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Qui étaient les droujinniki de l’époque soviétique?

Alexandre Sentsov / TASS
À l’époque soviétique, des milliers puis des millions de citoyens assistèrent bénévolement la milice pour maintenir l’ordre dans les villes.

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Dans la Russie tsariste déjà, des gens du peuple se portaient bénévoles pour aider les autorités à maintenir l’ordre. Ce fut à l’époque soviétique que cette pratique fut élevée au rang d’institution et que les auxiliaires civils de la milice, désormais organisés en un corps spécifique, furent investis de fonctions bien précises.

Brigades supplétives de la milice

Après la fin de la guerre civile, durant la période de la nouvelle politique économique (NEP), l’Union soviétique dut faire face à une augmentation impressionnante du nombre d’enfants abandonnés ou livrés à eux-mêmes et à une croissance spectaculaire de la délinquance. Des citoyens ordinaires choisissaient alors de se mettre au service de la milice (nom donné à la police de 1917 à 2011), dont les effectifs étaient insuffisants pour faire face à la situation.

À cette époque, aucune structure ne fut créée pour incorporer ces bénévoles. Ils se regroupaient eux-mêmes dans des cercles appelés Осодмилы pour общества содействия милиции (Osodmily pour sociétés d’assistance à la milice) et formaient un vivier pour le recrutement dans les forces de l’ordre.

Dans les années 1920, les auxiliaires civils de la milice avaient le droit de porter une arme et d’interpeller les contrevenants à la loi.

Dans les années 1930, près de 50 000 personnes avaient rejoint les rangs d’Osodmily.

En 1932, ces sociétés furent transformées en brigades d’assistance à la milice (Бригадмилы) et le champ de leurs activités fut strictement encadré par la loi. Ces brigades devaient combattre non seulement la délinquance et la violence domestique, mais aussi débusquer les espions et les citoyens s’opposant au pouvoir soviétique. Leurs membres n’étaient pas armés.

Il s’agissait essentiellement d’ouvriers qui bénéficiaient de la recommandation du syndicat ou du Komsomol (organisation de la jeunesse communiste).

Quand une patrouille était témoin d’une infraction ou d’un crime, elle devait sans délai en informer la milice et rester sur les lieux jusqu’à l’arrivée des miliciens. Il est arrivé que les supplétifs civils des forces de l’ordre aient à se battre avec des criminels.

Parmi les autres fonctions dévolues à ces brigades, on peut citer le maintien de l’ordre sur les foires et l’assistance à la population en cas de situation d’urgence.

Juste avant le début de la Grande Guerre patriotique, on comptait environ 400 000 auxiliaires civils de la milice. Beaucoup partirent pour le front. Ceux qui restèrent à l’arrière furent versés dans des groupes de défense de l’ordre public et participèrent à la lutte contre les agents de diversion.

«Droujina populaire bénévole»

Valeri Choustov / Sputnik

Après la guerre, les brigades reprirent leur collaboration avec la milice. Au milieu des années 1950, Nikita Khroutchev fit de l’édification du communisme et d’un Etat représentatif du peuple entier des priorités. Il fallait, entre autres, rééduquer les délinquants et éviter que les jeunes ne le deviennent. Les стиляги / stiliagui, qui suivaient la mode occidentale, firent alors l’objet de toutes les attentions.

Les brigades furent supprimées en 1958 et remplacées par une organisation appelée « Droujina populaire bénévole ». Dans la Russie kiévienne, дружина / droujina désignait une armée princière. Dans la Russie tsariste, les droujiny étaient des régiments de volontaires au sein de l’armée.

Avant même la création officielle de cette organisation le 2 mars 1959, des droujiny populaires s’étaient formées dans de grandes usines de Léningrad. En 1958, elles regroupaient en tout environ 15 000 personnes.

K. Ivachtchenko / Sputnik

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Patrouilles

Les usines fournissaient le plus gros des effectifs de la droujina.

Les дружинники / droujinniki formaient des équipes de 4-5 personnes qui suivaient une formation à la milice et patrouillaient dans les quartiers qui leur avaient été assignés. Les droujinniki portaient un brassard d’une couleur vive et avait une carte (une корочка / korotchka).

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Pour leur service volontaire, ils ne touchaient aucune rémunération. Mais ils avaient des compensations : primes ajoutées à leurs salaires, jours de congé au travail, séjours gratuits dans des établissements de repos (санаторий / sanatori).

Vsevolod Tarassevitch / Sputnik

Ce mouvement prit une ampleur tout à fait considérable. Au milieu des années 1980, on comptait environ 13 millions d’auxiliaires civils de la milice. Un chiffre qui allait rapidement décroître durant la Péréstroïka. Cette forme de service volontaire disparut avec l’effondrement de l’URSS.

Aujourd’hui, en Russie, les forces de l’ordre sont assistées de droujiny de cosaques et, dans certaines régions, de brigades d’étudiants.

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