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Que montre Vladimir Makovski sur ses tableaux Le Condamné et L’Acquittée?

Galerie Tretiakov; Musée russe
Ces deux toiles sur le même thème ne peuvent que susciter l’émotion de leurs spectateurs: l’une les fait pleurer et l’autre, se réjouir.

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Sujet dans l’air du temps

Dans les années 1870, de nombreux révolutionnaires se réclamant du mouvement des narodniki (народники) furent jugés lors de procès retentissants. Toute la Russie suivait le déroulement de ces affaires. On composait des odes à ces jeunes idéalistes, de grands auteurs, comme Nikolaï Nekrassov et Mikhaïl Saltykov-Chtchedrine, leur consacraient des articles.

Musée russe

L’un des procès les plus importants de cette époque fut celui des 50, qui s’ouvrit à Saint-Pétersbourg au début de l’année 1877. 53 hommes et femmes étaient accusés d’avoir formé une société secrète et fomenté un coup d’État. Ils étaient tous jeunes et s’étaient fait recruter dans des usines et des fabriques. Ils parlaient avec les ouvriers de leur condition peu enviable et de la possibilité d’organiser un soulèvement armé. Ils furent tous condamnés. Leurs peines allèrent de 3 à 10 ans de bagne en Sibérie.

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Le peintre Vladimir Makovski fut l’un de ceux qui assistèrent aux audiences. Le spectacle de la justice lui inspira deux tableaux : Le Condamné (1879) et L’Acquittée (1882).

Dernière rencontre avec leur enfant

« Le tableau de Makovski fait pleurer », dit le peintre Ivan Kramskoï, qui avait sans doute raison. Au centre de la toile, le jeune condamné porte déjà le manteau des prisonniers. Il est extrait de la salle du tribunal par des gendarmes armés de sabres qui repoussent ses parents. De toute évidence, c’est la dernière fois que le jeune homme les voit avant de partir pour le bagne. À la façon dont il tient sa casquette, on comprend à quel point ce moment est éprouvant.

L’un des soldats armés d’un fusil à baïonnette est visiblement irrité par la mère suppliante. Derrière elle, un jeune homme portant un vieux touloupe (manteau d’hiver) attaché avec une corde pleure. Il s’agit certainement du frère du condamné. À gauche, derrière l’un des gendarmes, se tient un homme âgé, le père. Dans la pénombre, on distingue deux avocats qui discutent, indifférents à la tragédie qui se joue sous leurs yeux.

Vladimir Makovski peignit deux tableaux représentant cette scène. Sur l’un, le condamné est un paysan. Sur l’autre, le jeune homme est un étudiant. Beaucoup furent heurtés par le choix osé du sujet de ces toiles qui dérangeait leur tranquillité. D’autres apportèrent leur soutien au peintre. « Tout est à sa place ici, tout se déroule parfaitement ici. Seules quelques vies humaines et personnes sont déchirées et brisées », écrivait Vladimir Stassov, un célèbre critique de la seconde moitié du XIXe siècle.

Le Condamné appartient aux collections du Musée russe.

Retour de la fille

Trois ans Le Condamné, Vladimir Makovski peignit un pendant au Condamné. La scène représentée sur L’Acquittée se déroule dans la salle du tribunal : le verdict vient d’être prononcé et la jeune femme a été relaxée. Ses parents et sa sœur cadette, soulagés comme elle, l’entourent. Elle serre contre elle son enfant dont elle craignait d’être séparée.

Galerie Tretiakov

Les juges et les jurés quittent la salle d’audience. Un gendarme lance un regard désapprobateur à la famille qui se réjouit. Un avocat est témoin de leur joie. Cette jeune femme a eu de la chance. Dans les années 1870-1880, plus de cent femmes furent condamnées pour motifs politiques.

En 1900, Vladimir Makovski peignit une seconde version de son Acquittée. Il était insatisfait de l’ambiance trop apaisée de sa toile de 1882. Sur ce second tableau, les silhouettes des personnages qui sortent du tribunal sont moins précises, la grille derrière laquelle se trouve le banc des accusés est plus haute et massive que sur la première toile. À l’arrière-plan, on distingue un portrait d’Alexandre II, le tsar sous qui furent institués les jurys populaires.

Ces deux toiles sont conservées à la Galerie Tretiakov.

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