Porte-bonheur au haut-de-forme: le métier de ramoneur dans la Russie tsariste
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Un visage maculé de suie, un costume noir pratique, souvent rehaussé d’un col ou d’une ceinture de couleur blanche : il était facile de repérer un ramoneur dans les rues de la Russie tsariste. Avec le temps, le haut-de-forme noir devint son attribut incontournable (comme c’était le cas un peu partout en Europe).
Une sorte de clin d’œil moqueur à l’aristocratie, ce couvre-chef s’est pourtant révélé pratique : il permettait de ranger de petits outils et des crayons. Une pelle à cendres était suspendue à la ceinture du ramoneur, tandis qu’une corde munie d’une lourde boule en fonte, utilisée pour déboucher les cheminées, était portée en bandoulière. Le tout était complété par divers types de brosses sur cannes pliables, des grattoirs et un sac à suie.
Ce métier exigeait une endurance et une agilité exceptionnelles : seuls des hommes ou des adolescents forts, minces et souples pouvaient se faufiler dans les cheminées étroites. C’était un travail à la fois laborieux et périlleux : il fallait escalader les toits par tout temps et descendre dans des espaces étroits et noircis par la suie. Sans surprise, cette profession attirait surtout des hommes des classes populaires et des paysans venus en ville chercher un emploi sans capital de départ.
Deux catégories de ramoneurs coexistaient : les ramoneurs « francs », qui répondaient aux commandes privées, et les ramoneurs d’État, chargés d’assurer l’entretien des bâtiments municipaux et gouvernementaux.
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Malgré leur statut social modeste et les restrictions liées à la nature de leur métier - certains rapports indiquent qu’il leur était même interdit de marcher sur les trottoirs -, les ramoneurs étaient entourés d’une aura mystique dans l’imaginaire populaire. Ils étaient engagés entre ciel et terre, en contact direct avec le feu et ses dangers, et croiser l’un d’eux était considéré comme un porte-bonheur, surtout avant un événement important. Pour attirer cette chance, il suffisait de toucher les boutons étincelants de leur uniforme.
Ce métier, extrêmement risqué, offrait une rémunération relativement intéressante : au milieu du XIXᵉ siècle, nettoyer quatorze cheminées coûtait 1 rouble d’argent, et un ramoneur pouvait gagner jusqu’à 30 roubles par mois, soit de quoi acheter, par exemple, 68 kg de viande. Ils bénéficiaient en outre d’un accès gratuit aux bains publics de Saint-Pétersbourg.
Avec l’essor du chauffage central, la demande en ramoneurs a bien évidemment diminué, mais la profession n’a pas disparu pour autant. Aujourd’hui, les ramoneurs combinent leurs cordes, poids et brosses traditionnels avec les caméras et logiciels de diagnostic pour inspecter et surveiller les conduits. Toutefois, les acrobaties d’autrefois dans les cheminées étroites ne sont plus nécessaires.
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