Comment des marins russes sauvèrent-ils des habitants de la Sicile?
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« En six jours, vous avez fait plus en Italie que toute ma diplomatie au cours de toutes les années de mon règne ». Ce fut en ces termes que l’empereur Nicolas II accueillit à Saint-Pétersbourg le contre-amiral Vladimir Litvinov à son retour de la mer Méditerranée en 1909.
Le 28 décembre 1908, à 5 heures 20 du matin se produisit un terrible tremblement de terre dont l’épicentre fut localisé à une petite dizaine de kilomètres au nord-est de Reggio di Calabria. Il provoqua – chose inhabituelle dans cette partie de la Méditerranée – un tsunami de 12 mètres de haut. Messine, troisième ville par sa taille de Sicile, fut très durement touchée par ce séisme et les répliques qui survinrent dans la journée. Près de la moitié de ses 150 000 habitants périt. Il ne restait presque aucun bâtiment debout. Si les équipages des navires de la flotte russe de la mer Noire stationnés non loin du lieu de la catastrophe n’étaient pas venus au secours des survivants, les conséquences auraient été plus tragiques encore.
Aujourd’hui, sur la place centrale de Messine, s’élève la cathédrale du XIIe siècle. Mais que signifie en l’occurrence XIIe siècle ? Si l’on regarde attentivement les façades de l’édifice, on remarqua à une dizaine de mètres de hauteur la limite entre l’appareil du XIIe siècle et celui du XXe. C’est là que ce fait le changement de couleur qui passe d’un rose pâle à un gris morne. En admirant ce bâtiment massif, on comprend que seul un tremblement de terre d’une magnitude exceptionnelle pouvait le détruire.
De vieilles photographies prises à Messine à la fin des années 1900 montrent qu’il ne restait rien de cette cité opulente. « Le spectacle de la ville était épouvantable à voir : elle n’était plus qu’un amas de pierre. écrivit à sa famille l’un des aspirants de marine de l’escadre russe. Au-dessus de la ville, la rougeur de l’incendie n’en finissait pas de se dissiper. Les projecteurs de nos navires en mouillage dans la rade éclairaient la ville privée de lumière. Les murs geignaient. De partout montaient des gémissements plaintifs », décrivait un autre.
Pour être tout à fait exact, le tremblement de terre de 1908 est connu comme « le séisme de Sicile et de Calabre ». La tragédie de Messine éclipsa celle que vécurent les habitants de l’autre côté du détroit de Messine. Par exemple, deux villages de pêcheurs de la côte calabraise perdirent près de la moitié de leurs habitants. Reggio di Calabria, la capitale provinciale située à quelques kilomètres seulement de l’épicentre, ne fut évidemment pas épargnée.
Les équipages des cuirassés Tsetsarevitch et Slava, des croiseurs Bogatyr et Amiral Makarov, des canonnières Guiliak et Koreïets sauvèrent de nombreuses vies de chaque côté du détroit de Messine.
Sans attendre la permission des autorités de Saint-Pétersbourg, le contre-amiral Litvinov, commandant d’une escadre de navires-écoles, donna l’ordre d’intervenir. Il ne fallut que vingt-heures aux vaisseaux qui stationnaient à la base d’Augusta, à une trentaine de kilomètres au nord de Syracuse, pour rejoindre le détroit de Messine. Des aspirants, officiers, médecins, infirmiers et deux compagnies de matelots débarquèrent. Trois mille marins russes parvinrent à extraire deux mille cinq cents personnes des décombres. Combien de milliers de blessés les Russes soignèrent-ils, nourrirent-ils, réchauffèrent-ils ? À combien d’entre eux cédèrent-ils leurs couchages et leurs cabines ? Combien d’entre eux évacuèrent-ils pour les mettre à l’abri ? L’Amiral Makarov transporta des blessés à Naples et revint à Messine. Le Tsetsarevitch eut le temps de faire un aller-et-retour à Syracuse avant que n’arrivent des détachements de l’armée italienne, des Américains, des Britanniques.
Vinrent ensuite les décorations décernées par les gouvernements russe et italien, des articles élogieux dans la presse européenne illustrés de souvenirs des témoins. Un reporter relatait non sans étonnement comment les marins russes avaient déterré les réserves de la Banque d’Italie qui renfermaient vingt millions de francs qu’ils remirent jusqu’au dernier centime aux autorités italiennes. Un autre racontait qu’un simple marin russe s’était présenté au consulat à Naples avec un nourrisson qu’il avait sauvé. Langé dans les règles de l’art, l’enfant dormait après avoir bu du lait. Le matelot avait demandé à pouvoir élever cet enfant, si ses parents n’étaient pas retrouvés vivants. Un autre journaliste encore décrivit les Russes comme « des anges venus de la mer ». L’expression fit florès.
Cet article est une version abrégée de celui publié en russe dans le magazine Russki Mir (Le Monde Russe).
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