Upshifters: pourquoi des Russes quittent-ils la ville?
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La mode du « retour aux sources » gagne du terrain en Russie. Les citadins quittent les jungles de béton des mégapoles et déménagent à la campagne. Ils ne s’appellent pas « downshifters », mais « upshifters », considérant qu'ils ne font pas un pas en arrière, mais, au contraire, ont progressé d’une marche.
Lieu de force
Fonctionnaire en congé de maternité, Anna Panikhina vivait avec son époux et leurs deux enfants dans la banlieue de Moscou. Un jour, ils sont partis passer leur week-end à Pereslavl-Zalesski, cette ville de 37 000 habitants située à 133 km de Moscou, et y sont tout simplement restés.
« Il y a cinq ans, un vendredi soir, nous sommes allés chez des amis. Ma fille cadette avait alors 9 mois et l’aînée 4 ans, confie-t-elle. Nous sommes tombés amoureux de cet endroit et le dimanche même nous y avons loué une maison. D’abord pour un mois, ensuite pour un autre mois, et ainsi de suite. À présent, nous vivons dans une maison que nous avons achetée ».
Anna explique que le choix de la ville a été aléatoire. Ils n’ont pu que céder face au charme de son ancienne architecture et du lac Plechtcheïevo, au bord duquel elle se dresse. Ce réservoir d’eau est vieux de 30 000 ans et les locaux montrent aux touristes la curiosité locale – la Pierre bleue. Jadis attribut d’un culte païen, elle change de couleur après la pluie et exauce, dit-on, les vœux.
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Ayant déménagé dans une ville provinciale et loué leur appartement à Moscou, l’époux d’Anna a trouvé un nouvel emploi. Lui, qui s’occupait de la construction de maisons en bois, les voisins l’ont prié de confectionner un escalier et quatre lits. Les photos du résultat, Anna les a partagées sur les réseaux sociaux et une avalanche de commandes s’est ensuivie. Aujourd’hui, les lits de la menuiserie Panikhine sont envoyés aux quatre coins du pays.
L’argent qu’il gagne suffit pour faire vivre sa famille et louer une menuiserie. Toutefois, ils ont dû emprunter une somme pour s’acheter leur maison, raconte Anna.
Les difficultés qui ont surgi sur leur chemin ne sont pas perçues comme telles par Anna. Certes, ils ont dû à un moment se serrer la ceinture, mais le nombre de commandes allait croissant. « La seule chose dont nous souffrons c’est l’aide des parents et les contacts avec eux. Ils n’aiment pas se déplacer loin de la maison, si bien que nous ne les voyons pas souvent. Par contre, les amis restent souvent chez nous pour le week-end. Nos échanges sont devenus meilleurs et plus longs, avant ce n’était qu’en coups de vent », raconte la « femme du menuisier » – c’est ainsi qu’Anna se présente sur les réseaux sociaux.
Il s'est avéré qu'à Pereslavl-Zalesski existe une remarquable infrastructure pour les enfants et que d'excellents enseignants travaillent dans les écoles. Cela s’explique par le fait que de nombreux jeunes actifs ont déménagé dans cette ancienne ville russe avant les Panikhine. Au sein de ces personnes qui partagent les mêmes idées qu’eux, les Panikhine se sont facilement faits des amis. Et ce qui est important, c’est qu’autour d’eux se développe une communauté de personnes créatives, courageuses et actives, poursuit Anna.
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« D’abord, j’ai trouvé une amie, et, une semaine plus tard, elle en a fait venir une autre et ainsi de suite. Ainsi, nous sommes devenus 20 personnes et tous les vendredis nous prenons ensemble le petit-déjeuner pour partager l’expérience de notre vie professionnelle et créative. Nastia, qui avait auparavant vécu en Thaïlande, s’occupe des cérémonies du thé et de la formation des enfants, Ira fait du yoga. Quelqu'un fait de la médecine, quelqu'un d’autre enseigne la calligraphie ».
S’agissant d’une petite ville provinciale, beaucoup de secteurs y sont encore à développer, ce qui offre beaucoup d’opportunités aux nouveaux venus. Une communauté de ces nouveaux artisans de la région de Iaroslavl a été créée par Bris Aïmov et on y trouve des confiseurs, des couturiers et des menuisiers.
Ceux qui ont déménagé forment la partie la plus active de la société locale : non seulement ils y vivent et gagnent leur vie, mais ils transforment aussi l'espace de Pereslavl-Zalesski. L'année dernière, Anna Panikhina a organisé un projet de restauration de l'environnement historique (Tom Sawyer Fest). Dans le cadre de ce festival, les participants ont mis en ordre – poli et peint – plusieurs vieilles maisons de la rue principale. Cette année, ils prévoient de relancer cette expérience.
Ce qu’ils ne comptent pas faire, c’est revenir dans leur mégapole. Parfois, ils vont « se promener » à Moscou, mais déjà le lendemain leur nouvelle ville leur manque. « Certes, chez nous il n’y a pas de publicité lumineuse, ni de grands centres commerciaux, mais l’on peut marcher pieds nus dans l’herbe, boire de l’eau pure et manger les légumes cultivés dans notre potager et la viande fermière. On est mieux ici », assure Anna.
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