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Huibin Liu, jeune Chinois installé à Moscou, sait comment parler russe sans douleur ni ennui

Pavel Kouzmitchev
Huibin Liu, rédacteur de la version en mandarin de Fenêtre sur la Russie, nous fait part de certaines de ses observations sur la langue russe. Il nous donne également quelques conseils pour ne pas avoir d’appréhension au sujet des déclinaisons et apprendre à parler comme des locuteurs natifs. 

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L’auteur de cet article est né et a grandi à Harbin. Son histoire d’amour avec la langue russe dure depuis 15 ans déjà. Au cours de ces années, il a parcouru un chemin qui l’a conduit de ses premières leçons de russe à un emploi dans notre rédaction. Les premières années de son apprentissage ont été très difficiles. Mais, avec le temps, la langue de Pouchkine a commencé à révéler ses secrets à l’étudiant persévérant.

La phonétique est musique et non mathématique

Les cours de phonétique sont incroyablement ennuyeux : « répétez dix fois ce son, faites attention à bien l’articuler ». Mais, la langue n’est pas une expérience que l’on réalise en laboratoire, c’est un organisme vivant qui a son propre rythme. Le russe n’est pas une collection de sons, mais une mélodie où chaque voyelle accentuée est une note dominante. Beaucoup d’étudiants étrangers essaient de reproduire la prononciation des sons telle qu’elle est décrite dans les manuels : toujours de la même façon, toujours proprement, toujours posément. C’est comme chanter du rap au rythme d’un métronome. Cela revient à parler sans âme.

Écoutez des animateurs radio, répétez après eux des phrases entières et non des morceaux de phrases. Écoutez des locuteurs natifs pas uniquement avec les oreilles, mais avec le corps. Ne répétez pas des mots isolés, mais des phrases entières avec l’intonation. Enregistrez-vous et prêtez attention aux endroits où vous accrochez. La meilleure façon d’attraper le bon rythme est de chanter des chansons russes. Cela n’a pas d’importance, si vous faites tomber la pluie quand vous chantez. Vous vous habituerez progressivement à la mélodie de la langue.

Archives personnelles

Un jour, j’ai assisté à cette scène dans un café de Moscou : un touriste italien a commandé un café en disant : « Я хочу капучино ». Le garçon l’a compris, évidemment. Mais, cette prononciation n’a rien de russe. En russe, la syllabe accentuée est la reine. Celles qui ne sont pas accentuées forment sa suite, elles sont douces et soumises.

Les déclinaisons: la bonté même sous des airs terrifiants

Les six cas du russe font peur aux débutants comme un voisin effrayant dans la cage d’escalier qui s’avère être un homme adorable qui fait de bons gâteaux. Les cas donnent la liberté : on peut changer les mots de place sans que la phrase ne perde son sens. Entre nous soit dit, en finlandais, il y a plus de 10 cas ! Quand on le sait, on a envie d’être reconnaissant au russe de faire preuve d’une telle sobriété !

Une fois, dans un bus, j’ai entendu une jeune femme avec un fort accent dire à l’amie qui l’accompagnait : « Я приду к ты завтра ». Son amie l’a corrigée : « К тебе ». Le tour était joué : la faute s’était envolée et la phrase sonnait comme elle le devait.

Les cas sont comme les panneaux de signalisation routière. Au début, ils font peur ; après, ils rendent service. Ils permettent de faire bouger les mots comme on en a envie et de préserver le sens que l’on veut donner à la phrase. Voulez-vous être dramatique et poétique ? Dites : « Тебя я ждал ». Voulez-vous être direct et neutre ? Dites : « Я тебя ждал ».

«Peut-être» en russe, c’est souvent «oui»

Dans un café de Moscou, un jeune homme portant une chapka dit à une jeune femme : « Может быть, завтра сходим в кино ? (On pourrait peut-être aller au cinéma demain ?) ». « Может быть (Peut-être) », répond-elle en (lui) souriant.

Si vous n’êtes pas russophone, vous aurez certainement perçu dans ce может быть l’expression d’un doute. Il n’en est rien. Может быть a souvent le sens de да / oui. Il est un oui atténué qui laisse ouverte la possibilité d’un non. C’est comme noter un rendez-vous dans son agenda au crayon à papier : le projet est formé mais on peut l’effacer.

Dans les relations d’affaires, ce может быть est un signe de souplesse. Dans une conversation entre amis, il permet de ne pas être trop catégorique.

Archives personnelles

L’humour, un sourire entre les mots

En russe, les blagues se cachent souvent derrière un visage sérieux. Les Russes aiment les jeux de mots, l’ironie, l’exagération. « Я жду тебя уже сто лет !  (Cela fait un siècle que je t’attends !) » peut-on s’entendre dire lorsqu’on est en retard de 5 minutes. L’ironie au sujet de soi-même est un jeu communément pratiqué. Gardez toutefois bien à l’esprit que, si les Russes aiment se moquer d’eux-mêmes, il ne faut pas prendre le risque de se moquer d’eux, même sur le ton de la plaisanterie. 

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Comment parler aux Russes sans avoir l’air mal élevé?

Au supermarché, un touriste dit à une cassière : « Дай пакет ! (Donne un sac !) ». La caissière ne répond rien mais son regard en dit long. En russe, дай (impératif de la 2e personne du singulier du verbe дать) a une forte nuance injonctive ou humiliante. Dans cette situation, il faut dire : « Можно пакет ? » ou « Дайте, пожалуйста, пакет ». L’intonation a évidemment beaucoup d’importance : si elle est égale, sèche, vous passerez pour un mécontent, même si vous n’êtes que fatigué. Inutile de tomber dans l’excès contraire et d’afficher un sourire aussi large que celui d’un clown. N’attendez pas non plus qu’on vous sourie. En Russie, le sourire n’est pas une marque de politesse forcée, mais le signe d’une bonne disposition à l’égard de celui à qui on l’adresse.

Dans cet autre article, découvrez dix mots français qui n’existent pas dans la langue russe.