Comment voyageait-on en Russie au XIXe siècle
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Où partait-on ?
Les vacances ont longtemps signifié une visite du domaine familial, par exemple, pour l’été, un séjour de chasse ou un pèlerinage. La mode des vacances dans le sens moderne du terme est survenue grâce à Pierre le Grand. Après avoir été aux thermes européens, il a décidé d’en organiser en Russie également. Ainsi sont nées les sources Martialnye Vody en Carélie, puis au Caucase – à Essentouki, Piatigorsk, Kislovodsk. Ici, au milieu du XIXe siècle, sont apparues les premières vraies villes touristiques : avec des allées de promenade, des bains et sources d’eau potable. La grande question était – comment s’y rendre.
Comment se préparait-on pour la route ?
Le processus de préparation pour la route était l’égal de « trois feux » (autrement dit, de beaucoup de stress). Il fallait obtenir une podorojnaïa, une charte de route, chez le gouverneur ou chez le maire pour quitter sa ville natale en tranquillité. Ce document occupait la fonction d’un passeport, mais aussi d’un visa en quelque sorte. Y était indiquée la destination du voyageur. Toutes ces informations étaient enregistrées aux avant-postes, et les données des nobles voyageurs, s’il s’agissait d’un voyage pour une grande ville, finissaient même dans les journaux.
Le coût du voyage entier dépendait de la podorojnaïa : sans ce document, les services des cochers et la location des chevaux devaient être réglés par des prix contractuels. La cavalière Nadejda Dourova a un jour écouté un conseil qui disait de ne pas régulariser une podorojnaïa, et au final, son trajet depuis Kazan jusqu’à Saint-Pétersbourg lui a coûté six cents roubles, alors qu’avec ce document, il aurait coûté deux fois moins. L’auteur du Voyage de Pétersbourg à Moscou, Alexandre Radichtchev, comparait la podorojnaïa à une « lettre de défense » et « marchait avec elle, comme on marche parfois pour sa défense avec une croix ».
En quoi voyageait-on ?
L’on voyageait en calèche. En fonction des revenus – avec sa propre voiture hippomobile ou celle de la poste. En été – en chariot, en voitures et en tarentass, en hiver – en luge, en kibitka, en carriole. Si le budget le permettait, l’on pouvait partir en voyage en carrosse-dormeuse, dans lequel il y avait tout le nécessaire – d’une trousse de soins jusqu’à un lit de route.
Si les chevaux étaient les siens, ce moyen de transport était le plus économe et s’appelait « sur les longs » : on roulait à son rythme, avec de longs arrêts pour le repos. On pouvait aussi louer la calèche et les chevaux : aux relais de poste, on changeait les chevaux, et les bagages étaient transférés dans une autre voiture – d’où l’expression « ехать на перекладных » (iékhat’ na pirikladnykh), qui se traduit par « rouler sur les transférés ».
Toute la question était : aura-t-on des chevaux au prochain relais ou faudra-t-il les attendre. D’habitude, dans l’écurie du relais, il y avait jusqu’à 25 chevaux. C’est là que la bureaucratie entrait en jeu : plus le statut du voyageur était haut, plus de chevaux lui étaient accordés. Les généraux-amiraux et les chanceliers avaient le droit jusqu’à 20 chevaux, les sénateurs – 15, les conseillers secrets – 12, les capitaines et les conseillers titulaires – trois, et tous les autres – deux. Si quelqu’un d’important avait été au relais de poste la veille, il était très probable que les voyageurs arrivés après lui étaient obligés d’y passer la nuit en l’attente de leurs chevaux.
La vitesse du voyage n’était pas très rapide : près de 10 verstes par heure (environ 10,6 km) en été et jusqu’à 12 en hiver (12,8 km). En une journée, l’on pouvait traverser 100 verstes (un peu plus de cent km), mais ça, c’est officiellement. L’on pouvait en effet négocier avec le cocher pour une paye supplémentaire pour qu’il roule plus vite – et ainsi les passagers parcouraient même jusqu’à deux cents verstes par jour. Dans le même temps, les voyageurs devaient payer les « progonnyé » – les frais de trajet entre deux relais de poste : pas moins de 12 kopecks (centimes de roubles) pour 10 verstes. Par exemple, un trajet depuis Mikhaïlovsk jusqu’à Saint-Pétersbourg coûtait 120 roubles pour 400 km et quelques, et Pouchkine, envoyé en exil depuis Odessa jusqu’à Pskov, a reçu 389 roubles pour les « progonnys » – il devait traverser 1 621 verstes (environ 1 729 km). Pour comparaison : un fonctionnaire moyen de l’époque gagnait 700 roubles par an, donc les voyages qui n’étaient pas nécessaires à l’État étaient chers.
En 1820, la première compagnie de transport privée a vu le jour – la Société originale d’établissement des diligences, qui offrait des trajets à plusieurs. Dans une calèche comme celle-ci, quatre passagers pouvaient voyager sans bagages encombrants. Les billets n’étaient pas donnés, de 55 à 95 roubles. On les achetait deux semaines avant le voyage : il fallait un passeport et un certificat de la police stipulant que l’individu n’a aucun empêchement à voyager. Et lorsqu’en 1834 la première grande route entre Saint-Pétersbourg et Moscou a démarré son activité, les voyages sont devenus encore plus rapides : si avant, il fallait subir les secousses de la calèche pendant six jours, maintenant, l’on roulait « avec le vent » entre les villes – quatre jours seulement.
Que prenait-on avec soi ?
Les voyageurs économes, qui voyageaient « sur les longs », donc avec leurs propres voiture et chevaux, prenaient absolument tout : des vêtements, des aliments, du bois pour le feu, des livres, des récipients-bouillottes spéciaux, dans lesquels on mettait de l’eau chaude, – n’importe quelle petite chose qui pouvait servir en route. Les voyageurs « sur les transférés » s’arrêtaient quant à eux aux relais de poste ou dans des auberges (donc un restaurant sur la route), où l’on pouvait manger et se reposer. Et même commander des services supplémentaires : ferrer un cheval qui boite, réparer la calèche.
Où s’arrêtait-on ?
Au XIXe siècle, sont déjà apparus les premiers hôtels de niveau européen. À part les pensions et les hôtels aux stations thermales et balnéaires, l’on pouvait s’arrêter dans des chambres et hôtels meublés à Moscou et à Saint-Pétersbourg. En route, le coût dépendait du niveau du relais de poste : il pouvait n’y avoir qu’une seule pièce commune de repos, où l’on pouvait dormir, assis, ou alors des chambres d’auberges du niveau d’un hôtel, avec un billard et une bonne cuisine. Le prix des chambres dans un hôtel « décent » était de 2 à 50 roubles. Par exemple, dans le Thcelychy, de deux étages, appartenant au marchand Tchelychev, – avec un bania, une auberge et des chambres. Ou à l’hôtel Evropeïskaïa à Saint-Pétersbourg.
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