Dix scènes de la vie militaire sur des assiettes de la manufacture impériale russe

Outre sur Telegram, Fenêtre sur la Russie diffuse désormais du contenu sur sa page VK! Vidéos, publications dédiées à l’apprentissage du russe et plus encore dans notre communauté
Sous-officier d’un régiment de cuirassiers de la Garde de l’armée du roi de Prusse, 1830

En 1817, le grand-prince Nikolaï Pavlovitch (le futur Nicolas Ier) visita Berlin. Durant son séjour en Prusse, il participa à des manœuvres militaires et impressionna ceux qui l’y côtoyèrent par ses parfaites connaissances du règlement et des formations militaires. Le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III nomma Nikolaï Pavlovitch commandant du IIIe régiment du Brandebourg. De nombreuses années plus tard, dans les rangs de l’armée prussienne, Nicolas Ier était appelé l’Empereur. Le souverain russe fit fabriquer par la manufacture impériale une série d’assiettes sur lesquelles étaient représentés des officiers prussiens. Il souhaitait en faire le présent au roi de Prusse.
Soldats du régiment Semionovski, 1841

Ce régiment fut fondé par Pierre le Grand comme son armée de divertissement (потешное войско / potièchnoïé voïsko) : elle était composée de serviteurs de la cour et de leurs enfants. Le régiment de la Garde Semionovski servit les monarques russes durant de longues années. En 1820, Alexandre Ier, qui en était le commandant, nomma à sa place le colonel Théodore Schwartz. Celui-ci instaura ses règles, relativement strictes. Quelques mois plus tard, des soldats se rebellèrent : ils ne présentèrent pas à l’appel, refusèrent de prendre leur tour de garde et se plaignirent de la cruauté du colonel Schwartz. Ils furent désarmés et emprisonnés à la forteresse Pierre-et-Paul. Les soldats des autres compagnies prirent la défense de leurs camarades : ils exigèrent qu’ils soient libérés ou, à défaut, d’être eux aussi mis aux arrêts, ce qu’ils furent effectivement. Le régiment Semionovski fut dissous, ses soldats envoyés dans des garnisons lointaines ou au bagne. Le colonel Schwartz fut mis à la retraite sans le droit de porter l’uniforme. Le régiment fut reformé plus tard.
À ne pas manquer : Cette artisane crée de magnifiques mosaïques à partir de vaisselle
Bataille du Danube, 1833

Cette série d’assiettes illustre plusieurs épisodes de la guerre russo-turque de 1828-1829 : on y voit des villes et le théâtre de plusieurs opérations militaires. Deux semaines après que la Sublime Porte eut déclaré la guerre à la Russie, l’armée russe était sur le Danube, le passa, prit Varna, puis Silistra et remporta une victoire à Koulevtcha. Cette campagne militaire s’acheva par la signature du traité d’Andrinople en vertu duquel la Russie obtint le littoral oriental de la mer Noire et le libre passage des détroits du Bosphore et des Dardanelles pour ses navires marchands.
Officier subalterne du régiment de la Garde de Volhynie (garde Volynski), 1833

C’est un événement qui se passa réellement qui est représenté ici. En 1831, la Ire compagnie de chasseurs poursuit les armées polonaises en retraite sur la route de Kowno (Kaunas) qui mène à Wilno (Vilnius). Durant le soulèvement de Pologne, ce fut l’un des premiers affrontements dans lesquels fut engagé le régiment de Volhynie. Les insurgés cherchaient alors à rétablir la Rzeczpospolita dans ses frontières du XVIIIe siècle. Le porte-étendard Grigori Gogel fut décoré de l’ordre de Sainte-Anne pour sa bravoure au combat. Plus tard, il gravit les échelons de la hiérarchie militaire jusqu’au grade d’adjudant-général et fut nommé précepteur des fils d’Alexandre II.
Soldats de la compagnie des grenadiers du palais, 1829

Si des soldats sont représentés dans les intérieurs du palais d’Hiver, c’est qu’ils montaient la garde dans la résidence impériale lors des cérémonies auxquelles les souverains étaient présents et qu’ils y veillaient à l’ordre. Seuls les soldats qui s’étaient distingués au service et avaient combattu étaient recrutés sur l’ordre du monarque lui-même dans la compagnie des grenadiers du palais. Sur la centaine de soldats qui la composaient, 65 étaient cavaliers de l’ordre de Saint-Georges. On dit que les esquisses des uniformes des grenadiers furent dessinées par le tsar Nicolas Ier lui-même. La somptuosité de ces uniformes valut à la compagnie d’être appelée « la compagnie dorée ».
Cuirassier du régiment de cavalerie de la Garde, 1829

Les assiettes décorées de soldats et de scènes militaires étaient réalisées pour les empereurs et sur leur commande pour être offertes. Ce fut notamment le cas de ces assiettes sur lesquelles étaient représentés des soldats du régiment de cavalerie de la Garde que les tsars commandaient. Le roi Frédéric-Guillaume III de Prusse appréciait particulièrement la porcelaine impériale russe. Ses collections comptaient plus de 250 pièces de porcelaine aux sujets militaires. Elles étaient placées dans des cadres accrochés aux murs comme des tableaux de prix.
À ne pas manquer : les dessins de la Manufacture impériale de porcelaine russe défient le temps
Soldats du régiment de la Garde Gatchina, 1872

L’histoire de ce régiment remonte à la compagnie de chasseurs de l’armée de divertissement de l’héritier Pavel Petrovitch (le futur Paul Ier) stationnée à Gatchina. Sous Alexandre II, les compagnies de chasseurs furent renommées en compagnies d’infanterie. C’est alors que celle de Gatchina prit officiellement ce nom (avant de le perdre en 1871). On racontait qu’un jour, lors d’une revue, au salut de l’empereur Alexandre II : « Salut, vieille compagnie de chasseurs ! », un général qui servait de longue date dans la compagnie répondit : « Non, Votre Majesté Impériale, je suis un jeune chasseur de Gatchina ! ».
Tambour-major et porte-étendard de l’équipage de la Garde, 1832

Les Romanov avaient l’amour de la mer dans le sang. Les premiers yachts à voiles russes datent du règne de Nicolas Ier. En 1825-1826, on construisit pour lui L’Amitié, un voilier armé de 12 canons. Sa décoration sculptée était somptueuse et un guerrier de l’Antiquité en ornait la proue. Entre les sabords, on fixa pour la première fois des aigles bicéphales sur fond azur. Nicolas Ier naviguait souvent dans le golfe de Finlande à bord de L’Amitié. L’équipage était formé à partir de celui de la Garde.
Soldats du régiment lituanien de la Garde, 1834

Le régiment lituanien appartenait à la division dite de Varsovie. Il était placé sous le commandement du tsarévitch Constantin Pavlovitch, gouverneur et chef des armées de Pologne entre 1826 et 1830. Les paysages et les fonds des assiettes au décor militaire sont généralement très fidèles à la réalité. Ainsi, sur ce plat, on peut voir les intérieurs du palais du gouverneur de Pologne avec l’incendie qui le détruisit en 1852. Il fut reconstruit 4 ans plus tard.
Soldat du rang et tambour de l’équipage de la Garde, 1832

Sur cette assiette, on voit des soldats représentés devant le légendaire vaisseau Azov, probablement à Kronstadt. Le vaisseau amiral de la flotte russe remporta une victoire sur cinq navires turcs lors de la bataille de Navarin en 1827. Il fut le premier vaisseau à avoir été décoré du drapeau et du fanion de Saint-Georges pour son courage et sa hardiesse.
* Cet article a été rédigé après la consultation du livre de Ekatarina Khelmnitskaïa publié sous le titre « La Porcelaine Impériale. "À la gloire de la Russie et de nos souvenirs militaires…". La collection V.S. Goloubiev » en 2025 aux éditions Polanski.
En suivant le lien, découvrez ces figurines de porcelaine représentant les peuples de Russie tsariste