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Que montre Vladimir Makovski sur son tableau Le Beau-Père?

Musée russe
Une jeune paysanne se tient à l’intérieur d’une isba dont rien ne permet de conclure qu’elle appartient à une famille aisée. La palanche dans sa main gauche et les deux seaux à ses pieds indiquent qu’elle s’apprêtait à aller chercher de l’eau au moment où son beau-père l’a retenue. 

Un homme d’âge mûr s’incline légèrement vers sa bru qu’il tient par la taille de sa main droite. Le visage de la jeune femme, sur lequel on lit tant la contrariété que la confusion, fait comprendre combien cette proximité lui est pénible. Elle ne semble pourtant pas maltraitée dans sa nouvelle famille : alors que l’ameublement sommaire de l’isba ne dénote en rien la richesse de ces paysans, elle porte un élégant sarafan, un couvre-chef richement brodé, des boucles d’oreilles et plusieurs colliers de perles.

Musée russe

Au moment où il entre dans l’isba, le jeune mari découvre la scène. Si l’on en juge par ses vêtements et sa besace sur son dos, le jeune paysan rentre chez lui après une longue absence. Il comprend vite ce qui se joue entre son père et sa femme.

Musée russe

Vladimir Makovski appartenait au mouvement des peintres itinérants. Comme les autres membres de cette société artistique, il était particulièrement observateur et ne cherchait pas à embellir les choses. Au contraire, les Ambulants, comme on les appelle également, reproduisaient la réalité dans ce qu’elle avait de plus cru et terrible. Le Beau-Père que Vladimir Makovski peignit en 1888 est une parfaite application de leur credo artistique. Il y illustre la tradition du cнохaчество (snakhatchestvo), c’est-à-dire le concubinage d’un père avec la femme de son fils. Cette pratique des Slaves de l’Est est restée en cours dans certaines familles paysannes russes jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Quels facteurs expliquent que cette tradition, qui plonge ses racines à l’époque du paganisme, ait pu se maintenir aussi longtemps après la christianisation de la Russie?

  • L’âge du mari. Au XIXe siècle, la plupart des unions n’étaient pas des mariages d’amour mais résultaient d’un accord entre les familles. Il arrivait que le mari soit bien plus jeune que sa femme. Parfois même, c’était encore un enfant. Dans ce cas, il arrivait que le beau-père de la mariée s’arroge la place de son fils.
  • Le service militaire. Au XIXe siècle, il durait de 20 à 25 ans. Les recrues étaient la plupart du temps célibataires, mais il se pouvait qu’elles soient déjà mariées. Leurs femmes et leurs enfants avaient alors le droit de les suivre. Ce qu’ils ne faisaient pas toujours, en particulier lorsque, au village, on manquait de bras pour les travaux des champs.
  • Les métiers saisonniers. Dans l’empire russe, les paysans étaient autorisés à quitter leurs terres pour aller gagner leur vie comme saisonniers ailleurs. On les appelaient отходники (atkhodniki), c’est-à-dire ceux qui s’éloignent.

La présence d’un mari adulte à la maison ne signifiait toutefois pas que son père ne montrerait pas d’intérêt pour sa femme. Plusieurs générations vivaient sous le même toit. La jeune mariée, qui se trouvait dans un position d’infériorité dans sa nouvelle famille, était souvent contrainte de céder à son beau-père. C’est précisément ce que nous montre Vladimir Makovski sur cette toile conservée au Musée russe.

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