
Que montre Viktor Vasnetsov sur son tableau Les Preux?

Outre sur Telegram, Fenêtre sur la Russie diffuse désormais du contenu sur sa page VK! Vidéos, publications dédiées à l’apprentissage du russe et plus encore dans notre communauté
Les Preux sont l’un des tableaux les plus connus en Russie. Viktor Vasnetsov mit plus de dix-huit ans à le peindre. En 1898, alors qu’il venait de le terminer, il le vendit au collectionneur et mécène Pavel Tretiakov. Il est depuis exposé à la galerie fondé par ce dernier.
En Union soviétique, cette toile fut reproduite sur de très nombreux supports, fut très largement diffusée et était connue de tous. Aujourd’hui encore, tous savent qui sont les trois preux dont on leur racontait les histoires dans leur enfance.
Qui sont ces trois personnages ?
Ainsi que le décrivait Viktor Vasnetsov lui-même, les preux montent trois puissants chevaux à la crinière abondante. Ces héros de la Russie ancienne portent des cottes de mailles et des casques. Ils regardent au loin pour voir s’il n’y a pas d’ennemis alentour.

Le peintre précisait que ses personnages « sont sortis faire le guet dans la plaine pour s’assurer qu’il n’y a pas d’ennemis et qu’ils ne sont attaqués à personne ».
Au centre, Ilia Mouromets est armé d’une lance, d’un gourdin et d’un bouclier. Il est certainement le personnage de la Russie ancienne le plus connu grâce aux récits populaires (билины / biliny). Il est un défenseur des terres russes qui ne craint rien et le fidèle serviteur du prince Vladimir.
À sa droite, Dobrynia Nikitich, déjà prêt à se battre, dégaine son épée.
À sa gauche, Aliocha Popovitch, le plus jeune des trois preux, tient son arc dans ses mains.
Le prix Nobel Ivan Pavlov était non seulement un physiologiste mais un collectionneur célèbre. Il caractérisait ainsi Les Preux.
« Vasnetsov a su à merveille donner à voir trois tempéraments, écrivait le biologiste. Ilia Mouromets est tout en retenue, indolent. Il ne considère l’ennemi que pour le terrasser. Dobrynia Nikititch est impulsif, se précipite sans prendre le temps d’analyser la situation, il va tout droit à l’attaque. Aliocha Popovitch a déjà compris le danger qui menace et réfléchit à ce qu’il faut faire pour l’éviter. Quelle puissance ! Trois preux russes ! Toute la Russie ancienne ! ».
Lire aussi : Cinq mécènes russes qui ont marqué la culture mondiale
Pourquoi ce sujet ?
Viktor Vasnetsov fit les premières esquisses de ses Preux dans les années 1870. L’idée de ce sujet lui était venue à l’improviste alors qu’il se trouvait dans l’atelier de Vassili Polenov.

À la fin du XIXe siècle, les artistes contemporains de Viktor Vasnetsov qui avaient du succès peignaient des scènes de la vie paysanne. Viktor Vastnetsov, lui, ne trouvait son inspiration que dans les contes. Après avoir terminé l’Académie impériale des beaux-arts de Saint-Pétersbourg, il s’installa à Moscou. Son kremlin et l’église de Saint-Basile-le-Bienheureux le poussèrent à donner un coloris historique à ses œuvres.
Viktor Vasnetsov et d’autres peintres talentueux de sa génération séjournèrent souvent à Abramtsevo à l’invitation de l’entrepreneur et mécène Savva Mamontov. Ils y jouissaient d’une liberté totale de création. Ils essayaient de représenter l’identité nationale dans le style néo-russe en vogue à l’époque.

Viktor Vasnetsov vit le champ dans lequel il décida de placer ses preux dans les alentours de la propriété de Savva Mamontov.
Ce fut aussi là qu’il réalisa la plus grande partie de son travail sur cette toile de 4 mètres sur 3. Savva Mamontov fit même aménager une grange en atelier pour lui.
Les spécialistes de l’œuvre de Viktor Vastnetsov discernent dans les traits d’Aliocha Popovitch ceux d’Andreï, un des fils de Savva Mamontov.

Pourquoi un travail aussi long ?
Viktor Vasnetsov reconnaissait qu’il était porté à peindre Les Preux par son cœur et par sa main. Il considérait cette toile comme « une dette, une obligation artistique à l’égard de son peuple ».
Il mit près de vingt ans à la réaliser. Il en fut éloigné par des commandes d’ampleur, comme celles des fresques de l’église Saint-Vladimir de Kiev.
L’idée des preux et des chevaux à la crinière abondante ne le quittait pas. Ils sont présents sur la terrible scène Le champ de la bataille entre Igor Sviatoslavitch et les Polovtses (1880) et Le Chevalier à la сroisée des сhemins (1882).


Viktor Vasnetsov fit un immense travail préparatoire avant de commencer à peindre Les Preux. Il réalisa de très nombreuses esquisses de cottes de mailles, de chevaux, de paysages. Il chercha la meilleure expression pour chacun de ses trois personnages. Il prit pour modèles des gens du peuples très différents. Ce fut Ilia Mouromets qui lui demanda le plus d’efforts. Il dessina, entre autres, un forgeron d’Abramtsevo, un cocher de Moscou et Ivan Petrov, un paysan de la région de Vladimir.

Viktor Vasnetsov ne voulut pas seulement faire une « illustration de livre » de grande taille. Son projet était de donner à voir des incarnations de personnages du folklore russe. Pour y parvenir, il étudia donc avec beaucoup d’attention les récits épiques et les contes pour s’imprégner du caractère de leurs personnages.
En suivant le lien, découvrez treize œuvres d’art russes conservées hors de Russie