En URSS, comment mit-on progressivement à bas le culte de la personnalité de Staline?
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En URSS, pendant près de vingt ans régna le culte de la personnalité de Joseph Staline. Films, tableaux, chansons, articles de presse et monuments... tout participait à la glorification du « petit père des peuples » et du « grand guide et maître ».
Le 25 février 1956, Nikita Khrouchtchev donna lecture aux délégués envoyés au XXe Congrès du PCUS d’un rapport « secret » dans lequel il critiquait la manière dont Joseph Staline avait présidé au destin du Parti communiste et de l’URSS. Mais, les premières mesures concrètes concernant la dénonciation du culte de la personnalité avaient été prises quelques jours seulement après la mort du leader soviétique le 5 mars 1953.
Déstalinisation en douceur
Dès mars 1953, lors de la première réunion à huis clos du Présidium du Comité central du PCUS qui suivit la mort de Joseph Staline, Gueorgui Malenkov, alors président du conseil des ministres, déclara : « Nous considérons comme indispensable de mettre un terme à la politique du culte la personnalité. Il est impensable de publier les propos d'un seul homme ».
Il ne s’agissait pas d’une critique précisément à l’adresse de Joseph Staline. La direction du pays avait décidé de renoncer au culte et à la glorification d'une personne unique au profit de la célébration du Comité central du Parti en tant qu'organe collégial du pouvoir.
Lors du plénum du Comité central du PCUS, en juillet de la même année, Joseph Staline fut présenté comme un théoricien incompétent du marxisme-léninisme. Son nom fut cité de plus en plus rarement dans la presse. En 1954, on cessa de publier les livres dont il était l’auteur. L’année suivante, on envisagea de supprimer son nom de l’hymne de l’URSS.
Une commission d’enquête sur les raisons des répressions de masse fut également mise en place sous la présidence de Piotr Pospelov, secrétaire du Comité central du PCUS. Nikita Khrouchtchev en reprit certains éléments pour préparer le rapport intitulé « Du culte de la personnalité et ses conséquences » qu’il présenta aux délégués du XXe Congrès du PCUS en février 1956.
Démarche non dénuée de courage
Dans son rapport, Nikita Khrouchtchev faisait peser toute la responsabilité de la terreur de masse qui avait régné dans le pays de la fin des années 1930 au début des années 1950 sur Joseph Staline. Il soulevait également la question de la réhabilitation des victimes des répressions. Lorsque le contenu de ce rapport fut connu en URSS et dans les pays du bloc socialiste, il y fit l’effet d’une bombe.
Parmi les raisons qui poussèrent Nikita Khrouchtchev à dénoncer la politique de Joseph Staline, on cite souvent la nécessité de faire retomber la pression qui commençait à se faire sentir au sein de la population soviétique qui attendait des changements après la mort de son guide, la volonté de prendre ses distances vis-à-vis des répressions auxquelles il avait lui-même participé.
« Khrouchtchev cherchait à dissiper l’ombre du dictateur qui portait sur tous ceux qui le craignaient. Il voulait convaincre ceux qui l’entouraient qu’il – concrètement lui – pourrait assurer la viabilité de ce qu’on appelait alors les ʺprincipes de la direction collégialeʺ et, par son autorité, garantir à l’appareil du Parti que de pareilles répressions ne se reproduiraient plus », estime l’historien Kirill Boldovski.
Dans ses mémoires, Nikita Khrouchtchev écrivit : « Celui qui veut réellement établir au sein de notre Parti les principes léninistes, et non stalinistes, doit tout faire pour dénoncer Staline et juger les méthodes staliniennes. Il faut impérativement réhabiliter les personnes intègres – nombre d’entre elles ne l’ont pas encore été – et dénoncer l’illégalité qui existait alors pour que le spectre même de telles méthodes ne puisse venir nous hanter ».
Déstalinisation effective
La révision des jugements des personnes condamnées pour « crimes contre-révolutionnaires » à l’époque stalinienne et la réhabilitation des victimes des répressions prit rapidement de l’ampleur.
Le nom du « petit père des peuples » fut effacé de la vie publique : on ne décerna plus de prix Staline, on renomma les stations de métro, les usines, les parcs, les établissements d’enseignement supérieur qui le portaient.
En 1961, lors du XXIIe du Congrès du PCUS, la critique de Joseph Staline et du système politique qu’il avait créé se fit plus dure encore. Dans la nuit du 31 octobre, qui suivit la fin des travaux du Congrès, le cadavre embaumé de Joseph Staline fut retiré du mausolée où il reposait à côté de celui de Vladimir Lénine et enterré dans la nécropole le long du mur nord-est du Kremlin.
Les changements de nom de villes, dont Stalingrad, se poursuivirent. Les monuments à l’effigie de Joseph Staline étaient démontés dans tout le pays.
À partir de 1964, après l’arrivée de Léonid Brejnev à la tête du pays, la critique du culte de la personnalité de Joseph Staline se fit nettement moins vive. La direction du PCUS préconisait une « attitude plus équilibrée » à son égard et à celui de sa politique. En 1970, un monument fut installé sur sa tombe.
Dans cet autre article, nous vous révélions le destin qu’ont connu les membres de la famille de Staline.