En images: six artistes russes qui vécurent et travaillèrent longtemps en Occident
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Karl Brioullov (1799-1852)
Comme de nombreux artistes de son époque, Karl Brioullov, peintre russe né de parents français établis à Saint-Pétersbourg, avait une passion pour l’Italie. Une bourse de l’Académie impériale des beaux-arts lui permit de s’y rendre en 1822. Il devait y réaliser une copie de L’École d’Athènes de Raphaël. Il y peignit Matin italien (1823), tableau qui plut infiniment au tsar Nicolas Ier, et Midi italien (1827), dont la sensibilité à la limite de l’érotisme suscita les critiques de ce même souverain.
Karl Brioullov n’en eut cure. Il passe douze années en Italie, bien plus que le temps nécessaire à un voyage d’études. Il y fit la connaissance de la comtesse Ioulia Samoïlova avec qui il entretint une longue relation. Il la peignit sur un grand nombre de ses tableaux. Ce fut également en Italie qu’il réalisa Le dernier jour de Pompéi (1830-1833) avant de rentrer en Russie en 1834.
Après avoir séjourné quelque temps au Portugal, Karl Brioullov s’établit en Italie en 1849. Il espérait y soigner sa santé compromise par son travail dans les églises de Saint-Pétersbourg. Il y resta jusqu’à sa mort en 1852. En tout, il aura passé quatorze années de sa vie hors de Russie.
Voir notre article consacré aux toiles les plus célèbres de Karl Brioullov
Vassili Kandinsky (1866-1944)
L’un des fondateurs du courant de l’abstractionnisme vint étonnamment tard à la peinture : il avait déjà trente ans. Sa famille lui avait imposé de faire des études de droit pour exercer un bon métier. Il essaya de faire de son mieux : il sortit diplômé de l’Université de Moscou, dirigea une imprimerie et fut invité à occuper un poste d’enseignement à l’université de Dorpat (aujourd’hui, Tartu), en Estonie. Un jour, il vit la toile de Claude Monet Les meules (1890-1891) et sa « passion ancienne et désespérée pour la peinture » se ranima. En 1896, il abandonna sa carrière de juriste et partit pour Munich étudier la peinture.
Ce fut en Allemagne que Vassili Kandinsky élabora sa théorie de l’art abstrait, devint un des chefs de file de l’avant-garde, créa le groupe du Cavalier Bleu. En 1914, après le début du conflit mondial, il rentra en Russie et y passa sept ans. En 1921, il repartit pour l’Allemagne enseigner la peinture à l’Ecole du Bauhaus. Il quitta l’Allemagne nazie au début des années 1930 et s’installa en France où il resta jusqu’à sa mort.
Bien qu’il passa la plus grande partie de sa vie d’adulte à l’étranger, qu’il fut naturalisé allemand puis français, Vassili Kandinsky insista toujours sur ses racines russes. Sur ses premiers travaux, on sent l’influence du folklore russe et de l’art des icônes. On comprend qu’ils répondent à une recherche spirituelle. C’est pourquoi il est considéré comme un peintre russe, même s’il vécut en tout quarante-sept ans à l’étranger.
Voir notre article consacré aux toiles les plus célèbres de Vassili Kandinsky
Marc Chagall (1887-1985)
Marc Chagall passa la plus grande partie de sa vie à l’étranger et, en particulier, en France. Pourtant, il ne put jamais oublier Vitebsk, sa ville natale. Aîné d’une famille nombreuse, il devint peintre contre la volonté de son père. Il se souvenait comment ce dernier lui avait jeté par terre l’argent pour un voyage à Saint-Pétersbourg en lui disant qu’il n’aurait pas un kopeck de plus.
Le jeune homme fréquenta l’École de dessin de la société d’encouragement des arts dirigée par Nicolas Roerich (il y avait été accepté en troisième année sans examens). Il poursuivit son apprentissage auprès de Léon Bakst à l’École d’art privée Zvantseva. En 1911, il partit étudier à Paris. De retour à Vitebsk trois ans plus tard, il épousa Bella, une jeune femme qu’il aimait depuis longtemps.
Marc Chagall passa les huit années suivantes en Russie où il fut témoin des Révolutions de 1917. En 1915, il travailla pour le comité militaro-industriel. En 1919, il ouvrit à Vitebsk une école d’art, dessina et réalisa costumes et décors pour le Théâtre juif de Moscou.
En 1922, il quitta la Russie soviétique d’abord pour la Lituanie, puis l’Allemagne et la France. Il ne vint en URSS que pour de courts séjours. Il vécut essentiellement en France qu’il considérait comme sa seconde patrie. La campagne russe, Vitebsk et le shtetl de cette ville de Biélorussie imprègnent presque toute son œuvre. Il passa soixante-six ans des quatre-vingt-dix-huit de sa longue vie hors de Russie.
Voir notre article consacré aux toiles les plus célèbres de Marc Chagall
Natalia Gontcharova (1881-1962) et Mikhaïl Larionov (1881-1964)
En 1915, Natalia Gontcharova et son mari Mikhaïl Larionov quittèrent la Russie pour la Suisse à l’invitation de Sergueï Diaghilev. Ce dernier souhaitait leur confier la réalisation de costumes et de décors de spectacles présentés dans le cadre de ses Saisons Russes à Paris. Ce qui ne devait être qu’un séjour de quelques mois se transforma en une émigration pour la vie.
Après avoir collaboré avec Sergueï Diaghilev en Suisse et dans d’autres pays d’Europe occidentale, les deux artistes s’établirent à Paris où ils vécurent un demi-siècle. Ils participèrent activement à la vie artistique de la capitale française, continuèrent de travailler pour le théâtre (avec Sergueï Diaghilev ou pas) et développèrent leur art (une synthèse de l’avant-garde avec les traditions russes des icônes et du loubok), collaborèrent avec de grands couturiers.
Natalia Gontcharova créait dans des domaines très différents : toiles, esquisses pour le théâtre, illustrations de livres (dont les œuvres d’Alexandre Pouchkine éditées en France). Elle fut l’une des figures les plus en vue de l’émigration artistique russe et du monde des arts parisien. Son œuvre permet de parcourir la distance qui sépare l’avant-garde russe et le modernisme européen.
S’il avait créé ses œuvres les plus radicales et novatrices en Russie (rayonnisme et néo-primitivisme), Mikhaïl Larionov demeura à Paris une éminente figure du monde des arts. À travers le théâtre, en particulier, il établissait un pont entre l’avant-garde russe et les courants artistiques européens. Sa femme et lui surent préserver leurs traditions nationales et influencèrent considérablement la vie culturelle parisienne.
Zinaïda Serebriakova (1884-1967)
Zinaïda Serebriakova appartenait à la célèbre dynastie artistique des Benois-Lanceray-Sérébriakov. Elle quitta l’URSS en 1924 pour réaliser une commande à l’étranger et gagner de l’argent pour subvenir aux besoins de sa famille restée à Petrograd. Ce voyage qui ne devait durer que quelques mois fut sans retour. Elle eut de grandes difficultés à faire sortir ses quatre enfants d’URSS.
Les premières années de son séjour à Paris furent très éprouvantes : ses enfants lui manquaient, elle connut la misère et lutta pour survivre. Elle se fit progressivement une réputation de portraitiste. Après avoir réalisé une importante commande, elle fit un voyage au Maroc avec deux de ses enfants qui avaient pu la rejoindre. Ce pays fut une puissante source d’inspiration dont témoigne sa célèbre série d’études et de toiles marocaines où dominent la lumière et l’exotisme.
Sa période parisienne est essentiellement constituée de portraits (souvent de commande) et de nus. Ses œuvres inspirées par le Maroc sont le triomphe de la couleur et de la joie.
Ses toiles sont souvent empreintes de nostalgie pour la vie sur les domaines campagnards en Russie. Son talent fut reconnu et des expositions lui furent consacrées tardivement : dans les années 1960, à la fin de sa vie et après sa mort.
Dans cette autre publication, découvrez les six œuvres les plus gigantesques de la peinture russe.