Le siège du ministère russe des Affaires étrangères, merveille technique à la flèche «dangereuse»

Le siège du ministère russe des Affaires étrangères, merveille technique à la flèche «dangereuse»
Legion Media
Quel élément y appelait-on «monument à la stupidité de Staline»? Pourquoi sa flèche est-elle «factice»? Et pourquoi le gratte-ciel a-t-il été construit du haut vers le bas? Nous vous révélons les détails les plus intéressants du bâtiment du ministère russe des Affaires étrangères.

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Adresse : 32/34, place Smolenskaïa-Sennaïa. Plus proche station de métro : Smolenskaïa

Années de construction : 1948-1953

Qu’y a-t-il à l’intérieur : le ministère russe des Affaires étrangères, ses bureaux, ses salles de conférence, son musée diplomatique et ses immenses archives.

Le siège du ministère russe des Affaires étrangères, merveille technique à la flèche «dangereuse» Vue de la façade principale de l'immeuble du ministère des Affaires étrangères sur la place Smolenskaïa, vers 1960
Ivan Chaguine/MAMM/MDF/Russia in photo

Les fameux « gratte-ciels staliniens » devaient devenir le joyau architectural de Moscou. Malheureusement, le projet n’a pas été mené à son terme, et au lieu de huit gigantesques immeubles, sept ont été construits, désormais surnommés « Sept Sœurs de Moscou ». L’un d’entre eux est le bâtiment de 26 étages du ministère des Affaires étrangères, situé sur l’Anneau des Jardins.

Comment ce bâtiment a-t-il vu le jour ?

Le siège du ministère russe des Affaires étrangères, merveille technique à la flèche «dangereuse» Construction du bâtiment du ministère des Affaires étrangères, début des années 1950
Vladislav Mikocha/MAMM/MDF/Russia in photo

Le bâtiment du ministère des Affaires étrangères a été mis en chantier en même temps que les autres gratte-ciels, le 7 septembre 1947, jour de l’anniversaire de la capitale. Il a été immédiatement décidé de l’attribuer au ministère.

L’une des principales caractéristiques de la construction a été la méthode même d’édification du gratte-ciel. Après la mise en place des fondations et de la charpente métallique, le bâtiment n’a pas été construit de bas en haut, mais de haut en bas : les travaux de bétonnage ont commencé aux étages supérieurs, à une hauteur de 172 mètres, et au fur et à mesure que le béton durcissait, le chantier descendait étage par étage.

Le siège du ministère russe des Affaires étrangères, merveille technique à la flèche «dangereuse» Construction du ministère
Naoum Granovski/TASS

Il s’agissait d’une technique de pointe – jamais un bâtiment n’avait été construit de cette manière en URSS. Elle a permis de construire dans un quartier historique, dans des conditions extrêmement restreintes, là où il aurait été impossible (ou très coûteux) d’installer un chantier conventionnel avec des grues à tour encombrantes. Dans le cas du bâtiment du ministère des Affaires étrangères, des grues légères ont été placées directement sur le toit, sans occuper d’espace au sol.

Le siège du ministère russe des Affaires étrangères, merveille technique à la flèche «dangereuse» Hall d'entrée de l'immeuble, années 1950
Gueorgui Petroussov/MAMM/MDF/Russia in photo

Le projet a été conçu par deux architectes, Vladimir Helfreich et Mikhaïl Minkous, tous deux lauréats du prix Staline. Il n’a fallu que cinq ans pour achever le chantier, un délai incroyablement court pour une structure aussi monumentale.

Que ce gratte-ciel a-t-il de spécial ?

Le siège du ministère russe des Affaires étrangères, merveille technique à la flèche «dangereuse» En 1971
Pavel Balabanov/Sputnik

Au temps de sa construction, le gratte-ciel était l’un des bâtiments les plus avancés sur le plan technique parmi la série des gratte-ciels staliniens. Un nombre record d’ascenseurs pour l’époque a été installé à l’intérieur – 28, dont plus de la moitié étaient des ascenseurs à grande vitesse. En outre, l’on y comptait quatre escalators et les matériaux les plus coûteux, tels que le marbre, le granit et le velours, ont été utilisés pour les intérieurs.

Néanmoins, la partie la plus intéressante du bâtiment n’est pas la décoration, mais... la flèche sur le toit. Elle ne figurait pas dans le projet original, le bâtiment ayant été initialement conçu avec un toit plat. Cependant, à la veille du 34e anniversaire de la révolution d’Octobre, Joseph Staline a personnellement ordonné la construction d’une flèche au sommet de la tour. Selon la légende urbaine, le leader n’aurait pas voulu que le bâtiment ressemble trop aux exemples d’architecture américaine de ces années-là. Pourtant, le projet ne prévoyait pas de structures lourdes supplémentaires : leur apparition aurait fait s’écrouler l’ensemble de l’édifice.

Le siège du ministère russe des Affaires étrangères, merveille technique à la flèche «dangereuse» 24 août 2015. Vue du bâtiment du ministère russe des Affaires étrangères sur la place Smolenskaïa
Natalia Garnelis/TASS

L’architecte Vladimir Helfreich aurait même tenté de persuader Staline de rejeter l’idée, ce qu’il aurait refusé. Pour sortir de cette situation, il a donc été décidé de construire une flèche « factice », non pas en pierre massive, mais en tôles légères et en contreplaqué.

Toutefois, la flèche, tout de même très imposante – 350 tonnes – restait bien fragile et instable. C’est pourquoi personne n’a osé apposer une étoile à cinq branches à son sommet, contrairement aux autres gratte-ciels, de sorte que le bâtiment du ministère des Affaires étrangères demeure le seul gratte-ciel stalinien dépourvu de ce symbole emblématique. Aujourd’hui, il est ainsi plus facile de le reconnaître parmi les autres bâtiments de ce type.

Il est intéressant de noter que Mikhaïl Minkous, le coauteur du projet, a demandé à Khrouchtchev, après la mort de Staline, de supprimer la flèche, ce à quoi ce dernier a répondu qu’elle « resterait un monument à la stupidité de Staline ».

Le siège du ministère russe des Affaires étrangères, merveille technique à la flèche «dangereuse» 21 novembre 2016. Le bâtiment du ministère des Affaires étrangères sans flèche lors du remplacement de cette dernière
Artiom Korotaïev/TASS

En 2016, la flèche a finalement été remplacée par une nouvelle, car l’ancienne était presque entièrement corrodée et aurait pu s’effondrer à tout moment. L’ancienne a été sciée pour en faire des souvenirs pour les invités d’honneur du ministère.

Comment le bâtiment a-t-il modifié les rues de Moscou ?

Le siège du ministère russe des Affaires étrangères, merveille technique à la flèche «dangereuse»
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Dès la construction de la tour du ministère des Affaires étrangères, il est apparu clairement que, dans sa forme originale, elle ne produisait pas l’impression grandiose que les architectes espéraient. C’est pourquoi il a été décidé d’aménager une place devant l’immeuble pour que l’on « respire » mieux à ses abords. Et pour que le bâtiment ne domine pas les immeubles historiques de faible hauteur qui l’entourent, deux autres tours, les hôtels Belgrade et Anneau d’or, ont été construites en face. Ces changements ont radicalement modifié l’aspect de cette entrée de parade du centre-ville. La construction de la série de tours elle-même a été la première étape de la transformation de la capitale de faible hauteur en l’immense mégapole qu’est aujourd’hui Moscou.

Est-il possible de pénétrer à l’intérieur ?

Le siège du ministère russe des Affaires étrangères, merveille technique à la flèche «dangereuse» Des jeunes filles dans le hall d'entrée, ouvert après la restauration de l'aile droite du bâtiment du ministère russe des Affaires étrangères
Mikhaïl Terechtchenko/TASS

Il n’est pas possible d’y entrer juste comme ça. Le bâtiment du ministère des Affaires étrangères est à accès restreint. Au cinquième étage, se trouve le Centre d’histoire de la diplomatie russe et des visites guidées y sont organisées, mais tout le monde ne peut pas y entrer : seuls les étudiants des universités moscovites, les futurs diplomates et les nouveaux employés du ministère peuvent s’y rendre. Les touristes ordinaires et les curieux n’y ont pas accès.

Dans cet autre article, nous nous intéressions à un autre gratte-ciel stalinien, l’immeuble d’habitation sur le quai Kotelnitcheskaïa.

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