques médiévales remonte à une querelle en 1177 entre Vsevolod le Grand Nid, grand prince de Vladimir, et son rival – le prince Gleb de Riazan. Ce genre de conflits locaux était fréquent parmi les princes du XIIe et du début du XIIIe siècle, qui ont été suivis par l’invasion mongole de 1237-41, beaucoup plus dévastatrice. Kolomna a été envahie en janvier 1238, malgré son ardente résistance – Kulkhan, le plus jeune fils de Gengis Khan, a été tué durant la bataille pour la ville.
Depuis le début du XIVe siècle, les princes de la Moscovie estimaient que Kolomna était une citadelle stratégique de la frontière sud. Située non loin de l’endroit où la Moskova se jette dans la rivière Oka (le principal affluent ouest de la Volga), Kolomna était traversée par des routes marchandes venant de toute la Russie centrale. Ce mouvement de biens et de vivres à travers la ville a créé la base d’une culture marchande durable.
Gorodichtché
Malgré sa prospérité croissante, Kolomna a subi de sérieuses épreuves pendant le XIVe siècle, y compris une épidémie de la peste en 1363 et le pillage par l’armée du khan tatar Tokhtamych, en août 1382. Pourtant, pendant cette période, Kolomna a démontré sa résilience en construisant cette église – complètement reconstruite au XVIIe siècle – à laquelle le grand prince de Moscovie Dimitri Donskoï a prié en préparation de l’éventuelle grande victoire contre le khan tatar Mamaï au champ de Koulikovo en septembre 1380.
La première église en pierre de cette époque, dédiée à Jean le Baptiste à Gorodichtché, est située aux abords de Kolomna et a été datée de la fin du XIVe siècle. Le nom de cette structure remarquable vient d’un ancien fort de terre (appelé gorodichtché) sur la rive gauche de la rivière Kolomenka, mais, à la fin de la construction de l’église, le village de Gorodichtché appartenait à un évêque du coin.
Même si, en grande partie reconstruite, les murs inférieurs de l’église – en calcaire – révèlent les premières étapes de l’architecture maçonnique après la catastrophique invasion mongole. À part ces murs inférieurs intacts, qui incluent un bloc avec une sculpture de licorne, les fondations de l’église de Jean-le-Baptiste datent du début du XVIe siècle. Le clocher présent aujourd’hui a été érigé en 1780, comme, apparemment, l’a été le grand réfectoire. Au début du présent siècle, les murs gris-pâles à la texture grossière ont été couverts de peinture blanche. Heureusement, j’ai pu prendre en photo la structure en automne 1992, lorsque la pittoresque texture des murs était restée intouchée.
Le Moyen Âge solidifiant
Pendant le XVIe siècle, Kolomna a bénéficié des largesses du grand prince de la Moscovie, Vassili III (1479-1533), qui a remplacé sa forteresse en bois par de massives briques, ce qui indiquait l’importance de la citadelle au flanc sud. Construits entre 1525 et 1531, ces murs font deux kilomètres de longueur et sont comparables à ceux du Kremlin de Moscou.
Seulement sept tours, des seize originelles, sont restées, y compris une tour portail. La dernière épreuve militaire subie par Kolomna a eu lieu au début du XVIIe siècle, lorsque la ville a été assaillie par différentes factions pendant la période du chaos dynastique, plus connu comme le Temps des troubles.
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Au sein des murs de Kolomna se dresse le monastère de la Dormition de Broussenski, converti en un couvent après la dévastation du Temps des troubles. Sa particulière église de la Dormition-de-la-Vierge du milieu du XVIe siècle a été érigée dans les années 1550 pour commémorer la conquête de Kazan par Ivan le Terrible (comme l’a été la cathédrale Saint-Basile-le-Bienheureux de Moscou). À côté de l’église de la Dormition, se tient la cathédrale de l’Élévation-de-la-Croix, construite il y a exactement trois siècles (1852-55) dans un style russo-byzantin.
À quelques pas au-delà, le long d’une jolie rue piétonne, se trouve la principale cathédrale de Kolomna, dédiée à la Dormition. Reconstruite entre 1672 et 1682, sa structure suit le design traditionnel de grandes églises russes, avec six colonnes qui supportent les espaces intérieurs et les coupoles au-dessus. L’intérieur a été bien préservé, avec des iconostases baroques tardives des années 1770 et une impressionnante panoplie de peintures murales dans un style académique tardif faites en huile dans les années 1880 à base d’anciennes peintures de 1804.
Près de la cathédrale, se trouve un énorme clocher construit en 1692. En face de la cathédrale de la Dormition se tiennent les murs et le clocher du couvent Novo-Goloutvine, avec son église de la Trinité brillamment peinte (1705).
Rivalité monumentale
Kolomna a aussi de nombreuses églises paroissiales. La plus pittoresque d’entre elles est l’église de la Résurrection « na Possadé », autrement connue sous le nom de l’église de Saint-Nicolas-Possadski, construite en 1716, puis modifiée considérablement dans les années 1790, avant d’être restaurée en sa forme originelle dans les années 1970. Cette structure distinctive, avec ses façades décoratives, représente un écho de l’architecture des églises ornementées de Moscou au XVIIe siècle. À proximité, se trouve le musée de la pastila, une friandise en pomme pour laquelle Kolomna est largement connue.
Avec son réseau de monuments classiques, Kolomna rivalise avec Torjok. Le plus visible de ces réseaux est l’église de Saint-Jean-le-Divin, située sur la place principale de la ville et construite en 1733-58. Elle a bénéficié de ses imposantes façades néoclassiques en 1829-35. Son clocher vertigineux (1826-46) est devenu le centre d’une galerie marchande qui a enveloppé la structure de l’église – une combinaison ingénieuse de commerce et d’architecture religieuse.
En plus de ses églises et de ses clochers, Kolomna a des quartiers historiques avec des maisons datant du XIXe siècle. Parmi les demeures néoclassiques restaurées au centre-ville, la plus mémorable est celle de Lajetchnikov, devenue un musée consacré à un romancier russe du début du XIXe siècle.
De nombreuses maisons en bois sont également préservées à Kolomna. Beaucoup d’entre elles ont gardé leurs chambranles ornés. Certaines de ces maisons près du kremlin sont associées à des écrivains du XXe siècle, comme Boris Pilniak et Anna Akhmatova.
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Ère soviétique et le présent
Pendant la période soviétique, de nouvelles formes d’habitation sont apparues, particulièrement pour les ouvriers de l’usine de Kolomna, fondée en 1863, grande productrice de locomotives.
Les exemples de projets d’habitations sponsorisés par l’usine de Kolomna dans les années 1920 peuvent encore être vus sur la principale voie publique, la rue de la révolution d’Octobre. Pourtant, beaucoup d’ouvriers ont préféré vivre dans des maisons en bois avec une petite parcelle de jardin, et ce genre de maisons ont continué à être construites à travers l’époque soviétique. Kolomna garde en son sein d’intéressants exemples d’architecture constructiviste avant-gardiste, érigés en support à la campagne d’industrialisation du début de l’Union Soviétique.
Aux abords de la ville, il y a deux autres ensembles monastiques, établis par Dimitri Donskoï dans les années 1380. Le monastère de l’Épiphanie-Goloutvine, connu depuis 1800 comme le vieux monastère Goloutvine, est situé près du croisement des rivières Moskova et Oka. Les éléments les plus distinctifs du vieux monastère Goloutvine sont ses tours murales, des fantaisies néogothiques construites en briques rouges avec des détails en calcaire de la fin des années 1770. Le style pseudo-gothique est apparu en Russie durant le règne de Catherine II comme un reflet de l’anglomanie de l’impératrice et de son intérêt pour la culture médiévale russe.
De l’autre côté de la Moskova et au nord du kremlin de Kolomna, se trouve le monastère de la Nativité-Bobrenev. Bien que fondé à la fin du XIVe siècle, ses églises actuelles datent de la fin du XVIIIe et du XIXe siècle. Il est aussi entouré de murs néogothiques des années 1790.
Le monument le plus remarquable de la Kolomna contemporaine est le Palais de Glace, un centre communautaire et une arène de sports de glace. Le choix du site a été controversé, sur la pente depuis le kremlin. Les architectes ont essayé d’atténuer le choc visuel en concevant l’arène avec un toit en membrane suspendue. Sa silhouette est nichée en bas du terrain de la rivière.
La construction d’une route de déviation a débouché le trafic historique du centre de Kolomna en direction de la ville de Riazan. Comme beaucoup d’autres villes russes, Kolomna doit osciller entre développement économique et préservation de son riche héritage architectural.
Au début du XXe siècle, le photographe russe Sergueï Prokoudine-Gorski a mis au point un processus complexe pour la photographie couleur. Entre 1903 et 1916, il a voyagé au travers de l’Empire russe, et a pris plus de 2 000 photographies en utilisant ce processus, qui impliquait trois expositions sur une plaque de verre. Il a quitté la Russie en août 1918, et s’est finalement installé en France avec une grande partie de sa collection de négatifs sur plaque de verre. Après sa mort à Paris en septembre 1944, ses héritiers ont vendu la collection à la bibliothèque du Congrès américaine. Cette dernière a digitalisé la collection de Prokoudine-Gorski et l’a mise en libre-accès pour le public au début du XXIe siècle. Un grand nombre de sites internet russes en proposent désormais des versions. En 1986, l’historien de l’architecture russe et photographe William Brumfield a organisé la première exposition des photographies de Prokoudine-Gorski à la bibliothèque du Congrès américaine. À partir de 1970, Brumfield, travaillant alors en Russie, a photographié la majorité des sites visités par Prokoudine-Gorski. Cette série d’articles juxtaposera les vues de Prokoudine-Gorski sur les monuments architecturaux avec les photographies prises par Brumfield plusieurs décennies plus tard.
Dans cet autre article, William Brumfield vous emmène à la découverte de la sublime cathédrale Sainte-Sophie de Vologda.
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