Qu’ont trouvé les Russes dans un lac relique de l’Antarctique?

Qu’ont trouvé les Russes dans un lac relique de l’Antarctique?
NASA; Alexeï Nikolski/Sputnik
Le lac sous-glaciaire Vostok en Antarctique a été découvert il y a plus de 10 ans et a immédiatement été considéré comme le plus grand mystère de la planète. Pendant 14 millions d’années, il a été complètement isolé du monde extérieur.

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Il y a un peu plus de dix ans, des scientifiques russes ont foré un puits dans le lac relique Vostok en Antarctique, qui avait été totalement isolé du monde extérieur pendant des millions d’années. Vostok est un lac sous-glaciaire géant, dont la taille est comparable à celle de l’État du Qatar. Jusque dans les années 1990, personne n’était sûr de son existence.

Il a été salué comme la dernière grande découverte géographique de l’histoire de la Terre, ainsi que comme la « clé » pour comprendre s’il y a de la vie sur le satellite de Jupiter, Europe. Sous l’épaisse carapace de glace de ce corps céleste se trouve un océan sous-glaciaire qui pourrait abriter des organismes semblables à ceux que l’on trouve dans les eaux de Vostok, c’est-à-dire résistants à des conditions extrêmes.

Or, les scientifiques ont réussi à découvrir quelque chose.

Comment le lac a été découvert

Qu’ont trouvé les Russes dans un lac relique de l’Antarctique?
NASA

C’est en 1957 qu’une expédition soviétique a commencé à explorer cette région pour la première fois. Les scientifiques se sont déplacés à l’aide d’un train traineau-tracté, capable de franchir les plaines enneigées du glacier.

C’est au centre du continent que les scientifiques ont établi la première station de recherche Vostok (signifiant « Est », « Orient », en russe), qui a ensuite donné son nom au lac. La station était presque totalement isolée du monde extérieur : le rivage le plus proche se trouvait à 1 260 kilomètres et la station de recherche la plus proche à 1 410 kilomètres. C’est également là que se trouve le pôle du froid – y a été enregistrée la température la plus basse de la planète : moins 89,2 degrés Celsius.

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P. Astakhov/Sputnik

Après avoir équipé la station, les explorateurs polaires ont commencé à forer le glacier dans les années 1960. Cependant, leurs objectifs étaient un peu moins ambitieux que la recherche des plus anciens lacs de la planète. Les scientifiques voulaient obtenir ce que l’on appelle une carotte glaciaire – une colonne de glace qui est généralement prélevée dans les profondeurs des glaciers. Des bulles d’air et des particules plus solides s’y accumulent souvent, ce qui permet d’analyser de plus près la composition de l’atmosphère et du sol de la Terre il y a des millions d’années. C’est pourquoi la station Vostok est aujourd’hui considérée comme l’une des principales sources d’information sur le climat ancien de la planète.

Au départ, il était prévu de forer avec des obus thermiques, mais ceux-ci n’ont pu atteindre qu’une profondeur de 50 mètres. Le projet de forage atomique a également été envisagé. À l’aide d’un réacteur nucléaire, les scientifiques voulaient faire fondre toute la glace jusqu’à la profondeur requise, mais ce projet a été abandonné en raison des risques importants qu’il comportait. Le forage a véritablement commencé à la fin des années 1960, lorsque des professionnels de l’Institut minier de Leningrad sont arrivés sur le continent. Ils ont creusé le premier puits dans la glace à une profondeur de 560 mètres.

Qu’ont trouvé les Russes dans un lac relique de l’Antarctique? Scientifiques français, soviétiques et américains à la station Vostok avec des carottes glaciaires
Todd Sowers/LDEO, Columbia University

L’existence d’un lac sous la glace à cet endroit a été sérieusement envisagée pour la première fois dans les années 1970. Des collègues britanniques ont scanné le glacier à l’endroit même où se trouvait la station soviétique. Ils ont alors découvert le reflet dit « plat » sous la glace et ont suggéré qu’il pourrait s’agir de la limite entre l’eau et la glace, ce qui signifiait que quelque part dans les profondeurs du glacier, il y avait bel et bien quelque chose.

Cependant, la véritable percée dans l’étude des masses d’eau souterraines de l’Antarctique a été réalisée en 1996 par les chercheurs russes Andreï Kapitsa et Igor Zotikov de l’Institut de géographie de l’Académie russe des sciences. En collaboration avec des scientifiques britanniques, ils ont rassemblé toutes les données provenant d’observations radar et satellite de cette zone et ont tiré la conclusion finale : à une profondeur d’environ quatre kilomètres, pendant des millions d’années un lac glaciaire géant s’était caché de l’humanité. Sa superficie est de 10 000 kilomètres carrés et sa profondeur moyenne de 125 mètres.

Une eau inaccessible

Qu’ont trouvé les Russes dans un lac relique de l’Antarctique?
LEhAN (CC BY-SA 4.0)

Au moment de cette découverte à la station Vostok, un puits de 3 100 mètres de profondeur avait déjà été foré. Le lac n’était qu’à 130 mètres.

Cependant, les scientifiques ont dû interrompre le forage et mettre le puits sous cocon. Le problème est qu’à l’époque, un mélange spécial d’éléments chimiques – paraffine et fréon – était utilisé pour faire fondre la glace. Ce mélange ne gelait pas aux températures extrêmes de l’Antarctique et permettait de contenir la pression de la carapace de glace à de grandes profondeurs de forage. À l’époque, le fréon avait déjà été reconnu comme nocif pour l’atmosphère et interdit. En outre, les chercheurs craignaient que les produits chimiques toxiques qui se retrouvaient dans l’eau ne gâchent non seulement les résultats de l’étude du lac souterrain Vostok, mais détruisent également la vie qui aurait pu y vivre pendant les 14 millions d’années d’isolement.

Qu’ont trouvé les Russes dans un lac relique de l’Antarctique?
V. Tchistiakov/Sputnik

Les scientifiques devaient donc trouver une méthode de forage moins dangereuse pour l’écosystème. La recherche a duré encore huit ans.

Les travaux d’extraction d’échantillons d’eau n’ont repris qu’en 2006, mais même à cette époque, de nouvelles méthodes n’ont pas permis aux participants de l’expédition antarctique d’atteindre le lac tant convoité : tantôt des accidents techniques se produisaient, tantôt le financement s’épuisait. C’est pourquoi les scientifiques n’ont pu accéder directement au lac que le 5 février 2012, mais le puits a été immédiatement bloqué, faute de financement.

Comme d’une autre planète

Qu’ont trouvé les Russes dans un lac relique de l’Antarctique?
Akulovz (CC BY 4.0)

La deuxième fois que les scientifiques ont atteint le lac, c’était en 2015, et cette tentative a porté ses fruits. Dans les échantillons d’eau, ont été trouvés 49 ADN d’organismes divers. Certes, la plupart d’entre eux provenaient de la surface de la planète, mais deux ont suscité un réel intérêt chez les biologistes.

L’un des échantillons était similaire à une bactérie aquatique qui, en théorie, devrait vivre principalement dans les sols marécageux, pas dans les eaux glaciaires soumises à une pression et à une température extrême.

Le second échantillon, en revanche, était totalement inconnu des scientifiques, et son génome ne correspondait aux micro-organismes déjà connus qu’à 86%. « Si nous avions montré l’ADN de l’organisme dont nous avons confirmé la détection en 2016 sans prévenir de sa provenance... On nous aurait demandé s’il venait de cette planète », explique Sergueï Boulat, qui a dirigé les travaux sur les échantillons d’eau du lac Vostok.

Qu’ont trouvé les Russes dans un lac relique de l’Antarctique? Flacon contenant un échantillon des eaux du lac Vostok
Alexeï Nikolski/Sputnik

Cependant, ces études n’ont pas été poursuivies. Ultérieurement, l’argent destiné à l’étude des régions profondes du lac Vostok n’a plus été alloué, ce qui s’explique par le changement de direction : le pôle Nord est devenu la priorité, au détriment du Sud. Toutefois, Sergueï Boulat continue d’étudier les échantillons prélevés précédemment.

En 2018, il a ainsi découvert un autre habitant du lac Vostok – la bactérie (bacille) marini Lactobacillus sp. Les bacilles se nourrissent de matière organique. Or, cette dernière est pratiquement absente dans l’eau du Vostok, ce qui implique la présence possible d’endroits saturés de nutriments à de plus grandes profondeurs.

Dans cet autre article, nous vous présentions les stations que possède la Russie en Antarctique.

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