Quelle histoire se cache derrière l’ouchanka, la légendaire chapka russe?

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C'est le souvenir le plus populaire que les étrangers achètent en Russie, l'attribut le plus reconnaissable de tous les films hollywoodiens qui mettent en scène ce pays et, tout simplement, le couvre-chef d'hiver le plus utile!

Qu'est-ce qui vous vient à l'esprit quand vous imaginez une chapka-ouchanka ? Laissez-nous deviner !

Probablement Arnold Schwarzenegger dans le film Double Détente ?

Walter Hill/TriStar Pictures, 1988
Walter Hill/TriStar Pictures, 1988

Ou le cosmonaute ivrogne Lev Andropov dans Armageddon ?

Michael Bay/Touchstone Pictures, 1998
Michael Bay/Touchstone Pictures, 1998

Eh bien, c'est une question d'honneur pour un personnage russe stéréotypé dans un film hollywoodien de porter une ouchanka, surtout s'il s'agit d'un agent du KGB.

En raison de cette image très répandue, l’ouchanka est devenue un symbole russe reconnaissable, comme la matriochka et la balalaïka. Et, par conséquent, un souvenir populaire. Ainsi, si vous voulez organiser une fête de style soviétique, vous ne vous passerez pas d'une ouchanka !

Legion Media Stand de souvenirs sur la place Rouge
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Quelles sont les origines de l’ouchanka ?

Si vous pensiez que les Russes portaient l’ouchanka depuis la nuit des temps, nous devons vous décevoir ! L’ouchanka n'est apparue qu'au XXe siècle.

Tout au long de leur histoire, les Russes ont eu d'énormes quantités de types de coiffes d'hiver. Pour homme et femme, noble et paysan – chaque région avait aussi sa propre variation sur ce qu'il fallait pour se couvrir la tête contre la neige et le vent. Voici quelques exemples historiques.

Archives de la Société russe de géographie Aucune de ces coiffes n'est en fait une ouchanka. La seule qui y ressemble est l'exemple du haut de la colonne du milieu.
Archives de la Société russe de géographie

En effet, l'ancêtre de l'ouchanka s'appelle « treoukh ». Ce nom vient des mots russes « три уха », ou « tri oukha » (« trois oreilles »). Il se composait d'un bonnet rond et de trois oreillettes en fourrure qui cachaient les oreilles, la nuque et le front.

Fiodor Solntsev Un marchand de Saint-Pétersbourg avec treoukh, 1872
Fiodor Solntsev

Ces chapkas sont connues en Russie depuis le XVIIe siècle et même les tsarines avaient des treoukhs richement décorés dans leurs armoires. En même temps, les treoukhs étaient très répandus parmi les paysans russes au XIXe et au début du XXe siècle.

On pense qu'ils sont originaires d'Asie centrale et que les Russes les ont probablement empruntés après l'invasion mongole ou dans le cadre d'échanges commerciaux avec les terres asiatiques voisines. L'exemple le plus proche d'un treoukh chez les peuples d'Asie centrale est le malakhaï, un haut bonnet à longues parties latérales rabattables.

Domaine public Kirghize en malakhaï, fragment d'un dessin du début du XIXe siècle
Domaine public

L'un des premiers dictionnaires explicatifs de la langue russe décrit un malakhaï comme un « bonnet à grandes oreilles ». En même temps, un treoukh est aussi une chaude coiffe en fourrure d'hiver avec des oreillettes peuvant être relevées ou abaissées.

Quand l’ouchanka est-elle apparue ?

La première mention de l’ouchanka dans le dictionnaire la désigne comme la forme dialectale d'un chapeau avec des oreillettes. On pense que les premières coiffes appelées de la sorte sont apparues en Russie pendant la guerre civile de 1918-1919. Elles étaient très répandues parmi les opposants des bolcheviks, l'Armée Blanche d'Alexandre Koltchak. Elle avait même une « version d'été » avec une visière.

Domaine public Des soldats de Koltchak en ouchankas et ouchankas à visière
Domaine public

Dans les années 1930, l’ouchanka a fait son apparition dans certains départements navals de l'Armée rouge. Dans les années 1940, elle est devenue la principale coiffe d'hiver de l'armée et le reste encore aujourd'hui. Les oreillettes étaient généralement attachées ensemble en haut, tandis que le front était décoré de l'étoile rouge. Aujourd'hui, l’ouchanka est généralement cousue en fourrure artificielle, mais à l'époque soviétique, elle était fabriquée en peau de mouton.

Joe Bartlett Soldat de l'armée soviétique à la fin de l'URSS
Joe Bartlett

Cependant, l’ouchanka n'était pas seulement un accessoire des formations militaires – elle s’est également ancrée dans la vie quotidienne russe et, en raison de sa chaleur, était très populaire, surtout dans les régions du Nord.

Le film soviétique le plus emblématique, L’Ironie du sort, met en scène les deux personnages masculins principaux avec des ouchankas. L'une (à gauche) a l'air bon marché et faite de fourrure de mauvaise qualité, tandis que l'autre est très présentable. Ce fait rend encore plus dramatique la scène où le personnage prend une douche en portant toujours sa coiffe et son manteau (il était ivre et désespéré).

Eldar Riazanov/Mosfilm, 1975
Eldar Riazanov/Mosfilm, 1975

Tous les Soviétiques portaient des chapeaux comme celui-ci – ou rêvaient d'en porter un semblable.

Sputnik Membres du Komsomol (Organisation de la jeunesse communiste) sur un chantier du Combinat métallurgique de Magnitogorsk en 1943
Sputnik

Les étrangers qui se rendaient en URSS choisissaient toujours de porter une ouchanka.

David Hume Kennedy/Gerald R. Ford Library Le président américain Gerald Ford rencontrant le dirigeant soviétique Leonid Brejnev, 1974
David Hume Kennedy/Gerald R. Ford Library

Comme vous pouvez le voir, Brejnev ne portait pas d'ouchanka. Le fait est que les généraux, les commandants de l'armée et les dirigeants du pays portaient généralement une coiffe « papakha » sans oreillettes.

Et de nos jours ?

Aujourd'hui, les chapeaux ouchankas sont des accessoires à la mode dans le style urbain, très fréquemment portés par les femmes. Il peut aussi de nos jours facilement apparaître sur les célébrités, de Rihanna à Kim Kardashian. Les stylistes du monde entier proposent quant à eux leur version sur la façon de porter et de combiner les tenues avec cet incontournable de l’hiver.

AFP Semaine de la Mode de Berlin
AFP

Dans le même temps, l’ouchanka est toujours un symbole des hommes et des bûcherons sibériens endurcis.

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