Laurence, originaire de France: «Encore écolière, je suis tombée amoureuse d’Ivan le Terrible»
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« Je ne peux pas l’expliquer, mais la Russie est ma vocation. Dans ma jeunesse, je me suis passionnée pour la littérature russe. Dostoïevski m’a conduite vers l’orthodoxie. Puis il y a eu l’iconographie. Mais c’est le film Andreï Roublev d’Andreï Tarkovski qui a le plus influencé mon âme. Je n’avais donc pas d’autre choix que la Russie* », explique Laurence.
De la France à la Russie ancienne
Une Française vit dans la petite ville de Pereslavl-Zalesski (à 150 km de Moscou). Autrefois, le tsar Ivan le Terrible se promenait sur les rives du lac Plechtcheïevo, et le jeune Pierre Ier y construisait sa flotte miniature.
Aujourd’hui, Pereslavl et la ville voisine de Rostov restaurent leurs anciennes églises et voient affluer des étrangers chrétiens.
Laurence Guillon a été l’une des premières à arriver. Elle écrit des livres, peint des tableaux et tient un blog en français, Chroniques de Pereslavl, dans lequel elle raconte qu’il fait bon vivre en Russie.
L’âme russe d’une Française
« Dans ma jeunesse, je pensais avoir une âme russe, archaïque, paysanne. Et la Russie est un pays qui a conservé de nombreux traits du caractère paysan ».
C’est grâce au film de Sergueï Eisenstein Ivan le Terrible que Laurence est tombée amoureuse de la culture russe. « Son image y est décrite de manière positive, et dans ma jeunesse, le tsar était pour moi une figure paternelle qui suscitait mon admiration ».
Laurence a écrit deux romans sur Ivan le Terrible, essayant de comprendre ce qui se cachait derrière sa cruauté. « Et je crois avoir compris : Ivan le Terrible était un homme très complexe, nerveux, anxieux. Il s’est retrouvé seul très tôt, il a été trahi à plusieurs reprises. Et c’était un idéaliste : il croyait avoir une mission sacrée et devoir l’accomplir ».
À 18 ans, elle s’est convertie à l’orthodoxie, est entrée à l’Institut des langues orientales et a étudié, bien sûr, le russe. En 1973, elle est venue pour la première fois en URSS. Elle avait alors 21 ans.
Première impression de la Russie
Laurence avoue que lorsqu’elle est arrivée pour la première fois, elle a été bouleversée aux larmes.
« J’avais en tête les illustrations de Bilibine, je m’attendais à une Russie féérique, et là, c’était la grisaille et le béton. Non, je savais que cela existait, mais peut-être dans un quartier ou deux... Pour le reste, j’imaginais des maisons anciennes, comme en France ».
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Et pourtant, après ce premier voyage, elle est revenue. En 1990, elle a été invitée à participer à l’expédition « Sur les traces de Radichtchev » de Saint-Pétersbourg à Moscou.
« Ce fut un voyage incroyablement intéressant : beaucoup de conférences, de rencontres avec des gens créatifs. C’est là que j’ai compris que les Russes étaient exactement comme je les imaginais. Et j’ai décidé de rester ».
Laurence a travaillé pendant 16 ans à l’école de l’Ambassade de France à Moscou, où elle enseignait le français à des enfants russes.
En 2014, elle est partie brièvement dans son pays natal pour s’occuper de sa mère malade, mais elle est ensuite revenue, car c’était là qu’elle avait sa maison et ses amis.
Une étrangère dans une ancienne izba russe
Elle est venue pour la première fois à Pereslavl en 1999 pour se reposer. Elle a alors commencé à peindre des paysages locaux.
« J’ai tellement aimé la nature et l’atmosphère de Pereslavl que j’ai acheté une datcha dans le village voisin et que je venais y passer mes week-ends. Et quand je suis revenue définitivement en Russie, je n’avais plus qu’une seule idée en tête : rester ici ».
Comme elle en rêvait, Laurence s’est installée dans une izba russe. Elle a elle-même travaillé sur le design pour rendre la maison encore plus féérique.
« Je leur montre la ville, je les emmène au service des migrations, je leur présente des gens, etc. ».
Laurence dit qu’il existe un afflux d’étrangers chrétiens dans la région de Iaroslavl. À Rostov Veliki, par exemple, un prêtre américain converti à l’orthodoxie s’est installé et a attiré 50 familles américaines.
À propos de la Russie et des Russes
Il y a des choses qui surprennent encore la Française chez les Russes. « Par exemple, la façon chaotique dont vous mangez. C’est le moyen le plus rapide de prendre du poids. Ou le fait que les femmes, surtout celles de mon âge, vous submergent de conseils et vous expliquent comment vivre. Et elles le font, bien sûr, pour votre bien », dit Laurence en riant.
« J’ai toujours eu tendance à me laisser porter par le destin. Et ici, cela s’est développé, car en Russie, on ne peut pas vivre autrement. Vous faites tout comme il faut, avec toutes les garanties, mais demain, tout peut disparaître : une catastrophe peut survenir ou le régime peut changer, et tout peut être emporté. Il faut donc vivre aujourd’hui, et demain, on verra bien ».
Laurence estime qu’il y a une liberté en Russie, une liberté dans la vie quotidienne, qui n’existe pas en France.
« Oui, la Russie a ses démons : la corruption, le vol, d’autres problèmes. Et le principal démon, c’est l’éloignement de l’esprit russe. Je voudrais que cet esprit renaisse, que les gens aiment leur passé. Car la singularité de la culture chrétienne réside dans le fait qu’elle guérit l’âme des gens. C’est précisément pour cela que les étrangers viennent ici ».
* La version complète de l’interview est publiée en russe sur le site de la revue Nation.
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