Qui était la femme peinte par Boris Koustodiev sur son tableau Femme de marchand prenant le thé?
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En 1918, lorsqu’il peignit cette toile égayante, Boris Koustodiev (1878-1927) était depuis longtemps cloué par la maladie dans un fauteuil. L’un de ses amis s’était plaint à lui qu’à cause du froid et de la faim qui s’étaient abattus sur Pétrograd, « tout le monde, partout, ne fait qu’une chose : parler de pain et de nourriture ». Par contraste, le peintre choisit que l’abondance régnerait sur son tableau.
Sur une terrasse, une femme bien en chair portant une robe de prix rehaussée d’une broche émaillée boit son thé à la manière des marchands, c’est-à-dire non dans une tasse mais dans la soucoupe de cette tasse. La table croule sous les victuailles : gâteau, fruits, pastèque mûre, confiture dans un confiturier de cristal. Un gros chat se frotte à elle dans l’espoir qu’elle lui donnera quelque chose de bon à manger. À l’arrière-plan, on reconnaît une ville de province avec ses maisons et ses églises. Pour peindre cette toile carrée, d’un mètre vingt de côté, Boris Koustodiev puisa dans les souvenirs qu’il avait gardés des traditions patriarcales de sa ville natale d’Astrakhan, des soirées que ses habitants consacraient aux travaux manuels ou aux conversations, des promenades qu’ils y faisaient.
Son modèle était une voisine
Boris Koustodiev n’eut pas à chercher bien longtemps son modèle. Une de ses voisines, étudiante en médecine, accepta de poser pour lui. Elle s’appelait Galina Aderkas, était baronne et n’affichait pas son ascendance aristocratique. Elle avait passé son enfance à Khabarovsk, avait fait des études secondaires et était entrée en 1917 à l’institut de médecine pour femmes de Pétrograd. Boris Koustodiev peignit son tableau rapidement, en quelques jours seulement. Il n’hésita pas à accentuer les formes plantureuses de son modèle.
La Femme de marchand prenant le thé fut montré pour la première fois en 1919 lors de la première exposition nationale de tableaux de peintres russes contemporains au palais des Arts (nom que portait alors le palais d’Hiver). Quelques années plus tard, Boris Koustodiev réalisa un tableau auquel il donna le même titre. Le modèle et la composition en sont différents. Le premier appartient aux collections du Musée Russe depuis 1925 ; le second est exposé au Musée des Beaux-Arts de Nijni-Novgorod.
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La musique plutôt que la médecine
Une des passions de Galina Aderkas était la musique. Après avoir arrêté ses études de médecine à Pétrograd, elle partit pour Moscou où elle entra à l’École de musique de Sokolniki.
Grâce à ses talents de vocaliste, elle fut engagée au Théâtre d’opéra de chambre de Moscou. Elle chantait également dans le chœur de la radio soviétique. Elle épousa l’historien de la littérature et compositeur Sergueï Bogouslavki, auteur de la musique du film La Fête de Saint-Jorgen, et se produisait en concert avec lui. À partir de 1940, on perd la trace de Galina Aderkas. Fut-elle victime des répressions de son époque ou choisit-elle d’émigrer ? Il est possible qu’elle ait voulu une fois encore changer radicalement de vie.
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