
Métrique élémentaire de la poésie russe

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Un des éléments essentiels de la versification russe est la longueur des mètres, autrement appelés pieds. La place de l’accent tonique dans ce que l’on pourrait comparer à une mesure en musique détermine le type du mètre.
Lire ou réciter des vers russes exigent que l’on garde à l’esprit quatre réalités importantes :
- le découpage en pieds se fait à partir du début du vers. Il est possible que le dernier mètre soit écourté ;
- il n’y a qu’un accent tonique par mot et un mot, même bi- ou trisyllabique, peut s’étirer sur plusieurs pieds. Certains mètres n’ont donc pas d’accent.
- la prononciation de l’époque où les vers ont été écrits n’est pas forcément la même que celle de l’époque où le lecteur vit ;
- la licence poétique que prennent les écrivains en déplaçant les accents toniques.
Découvrez les règles élémentaires de la métrique russe que nous avons illustrées par la première strophe d’un poème d’un grand écrivain. En cliquant sur les liens internet, vous pourrez entendre ces mêmes textes récités par des locuteurs natifs du russe.
Pied bisyllabique
Iambe / Ямб | ∪ — |, du grec ἴαμϐος / iambe
Il ne faut pas prendre ce mot au sens que lui donna notamment André Chénier dans son poème célèbre Iambes.
En versification russe, le iambe est un pied de deux syllabes où l’accent frappe les syllabes paires.
Беле/ет па/рус о/дино/кой/
В тума/не мо/ря го/лубом/!..
Что и/щет он/ в стране/ далё/кой/?
Что ки/нул он/ в краю/ родном/?
Mikhaïl Lermontov, La Voile (Парус), 1832
Chorée ou trochée / Хорей | — ∪ |, du grec τροχαῖος / propre à la course
L’accent frappe les syllabes impaires.
Мчатся/ тучи/, вьются/ тучи/;
Неви/димко/ю лу/на/
Осве/щает/ снег ле/тучий/;
Мутно/ небо/, ночь му/тна/.
Alexandre Pouchkine, Les Démons (Бесы), 1830
Pied trisyllabique
Le vers se découpe en mesures de trois syllabes. Il existe un moyen mnémotechnique pour se souvenir des trois mètres ternaires existants : les noms de poètes de l’Âge d’Argent de la poésie russe que nous citons ici.
Dactyle / Дактиль | — ∪ ∪ |, du grec δάκτυλος / doigt (la première phalange est plus longue que les deux suivantes)
L’accent frappe la première des trois syllabes, comme dans Анна Ахматова.
Муза-сес/тра загля/нула в ли/цо/,
Взгляд ее/ ясен и/ ярок/.
И отня/ла золо/тое коль/цо/,
Первый ве/сенний по/дарок/.
Anna Akhmatova, À ma Muse (Музе), 1911
Amphibraque / Амфибрахий | ∪ — ∪ |, du grec ἀμφίβραχυς / court des deux côtés
L’accent frappe la deuxième des trois syllabes, comme dans Марина Цветаева.
Над миром/ вечерних/ видений/
Мы, дети/, сегодня/ цари/.
Спускают/ся длинны/е тени/,
Горят за/ окном фо/нари/,
Marina Tsvétaïéva, Dans la Salle (В зале), 1908
Anapeste / Анапест | ∪ ∪ — |, du grec ἀνάπαιστος / frappé à l’envers, c’est-à-dire un dactyle renversé
L’accent frappe la troisième des trois syllabes, comme dans Николай Гумилёв.
На поляр/ных морях/ и на юж/ных/,
По изги/бам зелё/ных зыбей/,
Меж базаль/товых скал/ и жемчуж/ных/
Шелестят/ паруса/ кораблей/.
Nikolaï Goumiliov, Les Capitaines (Капитаны), 1909
Dans cet autre article, nous racontons comment Vladimir Maïakovski a révolutionné la poésie russe